Pendant huit ans, Luigi Crespi a été le "spin docteur" de Silvio Berlusconi. Aujourd’hui le Jacques Séguéla italien estime que le Cavaliere, avec qui il a coupé les ponts, fait toujours rêver les Italiens. D’où sa fulgurante remontée dans les sondages. Interview et explications.
A un moins de trois semaines des législatives italiennes, les marchés est les partenaires européens s’inquiètent. A votre avis, Silvio Berlusconi peut-il vraiment gagner les élections ?
Du point de vue de la communication, il a les a déjà gagné. Il y a un mois à peine, le Cavalier s’était retiré sur le mont Aventin. Son parti était en train de disparaitre et les sondages lui attribuaient 13% d’intentions de vote aux législatives des 24 et 25 février prochain. Aujourd’hui, le parti du peuple de la Liberté est crédité de 23%. En fait, Silvio Berlusconi a tout simplement montré qu’il pouvait remonter la pente et il a concrétisé cette remontée. Parce qu’il croit en lui, il réussit à pousser les Italiens à croire en lui.
Comment expliquez-vous ce véritable pouvoir de séduction?
Tout simplement parce que les Italiens pensent qu’il est crédible contrairement à ses adversaires. Après avoir converti la péninsule à l’austérité, Mario Monti parle de diminution d’impôts pour séduire l’électorat. Les démocrates ne sont pas très clairs. En 2001, Silvio Berlusconi avait signé un contrat avec les Italiens, un geste qui est entré dans l’histoire de la communication.
Puis, il a promis d’abolir l’impôt foncier et l’a fait. Il exprime le désir de croire que tout va s'arranger comme par miracle, sans effort. Les gens ne votent jamais pour un parti mais pour un rêve. Silvio Berlusconi a la capacité de faire rêver les Italiens. Malgré son âge, il incarne la vie, la sexualité, la séduction. Il est dans l’imaginaire collectif ce que des milliers d’Italiens âgés de 50 à 70 ans voudraient être. Il ne parle pas de sobriété mais de bien-être. N’oublions pas que Winston Churchill a perdu les élections en promettant aux Britanniques du sang et des larmes.
Cela veut dire que les scandales et les échecs puisque Silvio Berlusconi a conduit l’Italie au bord du gouffre sont oubliés ?
Pas forcément, mais il n'est pas le seul. Tous les partis politiques et de nombreuses personnalités ont été impliqués dans des scandales de corruption, de détournement d’argent public… Silvio Berlusconi dans un certain sens, a été paradoxalement épargné. Un homme politique normal peut être corrompu avec de l’argent, lui non. Il peut corrompre étant extrêmement riche mais pas le contraire.
Son seul point faible, c’est de ne pas être capable de gouverner. C’est ce que ses adversaires ne savent pas souligner. La gauche et certains médias sont ses meilleurs sponsors. Qu’on le veuille ou non, Silvio Berlusconi représente une partie importante du pays. Il symbolise les vingt dernières années. Hors la gauche et une partie de la presse estiment qu’il est indigne de représenter tout cela. Ils se sentent supérieurs d’un point de vu moral et ne comprennent pas qu’en le méprisant, ils méprisent à travers lui des millions d’Italiens.
Alors que le monde entier célébrait la journée de la Mémoire, Silvio Berlusconi a défendu Benito Mussolini. Comment expliquez-vous cela ?
C’était de sa part un calcul purement électoral. Des milliers d’Italiens estiment que le Duce a fait des choses bonnes comme la bonification des marais Pontins et la bataille du blé. La seule ressemblance entre Berlusconi et Mussolini, c’est la gestualité. Pour le reste, le Cavaliere n’a rien d’un dictateur même si ses adversaires le décrivent comme tel. En affirmant que le dictateur fasciste avait réalisé 'beaucoup de bonnes choses', Silvio Berlusconi séduit l’électorat le plus à droite.
Vous avez côtoyé Silvio Berlusconi pendant plus de huit ans. Quelle image avez-vous de lui ?
C’est un homme très attachant. Un homme qui a aussi ses faiblesses. Durant la cérémonie de commémoration de la Shoah, un caméraman l’a filmé en train de dormir et de sourire. Comme s’il était en train de rêver. C’est une image forte. Les journalistes pensaient le démolir. En fait, ils ont montré un vieil homme fatigué qui lutte comme un lion pour un projet auquel il croit. Cela plait.
En ce qui me concerne, il représente une part importante de ma vie, sur le plan professionnel mais aussi humain. Je l’ai quitté mais je ne l’ai pas trahi. Je suis le seul à avoir échappé 'au baiser de la mort'. Pour Silvio Berlusconi, entrer dans sa vie veut dire ne jamais en sortir. Ceux qui l’ont fait sont politiquement ou professionnellement morts.