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Retard de paiement en Europe: une spécialité bien latine

jeudi, 14 février, 2013 - 16:04

Les retards de paiement, cancer des entreprises financièrement fragiles, restent trop importants en France comparés, notamment, à l’Allemagne. Alors que 42% des entreprises européennes respectent les délais fixés, elles ne sont en France qu'un tiers à être de "bons payeurs". En Espagne, Italie et Portugal, c’est encore pire.

Une défaillance d’entreprises sur quatre est due à des retards de paiement, en France comme en Europe. Les plus fragiles sont contraintes de fermer, faute de trésorerie, du fait notamment des paiements tardifs de leurs clients

constate Thierry Millon, responsable des analyses Altares. Cette société de services vient de publier une étude très complète comparant l'importance de ce fléau pour les entreprises fragilisées par la crise dans différents pays de l’Union européenne.

Cela tombe bien, le gouvernement français a présenté la semaine dernière onze mesures pour aide des entreprises financièrement exsangues du fait de la crise dont certaines concernent le manque de trésorerie du fait des difficultés et des délais de plus en plus grandes être payées.

L’Etat, qui n’est pas un modèle pour les délais de paiement de ses factures, s’engage à multiplier le nombre de contrôles. Mais cela reste très marginal. Sur les 1.850 entreprises contrôlées l'an dernier, le taux de retard a été, selon Bercy, de 29%.

Aujourd’hui le seul recours légal consiste à poursuivre les clients récalcitrants devant un tribunal de commerce. Procédure non seulement longue mais qui implique le plus souvent la perte définitive du client qui doit comparaitre devant la justice. Ainsi, pour éviter de faire appel au tribunal, la prochaine loi sur la consommation prévue pour le printemps devrait instaurer une simple amende administrative pour mauvais payeurs.

L’étude d’Altares permet de mesurer le décalage entre la France et principalement l’Allemagne sur le comportement des entreprises en la matière. Si outre-Rhin seules 8% des entreprises dépassent un délai de paiement de 30 jours, en France, 12% dépassent un délai de 60 jours. Mais ces mauvaises pratiques françaises ne sont pas les pires en Europe. En Espagne, en Italie et au Portugal, les délais contractuels peuvent atteindre 120 jours et sont encore plus souvent non respectés.

Payer tard, une habitude bien française

Depuis 2010, les entreprises ont pris, la crise économique aidant, la mauvaise habitude de payer en retard leurs fournisseurs. Les retards de règlement dépassent les 12 jours. 

La proportion de bons payeurs s'est stabilisée "aux environs de 33 %" selon Altares: seulement une entreprise française sur trois respecte les dates d’échéance fixées. Dans plus de 37 % des cas, les différés de paiement sont cependant inférieurs à 15 jours. Dans le bâtiment "le respect des délais est le plus fort, mais moins d’un entrepreneur sur deux paye ses fournisseurs sans retard (46 %). Ce taux est supérieur de 10 % à celui de l’industrie ; le transport ferme la marche avec seulement 19 % de très bons payeurs".

En Allemagne, régler vite est de règle

Les entreprises allemandes se font un devoir de payer dans les délais prévus. Le retard moyen est inférieur à 8 jours et plus de 85 %, paient avec un retard inférieur à 15 jours.

Même au plus fort de la crise, les reports de paiement excédaient à peine 11 jours (…) En fin d’année dernière, 61,4 % des entreprises allemandes règlaient leurs fournisseurs à l’échéance, voire avant le terme. Et, crise ou pas, d'année en année les entreprises d'outre-Rhin sont de plus en plus vertueuses. Comme en France, c'est dans le secteur des transports que l'on paie le plus tard avec "seulement" 45 % de "bons payeurs". Cette promptitude pour le paiement de fournisseurs explique aussi la bonne santé financière des nombreuses PME allemandes.

En Espagne, cinq mois pour se faire payer

Les comportements de paiement des entreprises espagnoles se sont dégradées avec la crise qui frappe de plein fouet l'Espagne. Fin 2012 le dépassement moyen des délais de paiement était de 22 jours.

Cette dégradation se traduit par une moindre proportion d’entreprises respectant les dates d’échéance malgré des délais contractuels déjà très importants puisqu'ils sont le plus souvent de 120 jours. Ainsi, les sous-traitants et autres fournisseurs doivent souvent attendre près de 5 mois avant d'être payés. Cela nécessite d'avoir une solide réserve en trésorerie, les banques espagnoles exsangues ne faisant plus crédit!

Seulement 41% des entreprises espagnoles règlent leurs fournisseurs sans retard. Et 17 % reportent leurs paiements de plus de 30 jours.

Les délais de paiement augmentent dans tous les secteurs. Les retards de règlement dépassent, en moyenne, 30 jours dans l’administration, l’immobilier et le bâtiment, et sont de 28 jours dans les transports.

En Italie, la rigueur porte des fruits

Les Italiens sont également très longs à la détente pour payer leurs factures. Le délais contractuel peut atteindre, comme en Espagne, 120 jours et le retard moyen passé ce délais est de 15,5 jours

Altares note cependant, "une sensible amélioration du taux de bons payeurs. En effet, fin 2010, 40,4% des entreprises italiennes respectaient les délais de règlement. Elles sont désormais 45,3 %" à le faire". Est-ce l'arrivée au pouvoir en décembre 2011 de Mario Monti, champion de la rigueur qui a contraint les entreprises à mieux respecter les délais?

Le redressement est particulièrement notable dans le commerce, l’industrie et les services. Dans ces secteurs, la proportion d’entreprises réglant leurs fournisseurs sans retard, augmente de 6 à 7 % sur un an. En revanche, ce taux recule de plus de 5 % dans les transports et tombe à moins de 39 %.

Au Portugal, des délais interminables

Les comportements de paiement restent tendus au Portugal. Les retards de paiement repassent au-dessus des 27 jours en fin d’année 2011.

Les délais contractuels sont longs (3 à 4 mois), pourtant seulement 22% des entreprises portugaises respectent les échéances de paiement. L'étude souligne que "c’est dans les services que la part des entreprises respectant les délais de règlement est la plus forte (30,7 %). A l’inverse, le taux le plus bas est observé dans le bâtiment (11,7 %). Le commerce stigmatise les tensions: la proportion de très bons payeurs recule de plus de 3 % sur un an dans le commerce interentreprises et de plus de 5 % dans le commerce de détail".

Au Royaume-Uni la situation s'améliore

La situation s'améliore au Royaume-Uni depuis plus de deux ans, selon Altares. En un an, les retards de paiement reculent de 2 jours (16 jours à fin 2011). "Des efforts restent néanmoins à faire, pour retrouver des comportements d’avant crise". Début 2007, 36 % des entreprises britanniques respectaient leurs engagements contractuels alors qu'aujourd'hui elles ne sont que 26 % à le faire.

Pour autant l’ensemble des secteurs semblent faire un effort pour ne pas mettre leurs fournisseurs en difficulté. C'est notamment le cas dans l’immobilier où plus de 25 % des entreprises payent leurs fournisseurs sans retard, soit 3 % de plus qu’un an plus tôt. De plus, les délais contractuels de paiement sont d'un à deux mois seulement. 




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