Toujours en sévère récession, le Portugal est contraint de privatiser tous les secteurs stratégiques de son économie. Les fleurons du secteur public sont en ventes et la restructuration des services publics de base promet d'être drastique.
A court de liquidités, le Portugal à décidé de vendre….son eau. L’ouverture du capital de Águas de Portugal au secteur privé est en effet au programme de privatisations du pays. Seul le secteur des résidus est concerné à ce stade, mais, dans la population portugaise, l’impact psychologique est fort.
De l'eau…
Dans quelques petites villes de l’intérieur du pays où la restructuration de la gestion municipale de l’eau est évoquée, les conseils municipaux se sont déroulés de manière très houleuse. Les banderoles « Non à la privatisation de l’eau » fleurissent un peu partout.
On s’interroge sur la continuité d’une fourniture universelle et durable pour tous les habitants. L’eau dans le sud c’est une question délicate. Mais alors que les Portugais scrutent avec inquiétude leurs nappes phréatiques, les voila obligés de lever les yeux au ciel.
De l'air…
La TAP, la compagnie aérienne va elle aussi changer de mains, après une première tentative manquée fin 2012. Un seul repreneur potentiel était encore sur les rangs, l’homme d’affaires aux deux nationalités, colombienne et brésilienne, German Efromovich.
Il ira jusqu’à doubler sa proposition initiale, à 351 millions d’euros. Mais l’opacité qui entoure les intentions du richissime mais obscur industriel et une forte opposition nationale conduisent le gouvernement à admettre que les conditions financières ne sont pas réunies.
La privatisation de la TAP doit être relancée en ces premiers mois de 2013 : elle est étroitement liée dans le montage financier à la privatisation, réussie cette fois, de ANA Aéroports nationaux, vendus pour 3 milliards d’euros au Français Vinci. Mais la renégociation de la concession aéroportuaire, préalable à l’OPA, soulève des interrogations à Bruxelles.
Des bateaux…
Une autre privatisation est aussi sur la sellette : celle des chantiers navals de Viana do Castelo, ENVC. Là encore un seul repreneur est encore en lice, le russe RSI Trading- un industriel sans aucune expérience navale- mais Bruxelles a entamé une procédure pour déterminer la légalité d’une aide de l’État de 180 millions d’euros aux chantiers navals. La procédure retarde encore la possibilité pour les ENVC de finaliser des contrats dont leur survie dépend.
Et puis un temps évoquée, la privatisation de la RTP, le service public de radio et télévision, a fini par être enterrée.
Un lessivage à 78 milliards d'euros
Pour Pedro Lains professeur d’Histoire de l’économie à l’ISCTE- Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne,
La manière dont ces privatisations sont menées soulève des questions. Il y a des intérêts particuliers derrière ces dossiers. D’un côté le ministre d’État Miguel Relvas – personnalité contestée – est lié à des intérêts sud américains, et aussi Angolais.
Et le conseiller du premier ministre, António Borges, ancien de chez Goldman Sachs, est lié aux intérêts financiers. Ceux-ci n’interviennent pas directement dans les OPA, mais dans les médiations, qui peuvent rapporter beaucoup.»
De son côté, le gouvernement dit ne pas avoir le choix : il doit dégager six milliards d’euros de recettes grâce à son vaste programme de privatisations. Les privatisations sont bel et bien inscrites dans le Mémorandum fixant, avec le FMI et l’Union Européenne, la feuille de route de la restructuration de l’économie portugaise pour lui éviter la banqueroute.
C'est en échange de ce grand lessivage, doublé d'une politique d'austérité sauvage, que le Portugal s'est vu accorder, en mai 2011, un méga prêt de 78 milliards d'euros. Même si 60 milliards lui ont déjà été versés, le chantier est si vaste et l’impact des mesures d’austérité si conséquent que le Portugal semble s’écrouler sur lui-même.
Santé, éducation, protection sociale à restructurer
Si la privatisation des CTT (poste), et de la TAP sont bel et bien à l’ordre du jour à court terme, des menaces pèsent sur les fonctions sociales de l’État, comme l’éducation nationale et la santé. S’il n’est pas question de privatisation, au sens technique du terme, des restructurations sont programmées.
Le chef du gouvernement a confié au ministre des Affaires Étrangères le soin d’élaborer un projet pour réformer l’État. Objectif : 4 milliards d’euros d’économie supplémentaire.
Pourquoi confier ce dossier au chef de la diplomatie ? Parce qu’il dirige le second parti de la coalition de droite au pouvoir, le CDS-PP, et parce que l’appartenance à cette formation qui réunit démocrates chrétiens et populistes apporte une caution "sociale" au dossier.
Mais l'opinion publique n'est pas dupe. Dans un pays où l'activité économique s'est encore contractée de 3,2% l'an dernier, l'heure est plus que jamais à la déréglementation néo-libérale.