La sortie de crise en Europe, et notamment en France, ce n'est pas avant 2015. Dans ses prévisions, la Commission européenne ne se fait pas d'illusions. La réduction des déficits et ses effets récessifs condamnent bon nombre de pays de l'UE à une croissance atone et à un chômage massif pour encore deux ans.
Les prévisions de croissance dans les pays de l'Union européenne publiées par la Commission de Bruxelles confirment une sortie de crise particulièrement laborieuse en Europe, notamment pour la France. Olli Rehn, le commissaire en charge des affaires économiques et monétaires a ainsi évité de menacer Paris de sanctions pour son déficit qui devrait atteindre 3,7% cette année compte tenu des efforts budgétaires en cours, mais ce n'est pas par mansuétude. Une sanction n'aurait fait que de retarder le redémarrage.
Or après deux ans de croissance quasi nulle (0% en 2012 et 0,1% cette année), la croissance française devrait plafonner à 1,2% en 2014 prédit la Commission.
Investissements en panne
Mis à part les trois pays qui reviennent de beaucoup plus loin la Grèce (6,4% de croissance en 2012, -4,4% en 2013 et 0,6% en 2014), le Portugal (-3,2%, -1,9% et 0,8%) et l'Espagne (-1,4%, -1,4% et 0,8%) et l'Italie (-2,2%, -1% et 0,8%), l'économie française avec celle des Pays-Bas (-0,9%, -0,6% et 1,1%) va devoir attendre au moins jusqu'en 2015 pour retrouver un régime de croisière honorable.
Dans cette perspective de redémarrage particulièrement poussif, Olli Rehn propose de prévoir un nouveau délai pour réduire en 2014 les déficits, "nettement en deçà des 3 %". Une proposition qui sera examinée dans les prochains mois par les ministres de finances de la zone euro.
A la lecture des tableaux de la Commission, cette faible réactivité de l'économie française s'explique notamment par la faiblesse des investissements publics et privés. Après avoir stagnés en l'année dernière, ils seront en repli de 1,5% cette année et n'augmenteront que de 1,8% l'année prochaine. C'est bien trop peu pour espérer relancer la machine. Dans le même temps ces investissements seront en hausse de 4,5% en Allemagne en 2013 et de 4,8% chez nos voisins britanniques. La corrélation entre investissements est évidente. A titre d'exemple, ils ont atteint 7,7% du PIB en Pologne en 2012 pour une croissance de 2%.
Les déficit repartent à la hausse
Par ailleurs, à regarder de près l'évolution des déficits publics, on s'aperçoit que ceux-ci se dégradent dans plusieurs pays entre 2013 et 2014. C'est le cas en France (de – 3,7 à – 3,9%), de l'Espagne (de – 6,7 à – 7,2%), de la Belgique (de – 3 à – 3,2%), du Danemark (de – 2,7 à – 2,8%) et de la Slovaquie (de – 3,3 à – 3,4%). Dans la plupart des cas, ce sont des pays qui ont drastiquement réduit leur déficit en 2013. Notamment l'Espagne dont le déficit devrait diminuer de 3,5 points cette année.
Ce qui montre, une fois de plus, qu'une austérité excessive a d'abord pour effet de diminuer la croissance et donc de recréer des déficits accrus pour l'année suivante. A l'inverse, les pays ayant pratiqué une austérité "douce" arrivent à de meilleurs résultats en termes de déficit.
La comparaison éclairante à cet égard est celle de l'Espagne et du Portugal. Les deux pays retrouvent en 2014 la même croissance positive (+ 0,8%). Mais, entre 2010 et 2014 (5 ans), le PIB espagnol n'a reculé que de 2% alors que celui du Portugal a baissé de 4%. Ce qui reflète un tour de vis budgétaire équivalant à 7,3 % du PIB au Portugal contre seulement 4 % en Espagne.
La contrepartie est que le Portugal terminerait l'année 2014 avec un déficit bien réduit (2,9% du PIB) alors que l'Espagne serait deux fois et demi plus élevé (7,2% du PIB). Toute la question est de savoir si la croissance espagnole repartira plus vite que la croissance portugaise. Et si Madrid ne sera pas mise à l'amende pour déficit excessif…