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La loi sur l’emploi, un petit pas vers la cogestion allemande

mercredi, 6 mars, 2013 - 12:36

Adopté aujourd'hui en conseil des ministres, le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi en France prévoit l'arrivée de deux salariés dans les conseils d'administration. Le symbole est fort mais la cogestion pratiquée en Allemagne est encore loin. 

Chronique sur RFI - La cogestion by Myeurop

La mesure est d'importance. Pour la première fois dans l'histoire du capitalisme français, les salariés vont faire leur entrée au conseil d'administration des entreprises privées. Jusqu'à présent, cette présence n'était effective que dans les entreprises publiques ainsi que dans les sociétés récemment privatisées. Elle est également prévue dans le cas où les salariés détiennent collectivement au moins 3% du capital de l'entreprise.

Le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, adopté aujourd'hui en conseil des ministres, prévoit ainsi que un à deux représentants des salariés non actionnaires feront, d'ici à deux ans, leur entrée au capital des entreprises privées d'au moins 5.000 salariés en France (et 10.000 hors de France).

Les salariés du privé exclus dans seize pays

Jusqu'à cette loi, la France faisait partie des pays où les salariés ne sont pas associés à la gestion des entreprises privées, sauf sur des questions les concernant très directement comme l'hygiène ou la sécurité. Certains pays, comme la France, réservent la présence des salariés au conseil aux seules entreprises publiques.

C'est le cas en Espagne, au Portugal, en Belgique, en Grèce ou en Irlande. Mais il y a aussi quelques pays où les salariés ne sont représentés nulle part: dans les pays baltes, en Roumanie, en Bulgarie et, surtout, en Italie et au Royaume-Uni.

Modèles scandinave et Rhénan

Onze autres pays garantissent en revanche cette représentation. Ce sont en réalité toutes les nations d'Europe du nord et d'Europe centrale sauf la Pologne ainsi que les pays de culture germanique. En somme, tous les systèmes économiques qui relèvent soit du modèle scandinave, soit du modèle rhénan, et qui ont une culture de la participation et du consensus.

Ce qui n'est pas le cas de la France et des pays du sud qui sont bien davantage dans la culture latine de la confrontation. C'est bien pourquoi la loi adopée par le gouvernement est importante et novatrice, même si elle est particulièrement timide, aussi bien du point de vue du nombre d'entreprises concernées que de la proportion de salariés au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance.

Des seuils sans commune mesure

Il faut se rendre compte que la France se prépare à fixer à 5000 employés le seuil minimum d'effectif permettant l'entrée des salariés au conseil ! Or, dans les autres pays concernés, ce seuil est la plupart du temps de 50 employés, parfois moins.

En Allemagne, le seuil est de 500. Pourtant, ce pays est, sans conteste, celui de la cogestion par excellence. Avant tout parce que les salariés pèsent lourd dans les conseils. Ils en composent le tiers dans les PME et, depuis 1976, pour les entreprises de plus de 2000 employés, ils pèsent 50%, c'est à dire qu'ils sont à parité avec les autres administrateurs.

L'aval obligatoire des salariés

En d'autres termes, aucune décision stratégique concernant les entreprises ne peut être prise sans l'accord des salariés en Allemagne. C'est effectivement une véritable cogestion qui n'a pas son équivalent en Europe. En France, même avec la nouvelle loi, on restera très loin de ce système puisque le nombre des salariés au conseil sera limité à deux. Pour des entreprises de plus de 5000 employés, cela veut dire qu'ils ne représenteront que 12 à 20% des conseils d'administration ou des conseils de surveillance.

On est loin, très loin de l'Allemagne où les représentants des actionnaires ne sont pas majoritaires dans les entreprises d'une certaine taille. C'est le seul pays dans ce cas. Dans les dix autres pays où les salariés sont au conseil, leur proportion est d'un tiers. Ils pèsent dans la décision, mais, in fine, ils ne décident pas. En contrepartie, dans les pays scandinaves ou certains pays d'Europe centrale, toutes les entreprises, à partir de 20 à 50 employés sont concernées. Cela signifie que l'ensemble du système économique est imprégné de cette culture de participation active des salariés aux décisions de l'entreprise.

Par contraste, même si elle est symboliquement importante, la réforme française apparaît bien timide puisque seules les grandes entreprises sont concernées et que l'arrivée de deux salariés au conseil n'est susceptible que de favoriser une meilleure visibilité de la situation de l'entreprise et de sa stratégie pour l'ensemble des employés. On est loin de la cogestion…


Les principales mesures de l'accord pour l'emploi :

La loi sur la sécurisation de l'emploi devrait être adoptée rapidement pour une mise en application en mai prochain. Elle reprendra l'accord du 11 janvier signé par le Medef et les syndicats, notamment la CFDT. La CGT et FO ne l'ont pas signé. En contrepartie d'une plus grande flexibilité pour les entreprises, l'accord prévoit de nouveaux droits pour les salariés:

  • Des droits à l'indemnisation chômage "rechargeables" à l'Assurance pour "ne pas pénaliser les chômeurs qui retrouvent un emploi puis reviennent au chômage". Le projet permet "de conserver des droits à indemnisation non consommés lors de la première période de chômage, puis de les cumuler en tout ou partie avec les nouveaux droits acquis".
  • Les emplois à temps partiel seront mieux encadrés. La durée de travail hebdomadaire minimale pour les CDD sera de 24 heures par semaine, sauf pour les étudiants de moins de 26 ans ou les salariés de particuliers employeurs. La rémunération des heures supplémentaires devra être majorée de 10%. Les employeurs devront payer une "surcotisation" sur les rémunérations des CDD. Elle sera de 3% pour les CDD de moins d'un mois, 1,5 % pour ceux compris entre 1 et 3 mois et 0,5% pour ceux de plus de trois mois.
  • Les salariés non-actionnaires feront leur entrée dans les conseils d'administration. Un à deux salariés siégeront aux conseils d'administration des entreprises de plus de 5000 salariés en France, ou plus de 10.000 dans le monde. Ces représentants disposeront d'une voix délibérative. Cette représentation des salariés devra être mise en œuvre d'ici deux ans.
  • Pour favoriser l'embauche en CDI, le principe d'une taxation des CDD a été acté.
  • En cas de "graves difficultés conjoncturelles", des "accords de maintien dans l'emploi" permettront aux entreprises de négocier une baisse de la durée du travail ainsi qu'une baisse de la rémunération de ses salariés. Les salaires de moins de 1,2 smic ne seront pas touchés.
  • Le projet prévoit une nouvelle obligation de négociation collective tous les trois ans sur la mobilité interne à l'entreprise. Ceci sans limite géographique Le salarié à qui l'entreprise demande de changer de lieu de travail aura la garantie de maintien de son niveau de salaire. S'il refuse un accord de mobilité, il pourra être licencié.
  • La législation des plans sociaux est plus juridiquement encadrée. Les entreprises qui signent un accord collectif majoritaire obtiendront le feu vert de l'administration sous huit jours Celles qui décident unilatéralement d'un plan social, devra obtenir l'aval de l'administration sous 21 jours.



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