Le cumul des mandats n'est pas à l'ordre du jour de la loi sur la moralisation de la vie publique pourtant destinée à rétablir le pacte de confiance entre citoyens et élus après l'affaire Cahuzac. Le non-cumul, c'est pas avant 2015. En Europe, les élus français sont, de loin, les champions du genre.
Le conseiller municipal PS de Perpignan, Frédéric Gonano et son homologue EELV de Montpellier sont bien seuls.
Le premier a démissionné la semaine dernière dans l'indifférence quasi-générale du PS pour protester face au "mensonge" de son parti sur le non-cumul des mandats.
Le second a rendu son tablier de conseiller municipal pour se consacrer exclusivement à son mandat de conseiller général du canton des Matelles dans l'Hérault.
La veille de ces démissions, le conseil des ministres avait entériné le report prévu de 2014 à 2017 de l'interdiction du cumul des mandats. Autrement dit après les élections européennes et municipales.
Dans la lettre de démission du PS, Frédéric Gonano explique que
Nombre de députés socialistes élus en juin 2012 ont également [comme Jérôme Cahuzac, NDLR] usé du mensonge devant les Français"
en s'engageant à démissionner de leurs mandats locaux avant le 30 septembre 2012.
Comment ne pas y voir un parallèle détestable et ravageur"
avec l'affaire Cahuzac, conclut-il avec un certain panache.
Le gouvernement a pourtant tenté de faire la part du feu pour circonscrire l'incendie engendré par les aveux de Jérôme Cahuzac en promettant une loi sur "la moralisation de la vie publique" et en demandant aux ministres de rendre public leurs patrimoines au plus tard lundi prochain.
Mais le non-cumul des mandats, promesse du candidat Hollande n'est pas plus au programme législatif dans l'immédiat. La loi sera soumise en 2015 au vote du parlement après les élections européennes, municipales et pour les conseillers territoriaux (qui remplace les élections régionales et cantonales) de 2014.
La France est la championne d'Europe pour le cumul des mandats.
Les députés ou sénateurs peuvent cumuler:
- Un mandat territorial: conseiller régional, général ou municipal.
- Un mandat exécutif: maire d'une ville de plus de 3500 habitants, président ou vice-président d'un conseil général ou régional.
- Un mandat local: maire d'une commune de moins de 3500 habitants ou président d'une intercommunalité de communes.
Certains élus arrivent ainsi à cumuler jusqu'à quatre mandats. Bingo!
Alors que près des trois quarts des députés français ont un mandat local, il n'en est absolument pas de même dans les autres pays européens. Tandis que 24% des députés allemands et 20% des députés espagnols détiennent un mandat local, ils ne sont que 13% en Italie, 6% aux Pays-Bas et 3% en Grande Bretagne. Le cumul d'un mandat local et d'un mandat national est ainsi rare, voire exceptionnel, ailleurs en Europe
Cependant, comme il y a toujours une divergence entre règles et pratiques, l'étendue des restrictions apportées au cumul ne va pas forcément de pair avec la rareté des élus cumulards. Il reste que le pays ou le cumul est le plus rare en Europe, c'est… l'Italie.
Car, dans la Peninsule, Il est impossible d'être à la fois député ou sénateur et membre d'une des 20 assemblées régionales. Il est également prohibé de cumuler mandat national et chef d'un exécutif de région ou de l'une des 110 provinces du pays. Le cumul est seulement possible avec un mandat de conseiller municipal ou de maire d'une commune de moins de 5.000 habitants.
L'Espagne est également un pays où le cumul est très restreint dans la mesure où le travail de parlementaire, précise le statut des députés, doit être "à temps complet". Ce qui veut dire qu'un député ne peut être maire que si cette fonction ne l'occupe qu'à temps très partiel et qu'il n'est pas rémunéré. En revanche, il y a une passerelle entre la Chambre Haute et les assemblées des "autonomies" (grandes régions) puisque 58 sénateurs sont issus des assemblées régionales.
Cette relation particulière entre la Chambre Haute et les régions est encore plus marquée en Allemagne où tous les membres du Bundesrat font partie du gouvernement des 16 länder. Ce qui exclut, par ricochet, que les membres du Bundestag, la Chambre basse, puissent appartenir aux exécutifs régionaux ou d'arrondissement puisque l'on ne peut siéger à la fois dans les deux chambres fédérales. On peut en revanche être député et membre d'une assemblée régionale, d'arrondissement ou communale. Mais le cas est rare de même que le cumul député-maire, autorisé uniquement si la fonction est bénévole.
Les Pays-Bas présentent un régime encore plus drastique que l'Allemagne car si l'on peut-être à la fois député ou sénateur et membre d'une assemblée provinciale ou communale, impossible d'être parlementaire et maire. Car aux Pays-Bas, les maires ou les présidents des exécutifs provinciaux sont des fonctionnaires nommés par la Reine et ne peuvent donc se présenter aux élections.
Enfin, le Royaume-Uni est un pays quelque peu singulier du point de vue du cumul des mandats. Sur le papier, peu de mandats locaux sont expressément interdits aux membres de la chambre des Communes ou de la Chambre des Lords, sauf les postes de chef de l'exécutif local (comté ou district). Mais l'on ne peut à la fois être parlementaire et maire que s'il s'agit d'un poste de maire élu, ce qui n'est pas le cas général. Dans la pratique, très peu de membres du Parlement ont des fonctions locales.