François Hollande veut moraliser la vie politique, mais peut-on légiférer contre le mensonge? Ailleurs en Europe, le simple fait de cacher la vérité implique une condamnation sans appel dans certains pays, dans d'autres ce n'est pas un péché capital. Le "super menteur" en Europe, reste, sans l'ombre d'un doute, Silvio Berlusconi.
Mensonge et politique vont souvent de pair partout en Europe, mais il y a l'art et la manière de cacher la vérité et les conséquences de ce péché sont très différentes selon les pays. Dans certains, comme au Royaume-Uni, Jérôme Cahuzac aurait été condamné à l'excommunion politique et croupirait en prison, dans d'autres, comme en Italie, on ne manquerait pas de rappeler que le mensonge n'est pas un péché capital et que l'ex-ministre du budget n'est pas le premier membre d'un gouvernement français à avoir menti avec insistance avant d'être contraint de passer aux aveux.
Flash back: il y a trois ans, il aura fallu plusieurs semaines de révélations en cascade et de remous politiques pour que Nicolas Sarkozy, décide de se séparer de son encombrante ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, plombée par ses offres de service sécuritaires à l'ex-Président Ben Ali, puis par ses vacances "sponsorisées" en Tunisie au moment où le pays était déjà en pleine révolution. S’enfonçant de mensonges en mensonges, l’intéressée n’avait plus comme perspective que de jeter l’éponge.
Michèle Alliot-Marie était déjà ministre de la Défense dans le gouvernement de Raffarin, sous la présidence de Jacques Chirac que les Guignols de l'info avaient renommé "Super Menteur" en 2002.
La France n’est évidemment pas en Europe pas le seul pays ou des responsables politiques au pouvoir sont pris en flagrant délit de menteries.
En Allemagne: pas de pardon
En Allemagne, de simples accusations de plagia portées à l’encontre du ministre de la Défense allemand, Karl Theodor zu Guttenberg, ont finalement conduit la chancelière Angela Merkel à accepter sa démission.
Plus des deux-tiers de sa thèse de doctorat délivrée summa cum laude par l’Université de Bayreuth était suspectées d'emprunts illégitimes et non sourcés. Des internautes indignés avaient créé un wiki pour recenser les éléments de plagiats. Après avoir tenté de nier, face à l’évidence il a été contraint de s’excuser auprès des personnes qu’il "aurait pu blesser" et son titre de docteur en droit lui a été retiré pour "faute grave".
La Chancelière allemande ne pouvait qu'accepter sa démission dés lors que son autorité morale était atteinte dans un pays où l'on ne tergiverse pas avec le mensonge, partant du principe que si le ministre était capable de mentir pour obtenir un doctorat, sa parole pouvait dés lors être systématiquement mise en doute.
En Italie: ne jamais avouer
Le contraste est total avec l'Italie. Un pays où le champion des mensonges n'est pas n'importe qui, c'est l'ex-chef du gouvernement! Face à l'avalanche de procès à son encontre, Silvio Berlusconi nie. C'est un reflexe conditionné. Nier et ne jamais avouer en usant jusqu'à la corde de son pouvoir. Quitte à faire promulguer une loi sur mesure d'"empêchement légitime" le mettant à l'abri de toute poursuite judiciaire quand il était président du Conseil. Pour empêcher que le glaive de la justice ne s'abatte sur lui, il a également fait voter par les députés une motion de dessaisissement du tribunal en charge de le juger dans l'affaire Rubygate.
Le journal d’opposition Il fatto avait beau titrer "Le cas Ruby, au moins 9 mensonges", Sivio Berlusconi niait avoir jamais payé une prostituée:
Je me sentirais rabaissé en tant qu’homme".
Il niait aussi avoir su qu'elle était mineure, alors que l’on découvrait les appartements pour prostituées spéciales au sein même de sa villa d’Arcore.
Aujourd'hui, Silvio Berlusconi tente encore de jouer la montre dans trois interminables procès. Il ment également sur ses promesses électorales. Dernier en date la suppression de la taxe d'habitation. Et ça marche encore! Il a été devancé d'un cheveu par la gauche aux dernières élections générales.
L'affaire Cahuzac a ainsi été suivie avec intérêt par une opinion italienne fort admirative des démissions des politiciens européens : "vous vous rendez donc, elle a démissionné pour un mensonge", il a démissionné "pour quelques emplois fictifs", "pour si peu"…
Si en Italie le mensonge en politique est monnaie courante, les politiques ont pris exemple sur le Cavaliere. Ils avouent eux aussi rarement même devant l’évidence et n'abandonnent pas leur mandat en partant du principe qu'en politique la démission est considérée comme un demi-aveu.
Le mensonge public a également été très pratiqué par son ex-compagnon de route de Berlusconi, Gian Franco Fini. Ce dernier prônait pourtant sans sourciller un regain moral pour le pays :
Les jeunes sont de nouveau disposés à croire, s’engager et se mobiliser lorsqu’on parle dans l’esprit de vérité et lorsque les actes suivent les mots".
“Fatta la legge trovato l’inganno” ("A chaque loi votée, l’escamotage est à trouver"). La politique italienne a fait sienne ce proverbe populaire: l’important, c’est de nier, même -et surtout- après la condamnation par la Justice.
Royaume-Uni: prison et excommunion
A l'inverse, au Royaume-Uni, on ne badine pas avec le mensonge en politique. Outre-Manche, on fait immédiatement le parallèle entre l'affaire Cahuzac et celle de l'ex-ministre britannique de l’Environnement, Chris Huhne, contraint à la démission l'année dernière. Il est aujourd'hui en prison pour 8 mois pour avoir menti à la justice: il avait fait croire il y a dix ans que son épouse conduisait sa voiture pour ne pas perdre son permis.
Et sa carrière est définitivement ruinée. Nos voisins d'outre-Manche ne peuvent comprendre, par exemple, qu'Alain Jupé soit redevenu ministre et maire de Bordeaux après avoir été condamné en 2004 pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire des emplois fictifs du RPR. Mentir à la justice britannique, contrairement à la France, ça ne pardonne pas estimait la semaine dernière le quotidien The Independent.