"Strip-tease de la République", "Crazy Horse gouvernemental" : le patrimoine des politiques n'a jamais semblé aussi sexy. En Espagne aussi, on file la métaphore: un "desnudo integral", complétant la loi de 2011, est aujourd'hui en projet.
La publication du patrimoine des ministres du gouvernement Ayrault n'a pas mis fin à la polémique qui mobilise depuis plusieurs jours le sérail politique français. Le Figaro dénonce un "strip-tease de la République", tandis que Libération salue "la fin d'un tabou". Les politiques sont aussi divisés, à gauche comme à droite. Copé dénonce le "voyeurisme", tandis que Mélenchon ironise en rendant public le montant de ses biens…et un peu plus:
Je mesure 1,74 m. Je pèse 79 kilos. Ma taille de chemise est 41/42. Ma taille de pantalon est 42".
Dans la même veine, un élu du Doubs (sans étiquette) a posé nu, ce 16 avril, pour protester contre ce dévoilement patrimonial imposé.
Bien que les Français y soient majoritairement favorables (à 60%, selon un récent sondage IFOP/JDD), les réticences des représentants et responsables politiques face à la mesure sont nombreuses, parfois virulentes.
Cet emballement peut sembler étrange pour nos voisins Européens, dont beaucoup ont adopté bien avant la France des mesures en faveur de la transparence des élus.
La transparence, antidote à la corruption
Mais des disparités demeurent, héritées de cultures politiques contrastées: l'Espagne, autre retardataire européen vers la transparence publique, devance cependant la France. Une étape décisive a été franchie en 2011, avec obligation faite aux parlementaires de publier leurs patrimoine et revenus, qui prolonge l'obligation faite aux membres du gouvernement. Ils sont désormais accessibles d'un simple clic, sur le site internet du Congrès des députés. Cette mesure ne s'est pas faite sans débats et certains parlementaires n'ont même pas remis leur déclaration dans les délais prévus.
Déjà évoquée mais toujours repoussée depuis 2004, une "ley de transparencia" (loi de transparence) plus complète, est en discussion depuis mars 2012. Pour Mario Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, dont la légitimité est mise à mal par les soupçons de détournement de fonds qui pèsent sur son parti, "la loi de transparence marquera la lutte contre la corruption".
Mais le projet fait déjà l'objet de critiques: pas assez ambitieux, encore trop opaque. Ximo Puig, président régional du Parti socialiste de Valence, réclame une "mise à nu intégrale" des comptes des partis et des revenus des députés et des responsables publics, estimant que:
Personne ne devient riche en politique (…) l'antidote de la corruption est la transparence".
Il faut dire que le débat est régulièrement remis au goût du jour, avec la succession de scandales de corruption. Dernier en date, alors que la France était secouée par l'affaire Cahuzac, l'affaire de détournement de fonds touchant l'infante Cristina, par l'intermédiaire de son époux Iñaki Urdangarin.
Sous la pression publique, la famille royale a accepté un compromis l'incluant dans ce projet de loi de transparence. Mais cette concession aux allures de mea culpa ne sera peut-être pas suffisante pour retrouver une popularité en berne.
Opérations "mains propres"
La crise économique et les scandales de corruption impliquant des politiques semblent avoir eu raison du retard français et espagnol, cancres européens de la transparence publique. Des deux côtés des Pyrénées, des projets de lois sur la "transparence démocratique" sont donc en cours d'adoption (en France, elle sera présentée en conseil des ministres le 24 avril 2013, en Espagne, elle est attendue pour juillet 2013). Mais déjà, les déclarations publiques de revenus et patrimoine, obligatoires ou spontanées, se multiplient, devançant la loi.
Des opérations "mains propres" dont l'efficacité -démocratique autant qu'électoraliste- reste à prouver.