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Couronnement : pour Béatrix, les Néerlandais cassaient tout

mardi, 30 avril, 2013 - 10:45

La reine Beatrix abdique et cède le trône à son fils, Willem Alexander. La ville d'Amsterdam s'attend à une foule et les préparatifs se multiplient dans le royaume. Une ambiance festive et bon enfant qui contraste violemment avec les émeutes lors du couronnement de Beatrix, en 1980!

Ce 30 avril 2013 sera le dernier "Koninginnedag", le jour de la reine, célébration nationale de sa majesté la reine Beatrix des Pays-Bas qui a supplanté le premier mai depuis 1949.

Et l'an prochain, pour la première fois depuis plus d'un siècle, les Néerlandais fêteront le "Koningsdag", le jour du roi. Celui-ci tombera le 27 avril, jour de la fête anniversaire de Willem-Alexander, le nouveau souverain. Beatrix abdique officiellement ce mardi 30 avril, dans la liesse populaire et un engouement consensuel des médias de tout bord. Une fin de règne qui contraste cruellement avec le début: lors du couronnement de Beatrix, en 1980, le pays a connu les émeutes les plus violentes de son histoire. Le mouvement des squatters se déchaînait dans les rues et réclamait des logements bon marché pour tous.

Liesse populaire et protocole princier

En 2013, les choses sont bien différentes. Les cérémonies d'abdication dureront toute la journée du 30 avril. De 10 heures à 10 heures 30, la reine a prononcé une courte adresse au public dans la Moseszaal (Salle Moïse) du palais royal d'Amsterdam. Son conseiller lira ensuite le document officiel d'abdication que la reine signera, suivie de quelques témoins.

De 10h30 à 10h50, le prince Willem-Alexander et la princesse Maxima se présenteront au public, accompagnés de Beatrix qui sera dès lors une "simple princesse" et qui s'adressera à la foule réunie devant le palais royal. A 13h30 s'ouvre la session des Etats généraux du royaume, à laquelle participent les membres du Conseil général, le Conseil des ministre et le Conseil d'Etat. Ainsi que les membres des Etats d'Aruba, Curaçao et Saint-Martin, les trois Etats non-européens du Royaume des Pays-Bas – Koningrijk der Nederlanden.

A 13h50, la princesse Beatrix et les membres de la famille royale se rendent dans la Nouvelle Eglise (Nieuwe Kerk). A 14 heures, le futur roi les rejoint. De 14 heures à 15 h 30, investiture et serment du roi face aux deux Maisons des Etats généraux réunies dans la Nouvelle Eglise. A 15h30, le roi et ses hôtes se dirigent vers le palais royal où une réception attend les nombreux invités.

Une affluence record

La ville d'Amsterdam s'attend à une affluence record: elle estime à 800.000 le nombre de personnes qui se déplaceront vers la capitale pour l'événement.Les chemins de fer ont prévus 500 conducteurs de trains et 400 accompagnateurs supplémentaires pour faire face à la demande accrue.

Des billets spéciaux pour les transports en commun dans la capitale sont en vente depuis quelques jours: ils sont pris d'assaut. Depuis jeudi dernier, le Kingsday Festival – un festival "dance" qui accueille 36 DJ's – affiche déjà complet: les 35.000 billets ont été vendus en quelques jours.

Le gouvernement a prévu un budget de 5 millions d'euros pour les festivités, dont un million en provenance de la municipalité d'Amsterdam. Cette dernière estime le coût total de ses propres festivités à 5,2 millions d'euros.

Somme à laquelle il faut ajouter environ 1,5 millions d'euros d'activités sponsorisées par des entreprises ou des particuliers.

Des entreprises qui ont profité de l'événement pour vendre l'image de l'ex-souveraine ou du nouveau couple royal sous toutes les formes, de la tasse de thé au t-shirt en passant par une offre spéciale iTune ou des applications Apple plus kitsch les unes que les autres.

Pas de logement, pas de couronnement !

Une ambiance festive bien éloignée de celle qui a présidé au couronnement de Beatrix, il y a 33 ans! Cette année-là, 1980, a été marquée par les pires émeutes de l'histoire des Pays-Bas en temps de paix. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Hans Wiegel, déclarait alors: "le 30 avril doit être un jour de fête. Je ne peux accepter que des éléments essaient d'en faire un jour d'émeutes".

Il se trompait lourdement. Le mouvement des squatters appelait à l'émeute et cette journée du 30 avril 1980 sera placée sous le slogan "pas de logement, pas de couronnement" plus que sous celui des festivités officielles. Il faut dire que la situation était tendue depuis des semaines. Le prix des logement s'était envolé avec la spéculation immobilière tandis que de nombreux immeubles restaient inoccupés. Pour couronner le tout, le ministère du logement annonçait la rénovation de quelques palais et immeubles en vue de l'investiture… L'intervention de l'armée, avec des blindés, pour déloger les squatters d'un immeuble d'Amsterdam, le 3 mars, n'a rien fait pour calmer les esprits.

Des manifestations pacifiques étaient prévues dans la ville pour attirer l'attention de la nouvelle souveraine sur la crise du logement. Un appel relayé largement par les partis de gauche et des médias comme Vrij Nederland ou la station de radio VARA.

Amsterdam bouclé par l'armée

Les autorités s'y étaient préparées. Une dizaine de millier de policiers et de militaires étaient répartis à travers toute la ville, des tireurs d'élites placés sur les toits aux abords du palais royal et de l'église où la reine devait prêter serment. Le centre était protégé par des unités mobiles et n'était accessible que sur présentation d'une autorisation. Deux hélicoptères de l'armée surveillaient également le terrain depuis le ciel.

Pourtant, dans le quartier ouest de la ville, des signes d'agitation se font sentir dès le matin. Les squatters y occupent un nouveau groupe d'immeubles et lancent une fête. Qui dégénère rapidement. "C'était comme un bourgeon qui éclate", déclare alors le commandant des unités mobiles, juste après les émeutes.

Les affrontement commencent réellement sur la place Waterloo (ça ne s'invente pas!) et s'étendent rapidement vers le Dam, le quartier où les cérémonies doivent se dérouler. Malgré les jets de pierres et la fumée des gaz lacrymogènes, le couronnement aura lieu et la nouvelle reine pourra même apparaître au balcon.

Amnésie nationale

Mais autour du périmètre protégé par l'armée, la ville n'est que débris, agitation et colonnes de fumées. Des milliers de vitrines détruites, des voitures en feu, des policiers qui ne peuvent plus faire le tri entre les admirateurs de la reine et les jeunes squatters et anarchistes. Un chaos qui marquera durablement l'esprit de ceux qui y ont participé, parfois bien involontairement.

Aujourd'hui, les Néerlandais font la fête et célèbrent leur nouveau souverain dans une sorte d'amnésie nationale. Demain, ils pourraient bien se réveiller avec une terrible gueule de bois: si la croissance ne décolle pas, ils devront se serrer la ceinture pour trouver 4,2 milliards d'économies en 2014! Vive le roi!




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