La commémoration de l'esclavage ne doit pas se limiter à la France, la Suède et l'Angleterre, estiment les eurodéputés Eva Joly Jean-Jacob Bicep. Ils souhaitent l'étendre à tous les pays de l'UE. Reste à savoir ce que l'on commémore: le passé colonial ou l'esclavage moderne.
La France commémore, ce vendredi, pour la septième année consécutive, l'abolition de l'esclavage et de la traite négrière. Et si François Hollande ne souhaite toujours pas retirer le mot "race" de la Constitution comme il l'avait promis durant la dernière campagne présidentielle, le débat autour de la reconnaissance de l'esclavage s'étend à l'échelle européenne, comme le prévoyait la loi Taubira sur la reconnaissance de l'esclavage du 21 mai 2001.
L'eurodéputé Vert, Jean-Jacob Bicep, vient en effet de déposer, avec Eva Joly, un texte pour l'instauration d'une "Journée européenne de reconnaissance des victimes de l'esclavage et de la colonisation".
C'est un tout premier pas : que les représentants du peuple européen disent haut et fort la vérité sur ces crimes, non pour commémorer leur fin, mais pour reconnaître leurs victimes, et faire la lumière sur leurs conséquences actuelles "
écrit le député sur son blog Médiapart.
Jean-Jacob Bicep va jusqu'à organiser, du 13 au 17 mai, pour les parlementaires européens, une semaine de la reconnaissance de l'esclavage, de la colonisation européenne et des réparations. Au programme: tables rondes, "colonial tour" dans Bruxelles et marche de la reconnaissance dans la ville. Pour lui, l'important est de faire en sorte que ses collègues "prennent la mesure de cette réalité ".
Mémoire coloniale et horreur contemporaine
La journée du 10 mai est également l'occasion, pour bon nombre d'associations contre l'esclavage moderne, de donner de la voix. Parmi elles, le collectif Ensemble contre la traite des êtres humains. Sa coordinatrice, Geneviève Colas, appelle à la vigilance vis-à-vis des commémorations:
C'est très bien de commémorer mais il ne faut pas oublier de dire que l'esclavage existe encore sous sa forme moderne. Le souvenir et la mémoire nous permettent de ne pas refaire les erreurs du passé. Nous devons être attentifs aux nouvelles pratiques, comme la mendicité forcée chez les mineurs. Ça ne s'apparente pas à ce qu'on a pu connaître durant la traite négrière, pourtant on reste dans l'esclavage."
Louis Georges-Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), n'est pas d'accord. Il met en garde contre les amalgames:
Il faut prendre en compte les deux problèmes sans les opposer. Beaucoup voudraient parler de l'esclavage moderne pour cacher les horreurs du passé. Le 10 mai est consacré à l'esclavage et à la traite négrière. Pour l'esclavage moderne, il existe la journée onusienne du 2 décembre. Pour notre part, nous travaillons actuellement sur des cas d'esclavages en Mauritanie. Nous avons consulté le quai d'Orsay sur le sujet."
L'esclavage, une réalité en 2013
Car le fléau reste une réalité en Europe. Chaque année, la Commission européenne déplore des centaines de milliers de personnes victimes de la traite des êtres humains au sein de l'Union. Les cas augmentent d'année en année.
Récemment encore, un un Ivoirien de 25 ans, vivant à Cavaillon, dans le Vaucluse, comparaissait pour traite d'être humain sur une jeune Ivoirienne de 14 ans. L'homme l'avait apparament "acheté" pour moins de 4500 euros comme "bonne à tout faire" en Côte d'Ivoire.
L'office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) révèle que les trois quarts des victimes répertoriées dans les Etats membres de l'UE sont vendues à des fins d'exploitation sexuelle (76% en 2010). Les autres sont exploitées pour leur travail (14%), contraints à la mendicité (3%) ou à la servitude domestique (1%).