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2013, année européenne des citoyens… le saviez-vous ?

vendredi, 17 mai, 2013 - 13:53

Dans l'indifférence quasi générale, 2013 a été déclarée "année européenne des citoyens". Alors même que le divorce des Européens avec les institutions bruxelloises n'a jamais été aussi tangible, cette initiative parait bien vaine.

En trente ans, l’abstention aux élections européennes est passée de 30 % en 1979 à 57% en 2009. Aujourd’hui, plus de la moitié des Européens (68%) estiment que leur voix ne compte pas en Europe.

Face à ce désamour, l’Union européenne a trouvé la solution : faire de 2013 "L’année européenne des citoyens"! Entre grands principes et petit budget, analyse d’une initiative bruxelloise à contretemps.

Une année sur la citoyenneté, à quoi ça sert ?

L’objectif officiel de cette année est, avant tout, de célébrer la citoyenneté européenne créée lors du traité de Maastricht en 1993 et d'informer sur les droits qu’elle procure aux 500 millions d'Européens qui en bénéficient.

Être citoyen européen permet, avant tout, de circuler d’un pays à un autre sans entrave, mais aussi, à titre d’exemple, de bénéficier d’une garantie de deux ans pour tout achat en Europe ou de se faire assister d’un traducteur si vous commettez des infractions dans un des États membres… Un ensemble de droits concrets, mais totalement méconnus.

Au-delà de ces objectifs d’information et de sensibilisation, il s’agit selon Viviane Reading, Commissaire en charge de la Justice et de la Citoyenneté, que l'Année européenne des Citoyens soit 

une opportunité pour nous d'écouter ce que vous voulez et d'apprendre comment nous pouvons construire ensemble l'Union européenne de demain" 

 

Comment? À travers un ensemble d’évènements, de forums civiques, de débats, de soutiens aux organisations de la société civile européenne.

Vaste programme, mais qu'en est-il vraiment? Selon la page officielle "Année européenne des citoyens 2013", le programme se réduit à quelques évènements disparates et sans grande ampleur. 

Aux Pays-Bas, ce sont deux tables rondes, quatre évènements sont prévus en Allemagne, neuf en Espagne et un seul au Royaume-Uni et la diversité des thèmes abordés étonne :

  • La "Cybersécurité en Europe" en Grèce ;
  • Un projet sur le "voisin idéal" par des étudiants roumains ;
  • Un débat sur  "l’emploi des jeunes dans l’économie sociale" en Belgique…

En réalité, à travers cette initiative, l’enjeu est d’encourager la participation aux élections européennes de 2014, mais aussi, et surtout, d'espérer compenser, à faible cout, le déficit démocratique de l’Europe.

Pour Bruxelles, il faut "encourager le dialogue" entre l’Europe et ses citoyens afin que ces derniers se réapproprient les grandes décisions sur l’avenir de l’Union. Initiative ambitieuse alors qu'aujourd'hui plus de la moitié des Européens (68%) estiment que leur voix ne compte pas en Europe !

Comment expliquer ce divorce avec les citoyens ?

Au cours des dernières années, quand l’Europe a voulu réellement consulter ses citoyens sur des décisions importantes, cela a été le plus souvent un échec.

En 2005, lors de deux référendums sur la proposition de constitution européenne, ce sont les Français et les Néerlandais qui lui opposent un non massif.

En 2007, même scénario en Irlande, où il a fallu s’y reprendre à deux fois pour faire accepter au peuple irlandais le traité de Lisbonne. Résultat? La plupart des règles régissant l’Union issues de ce fameux traité de Lisbonne, ont été adoptées dans l’intimité des chambres parlementaires de 26 États membres sur 27.

Marie-Christine Vergiat, eurodéputée Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL), souligne dans les colonnes du magazine altermondes que cette année, 

servira surtout à mener une grande campagne de communication, qui risque de ne s’adresser qu’aux plus convaincus".

Dans un contexte médiatique marqué avant tout par les conflits larvés entre États membres (lutte pour le leadership entre la France et l’Allemagne, division du continent entre Europe du Sud et Europe du nord..) et accentué par l’impuissance de l’Union à faire face à la crise, il y a fort à parier que l’abstention de 2014 sera au moins aussi importante que celle de 2009.

Une initiative décalée… et au rabais !

L’écart est pourtant flagrant entre cette initiative et les attentes des citoyens européens.

Les derniers sondages de la Commission européenne confirment sans surprise que leurs principaux sujets de préoccupations sont l’emploi (53%), l’éducation (34%) et les retraites (32%). Les droits fondamentaux des citoyens européens n’arrivent qu’en 5e position avec 27% d’intérêt.

Faire de 2013 une année consacrée à une meilleure information sur ces droits peut donc paraitre totalement décalé par rapport à la réalité d’une crise économique et sociale qui touche durement… ces mêmes citoyens. Pourquoi n’avoir pas tenté d’aborder ces questions qui fâchent au lieu de rester sur le sujet assez consensuel de la citoyenneté européenne?

En outre, même en se lançant dans une telle initiative l’Union européenne refuse d’y mettre les moyens.

Selon Sandrine Bélier, députée européenne d’Europe écologie/les verts, le budget d’un million d’euros alloué à l’année européenne de la citoyenneté est largement insuffisant : 

À titre de comparaison, le budget moyen est de 8 millions d’euros et celui de l’année dernière, dédié à la lutte contre la misère, de 12 millions d’euros. Le succès de l’année européenne de la citoyenneté va donc dépendre du bon vouloir des États de débloquer des budgets nationaux pour agir en leur sein, alors qu’ils essayent de rogner sur les fonds alloués à l’UE"

 

rappelle l'eurodéputée au site Internet au café de l'Europe.

Cette année semble donc être davantage une coquille vide, destinée à pallier aux critiques récurrentes sur le fonctionnement technocratique de l’Union plutôt qu’un véritable engagement de Bruxelles en faveur d’une démocratisation de son fonctionnement.

Organiser des "forums civiques" et des "débats citoyens" low cost dans l’ensemble des États membres pendant un an, qui n’auront en aucun cas de portée politique ou juridique, n'atténuera nullement l’impression des Européens d'être les oubliés des décisions censées être prises en leur nom à Bruxelles.

Finalement, faire de 2013 l’Année européenne des citoyens, n'est-ce pas reconnaitre implicitement que cette Europe s’est construite sans eux depuis tant d'années ?




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