Chiffre du jour : 80% des gynécologues italiens refusent de pratiquer l'avortement au nom du droit à l'objection de conscience.
Depuis la loi 194 de 1978, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est légale en Italie. Cependant cette loi est mise à mal par le droit à "l'objection de conscience" des médecins. En vertu de cette clause, un médecin peut refuser d'accomplir un acte médical pour des raisons personnelles, religieuses ou morales.
Selon les statistiques rendues publiques par le ministère italien de la Santé, plus de 80% des gynécologues, et 50% des anesthésistes, invoquent cette clause de conscience pour refuser de pratiquer l'avortement. Dans le Latium, la région de Rome, le pourcentage de spécialistes "objecteurs" passe même à 91%.
En 2005, la moyenne nationale n'était que de 58,7 %, un chiffre exceptionnel en Europe. Cette situation favorise le retour de pratiques clandestines.
L'avortement "à la sauvette"
Le ministère de la Santé estime à plus de 20 000 le nombre d'avortements illégaux, voire 50 000 selon les récentes estimations. L'Italie renoue ainsi avec les années noires du refus du droit des femmes à disposer d'elles-mêmes. Les plus chanceuses se voient obligées de franchir les Alpes pour aller en Suisse, en France, voire en Angleterre. Pour les autres, souvent des femmes immigrées, pas d'autres choix que de se tourner vers des opérations pratiquées à domicile ou à l'extérieur qui se terminent souvent mal.
Un marché noir de produits de contrebande, que l'on pensait éradiqué depuis 1978, refait surface. Des médicaments à base de misoprostol en provenance d'Amérique du sud sont distribués par des trafiquants selon La Republica. Les 10 cachets sont vendus 100 euros, à moitié prix sur internet. Résultat, les femmes sont au mieux stériles, au pire victimes de septicémie.
Le Conseil d'Europe est saisie de l'affaire
Face à cette situation inquiétante, l'Association libre des gynécologues favorables à l'avortement (Laiga), a saisi le Conseil d'Europe. Mais l'institution semble impuissante face à la recrudescence des médecins objecteurs.
En 2010, déjà, le Conseil d'Europe avait proposé de limiter ce droit par une résolution. Il est difficile de contraindre un service hospitalier de refuser la clause de conscience, considérée comme un droit fondamental. En particulier en Italie, où le Vatican influence depuis des années l'ordre des médecins italiens.
Récemment, le ministère de la Santé a finalement été interpellé par le parti démocrate (gauche) qui a déposé une motion réclamant la pleine application de la loi 194 sur tout le territoire. Le texte prévoit notamment le recrutement de personnel favorable à l'IVG et l'ouverture de planning familiaux.