Hier soir de violentes échauffourées ont éclaté entre les policiers et les manifestants place Taksim et se sont poursuivies jusqu’à trois heures ce matin. Le calme est revenu dans la matinée.
Récit de notre correspondante, parc Gezi, où se sont repliés les manifestants.
Les manifestants, tout comme les policiers, arboraient des mines fatiguées au lever du jour. Aucun des deux camps n’a quitté la place. Le face à face reste malgré tout pacifique.
Si les policiers se sont abstenus d’attaquer directement le parc Gezi hier, le gaz lacrymogène, lancé à profusion tout au long de la nuit, n’a pas épargné le lieu. "Il était impossible de respirer, l’espace était rempli de fumée blanche" lance un passant visiblement pressé qui se dirige vers l’hôpital de fortune.
Les tentes et les stands n’ont visiblement pas été touchés. Une fois les affrontements passés, les occupants du parc n’ont pas perdu une minute pour se remettre au travail. Peu à peu l’espace reprend vie. Les uns s’attardent au nettoyage et à la reconstruction, les autres s’organisent en cuisine et prodiguent des soins.
Hôpital de campagne dans un hôtel
Necmi est assis au pied d’un arbre. Il a la cinquantaine, un casque blanc sur la tête et un pansement sur le visage. Depuis le début de l’occupation, il a pris la décision de venir un jour sur deux afin d’économiser un peu d’énergie en cas de grosses attaques comme celle d’hier.
La seule chose qui me fait tenir, c’est de voir cette solidarité entre les gens"
confie-t-il.
Par exemple, l’attaque de gaz a détruit nos provisions de nourriture. Ce matin, le message est passé entre les manifestants qui ont immédiatement contacté leurs amis, envoyés des messages sur les réseaux sociaux. En une heure, nous avions rempli les stocks".
Un hôtel, situé à quelques pas du parc, leur a également ouvert ses portes. D’abord pendant la nuit, pour accueillir les blessés, puis toute la journée. Un espace leur est réservé afin qu’ils puissent y déposer quelques provisions. L’objectif après cette bataille: stocker un maximum de médicaments, vêtements ou encore nourriture. Un deuxième hôpital a même été installé dans le jardin de l’hôtel.
"Nous avons été bernés par le gouvernement"
Aucune information concernant le bilan des blessés suite aux violences d’hier n’a filtré. Mais les médecins volontaires sur place ont fait état de plusieurs centaines de personnes.
Extrêmement violente, cette attaque a aussi pris les manifestants par surprise. Elle a porté un coup certain au moral des troupes, déjà exténués après quinze jours de résistance.
Je ne comprends pas, le gouverneur d’Istanbul avait pourtant écrit sur son compte twitter qu’ils n’attaqueraient pas! Il y avait des familles avec leurs enfants. Vous trouvez-ca juste? Moi, je ne crois pas!"
s’indigne Burcu, une jeune femme prise au piège des gaz fumigènes hier soir sur l’avenue Istiklal. Elle comptait apporter des bouteilles d’eau et des médicaments aux occupants mais n’a jamais pu accéder à la place.
Burcu est accompagnée de deux amis Yusuf et Oktay. Ils sont excédés par l’attaque des policiers, se sentent eux-aussi bernés par le gouvernement. Plus que la surprise, c’est l’indignation qui domine aujourd’hui sur le parc.
Le Premier ministre turc serait actuellement, selon les déclarations, en réunion avec une vingtaine de personnes, représentants des manifestants.
Cette rencontre n’apaise pas les esprits. Au contraire. Le groupe Taksim Dayanışma, qui coordonne les activités sur place, a dénoncé au cours d’une conférence de presse organisée dans le parc, une nouvelle manipulation étatique.
Aucuns de nos membres n’a été convié à cette rencontre" ont-ils déclaré. "Le Premier ministre lui-même a choisi d’inviter les personnes de son choix."
Suite au meeting, Recep Tayyip Erdogan devait également s’entretenir avec trois artistes turcs.
La situation reste tendue et de nouvelles violences risquent d’éclater à tout moment.
D’autant que le Premier ministre vient de déclarer que "tout serait fini dans 24 heures".
Le gouverneur d’Istanbul a, quant à lui, également réitéré son appel de la veille: l’urgence pour les manifestants, c'est de quitter la place.
Crédit photos: Bayram Erkul.