La première pierre du château des rois de Prusse, détruit en 1943 par les Alliés, a été posée hier à Berlin. L'édifice, qui abritera un musée, doit achever sa construction en 2018. Mais au faible enthousiasme qu'il suscite s'ajoute les craintes de voir le chantier s'éterniser et coûter toujours plus cher.
Berlin va retrouver son château, comme à l’époque des rois prussiens et allemands. A l’emplacement exact où, durant 500 ans, résida la dynastie Hollenzollern, a été posée hier la première pierre d’un bâtiment dont trois des quatre façades ressembleront traits pour traits au palais baroque originel. La quatrième sera moderne, faite de béton et de verre. L’édifice devrait ouvrir en 2018 et présenter au public les collections des musées ethnologiques de Berlin et d’art asiatique. Le tout prendra le nom du Humbold Forum, en référence au naturaliste et explorateur allemand, Alexander von Humbold.
Reconstruction 63 ans après
Si le projet a fait et continue de faire couler beaucoup d’encre, il est désormais en marche. Le président de la République, Joachim Gauck, a officialisé le lancement en tapant avec un marteau sur une pierre portant les dates symboliques de 1413, année de la construction du château d’origine, et 2013, date de lancement de la nouvelle version. A ses côtés, deux ministres ont tenté d’éveiller l’enthousiasme.
La "capitale va retrouver son centre ville historique" a lancé Bernd Neumann, chargé de la culture, tandis que son collègue de la construction, Peter Ramsauer, a appelé les Berlinois à faire de ce château "une véritable maison du peuple". Et si pour le maire de la ville, Klaus Wowerei, ce lieu sera un "nouveau phare culturel", il est "l’un des projets culturels les plus significatifs de l’Allemagne" d’après le porte parole du gouvernement, Steffen Seibert.
Cet enthousiasme cache toutefois mal les incessantes polémiques qui entourent ce projet depuis son lancement, il y a vingt ans, par la toute nouvelle Allemagne réunifiée. Bombardé en novembre 1943 par les Alliés, les ruines du château originel furent entièrement détruites en 1950 par le gouvernement socialiste est-allemand. Fallait-il vraiment en relancer la construction 63 ans après?
Première pierre posée, mais budget non bouclé!
La question continue de tarauder les Berlinois d’autant qu’une partie d’entre eux, notamment les anciens citoyens de la RDA, regrettent la disparition du Palais de la République, siège notamment du parlement est-allemand, qui fut construit dans les années 1970 en bordure de l’ancien château. Officiellement démoli pour cause d’amiante, ce palais était un symbole fort pour les Allemands de l’est, qui regrettent que l’on fasse table rase de leur passé pour restaurer la grandeur de l’Empereur Guillaume II.
Au delà de cette polémique de fond sur la légitimité du projet, se pose la question du coût et du financement. Car si la première pierre est posée, le budget n’est pas bouclé ! Certes le gouvernement allemand mettra 478 millions d’euros sur la table et la ville-Etat de Berlin -déjà surendettée- 32 millions, mais quid des 80 millions censés être apportés par des dons? Seuls 10,4 millions auraient été récoltés. Sans parler des 28,5 millions nécessaires à la construction du dôme. Le gouvernement, via les contribuables allemands, pourrait avancer cette somme, d’où de nouveaux grincements de dents.
N’est ce pas étrange de lancer d’aussi grands projets alors que l’Allemagne demande à toute l’Europe de faire des économies?",
se demande Matthias Hornbacher, un ingénieur rencontré sur la place du château. La majorité des Allemands semblent penser la même chose, si l’on en croit un sondage réalisé cette semaine. Deux personnes interrogées sur trois (65%) ne soutiennent pas ce projet.
Pour le magazine der Spiegel, ce château est "destiné à rejoindre la liste noire des constructions catastrophes" du pays qui comprend déjà la Philharmonie de Hambourg, la gare de Stuttgart et le troisième aéroport de Berlin, dont les coûts explosent aussi vite que les dates d’inauguration sont repoussées.
Une visite virtuelle du château des rois de Prusse.