Selon une étude britannique, boire un verre de vin chaque jour pendant une grossesse ne nuirait pas à la santé du bébé. Une bonne nouvelle pour les femmes -et pour le lobby du vin français-, à prendre avec précaution.
L'étude publiée par la revue médicale BMJ Open le 17 juin jette un pavé dans la mare. Pour les femmes enceintes, boire un verre de vin une fois par jour serait permis: cela ne nuirait pas au bébé. Depuis de nombreuses années, le corps médical conseille pourtant aux femmes enceintes de s'abstenir de boire. Parfois sans succès: plusieurs études démontrent que de nombreuses femmes ne suivent pas cette préconisation. En France, le pays du vin, l'alcoolisme maternel est pris au sérieux bien que ses conséquences soient encore indéterminées.
Une étude embarrassante
Cette étude britannique part d'une enquête menée sur des enfants nés au début des années 1990 dans le sud de l'Angleterre. Les enfants de mères consommatrices d'alcool ont été comparés à ceux dont les mères sont abstinentes. Résultat, les mères ayant consommé de 3 à 7 verres de vin par semaine ont donné naissance à des enfants aujourd'hui en bonne santé.
Une précédente enquête, menée en avril par le Millenium Cohort Study, corrobore ces résultats. Elle révèle qu'une consommation modérée, soit deux verres d'alcool par semaine, serait sans incidence sur le développement du fœtus.
En ces temps de crise, ces conclusions sont bienvenues pour le secteur viticole. En France, notamment, la consommation de vin a baissé de 7% en cinq ans. Mais ces études peuvent-elles influencer le mode de consommation des femmes enceintes?
Une consommation liée à l'origine sociale
Selon une enquête de l'INSERM réalisée en 2010, les Françaises enceintes sont de plus en plus nombreuses à boire. Sur un échantillon de 13.000 femmes, 23% ont déclaré consommer de l'alcool pendant leur grossesse. Parmi ces dernières, 7% ont déclaré boire au moins deux verres par jour.
Cette consommation est influencée par le profil social de la mère. De manière générale, contrairement aux idées reçues, les plus grandes consommatrices sont les femmes de niveau social favorisé, les plus âgées ou encore celles qui ont plusieurs enfants.
Le principe de précaution reste de mise
Le danger lié à l'alcoolisme maternel n'est pas nouveau. En 1968, le syndrome de "l'alcoolisme fœtal" a été identifié pour la première fois en France par le docteur Paul Lemoine. Plusieurs générations d'enfants présentant ce syndrome ont ensuite été détectées en Europe et aux Etats-Unis.
En 1976, une enquête de l'INSERM constate une mortalité infantile importante chez les enfants de grosses consommatrices d'alcool durant leur grossesse. Entre 1977 et 1979, une enquête fut menée par le professeur Gilles Crépin et le docteur Gilles Dehaene. Sur plus de 8.000 nouveau-nés, 45 enfants nés de mères alcooliques présentaient d'importantes anomalies morphologiques.
Depuis 2004, l'alcoolisme maternel est devenu une affaire de santé publique. L'Institut de Veille Sanitaire mène régulièrement des enquêtes par le biais de l'INSERM. L'incidence du syndrome d'alcoolisation fœtale serait estimée à environ 3 cas pour 1.000 naissances en France, soit 1.200 cas par an.
A ce jour, aucun seuil d'alcool en deçà duquel le risque est nul n'a été mis en évidence. Une incertitude qui doit encourager les femmes enceintes à prendre avec précaution des études sensationnalistes.