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A Jersey, les trusts financiers s’accrochent à leur paradis fiscal

mardi, 9 juillet, 2013 - 10:50

Jersey, paradis fiscal au large des côtes françaises a des états d'âmes. Reportage dans cette île anglo-normande où l'on se défend d'être un paradis fiscal tout en se refusant de mettre fin aux pratiques obscures de trusts financiers profitant d'une fiscalité quasi nulle.

Hier encore, les îles anglo-normandes étaient des lieux de villégiature appréciés des Britanniques. Ils allaient profiter d’un climat plus clément aux abords des côtes françaises tout en restant dans leur royaume. "Les hôtels étaient pleins, les commerces florissaient", se souvient Laurie De La Haye, 71 ans, propriétaire à Jersey d’une bijouterie qui peine aujourd’hui à survivre. EasyJet et Ryan Air avec leur vols low cost vers les plages espagnoles ou grecques ont tué l’industrie touristique, devenue élément négligeable de l’économie locale.

0% d'impôts pour les entreprises

L’île compte désormais avant tout sur une fiscalité parmi les plus avantageuses au monde. Bénéficiant de nombreux avantages par la grâce de la couronne britannique au XIIIe siècle, les entreprises ne sont tout simplement plus imposées depuis 2008. Seules les sociétés financières le sont à 10%, et les particuliers à 20%. Des taux aujourd’hui de plus en plus critiqués à Londres au nom de la lutte contre l’évasion et les fraudes fiscales.

"Nous ne sommes pas un paradis fiscal", affirme pourtant sans sourciller, et dans un français parfait, John Harris, le directeur général de la Commission des services financiers de Jersey, le régulateur local.

Oui, nous avons une fiscalité légère car nous pratiquons de la concurrence fiscale. Mais nous n’avons pas de secret bancaire puisque nous savons ou pouvons savoir qui sont les bénéficiaires de tous les trusts basés ici et nous coopérons avec qui veut en matière d’échange d’informations".

L’industrie, représentée par Jersey Finance, une entité qui gère la communication des institutions fiscales privées, s’appuie sur des rapports du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour démontrer la réalité de ces bonnes pratiques.

Les Etats de Jersey sont l’un des rares pays où la fraude fiscale est un crime et non pas une infraction civile"

assène Geoff Cook, son directeur exécutif.

Les autorités locales se disent même favorables à plus de transparence.

Nous sommes prêts à signer l’accord d’échanges automatique d’informations requis par les Britanniques mais à la seule condition qu’il soit adopté par tout le monde : nous ne voulons pas perdre de notre compétitivité"

avance Philip Ozouf, l’énergique ministre des finances et des ressources. "D’autant que le risque n’est pas mineur pour notre économie puisque le secteur financier emploie directement 12.590 des 56.380 actifs de l’île."

La City dit non, David Cameron dira non

D’où vient alors cette réputation sulfureuse de l’île, qui fait dire à John Harris que "lorsque Barclays a un problème à la City, c’est un problème de Barclays, mais lorsque Barclays a un problème à Jersey, c’est un problème de Jersey"?

De la multiplication des trusts financiers, spécialités locales? De plusieurs opérations non déclarées impliquant des footballeurs et des stars du showbiz?

Nous sommes évidemment un paradis fiscal"

reconnait, lui, et sans la moindre hésitation, Geoffrey Southern, l’un des députés élus de l’île, considéré comme le chef de l’opposition au gouvernement actuel.

La loi a été changée deux fois pour permettre au créateur d’un trust de déplacer ses biens pour lui-même alors qu’à la base le contenu du trust ne doit appartenir à ceux qui le gère. Et un trust peut détenir des trusts. Tout devient dès lors nébuleux. Seule la création d’un registre officiel permettrait de rendre public le nom des bénéficiaires et des propriétaires des trusts basés ici, ce qui améliorerait fortement leur transparence."

David Cameron est-il crédible quand il demande aux dix territoires d'outre-mer ou dépendant de la Couronne, réputés être des paradis fiscaux, à aider Londres pour combattre l'évasion fiscale?

Pour John Harris, c'est de la poudre aux yeux:

Environ 500 milliards d’euros (680 milliards de dollars) transitent chaque année par les fonds détenus par les filiales des institutions financières installées à Jersey pour rejoindre la City de Londres. En termes d’emplois et de liquidité, nous leur sommes donc bien utiles".

Londres n'est donc pas prêt à sacrifier sa poule anglo-normande aux œufs d’or…

 

Voir aussi: l'ITW de Montfort Tadier, député de Jersey.



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