L'Assemblée nationale a adopté hier le projet de loi interdisant le cumul des mandats. Le chemin reste long, et l'échéance lointaine: 2017. Encore quatre ans, donc, d'une peu glorieuse exception française. En Europe, les élus français sont, de loin, les champions du cumul.
Tremblez, cumulards! Enfin, seulement à partir de 2017… L’Assemblée nationale a adopté hier, mardi 9 juillet, le projet de loi interdisant le cumul des mandats en France. Il ne s’agit certes que d’un projet de loi, et il faudra attendre 2017 pour que celle-ci, si elle est finalement ratifiée, s’applique. Un premier petit pas pour les députés, un grand pas à terme pour la démocratie…
D’autant que les députés ont adopté le projet de loi à la majorité absolue avec une confortable avance: 300 voix pour, 228 contre. A l’Assemblée, la majorité absolue est atteinte à partir des 265 votes. Cela veut dire qu’une fois que le Sénat ce sera prononcé (contre, a priori) à l’automne, l’Assemblée pourrait en seconde lecture adopter seule la loi, si elle vote à nouveau pour, à la majorité absolue.
Côté promesses, rien de très glorieux pour la majorité. Reculades après reculades, les socialistes auront finalement fixé à 2017 l’échéance. Soit la fin des mandats actuels. Et après les élections européennes et municipales.
Le non cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, plébiscité par l’opinion publique, forte promesse du candidat Hollande, a également été limité. L’interdiction d’exercer plus de trois mandats parlementaires consécutifs a été torpillée par les députés.
Quatre ans encore, donc, à supporter cette exception française peu flatteuse. La France est en effet la championne d'Europe pour le cumul des mandats. Les députés ou sénateurs peuvent cumuler:
- Un mandat territorial: conseiller régional, général ou municipal.
- Un mandat exécutif: maire d'une ville de plus de 3500 habitants, président ou vice-président d'un conseil général ou régional.
- Un mandat local: maire d'une commune de moins de 3500 habitants ou président d'une intercommunalité de communes.
Certains élus arrivent ainsi à cumuler jusqu'à quatre mandats. Bingo!
Peu de cumul des mandats ailleurs en Europe
Alors que près des trois quarts des députés français ont un mandat local, il n'en est absolument pas de même dans les autres pays européens. Tandis que 24% des députés allemands et 20% des députés espagnols détiennent un mandat local, ils ne sont que 13% en Italie, 6% aux Pays-Bas et 3% en Grande Bretagne. Le cumul d'un mandat local et d'un mandat national est ainsi rare, voire exceptionnel, ailleurs en Europe.
Cependant, comme il y a toujours une divergence entre règles et pratiques, l'étendue des restrictions apportées au cumul ne va pas forcément de pair avec la rareté des élus cumulards. Il reste que le pays ou le cumul est le plus rare en Europe, c'est… l'Italie.
Car, dans la péninsule, il est impossible d'être à la fois député ou sénateur et membre d'une des 20 assemblées régionales. Il est également prohibé de cumuler mandat national et de chef d'un exécutif de région ou de l'une des 110 provinces du pays. Le cumul est seulement possible avec un mandat de conseiller municipal ou de maire d'une commune de moins de 5.000 habitants.
L'Espagne est également un pays où le cumul est très restreint dans la mesure où le travail de parlementaire, précise le statut des députés, doit être "à temps complet". Ce qui veut dire qu'un député ne peut être maire que si cette fonction ne l'occupe qu'à temps très partiel et qu'il n'est pas rémunéré. En revanche, il y a une passerelle entre la Chambre Haute et les assemblées des "autonomies" (grandes régions) puisque 58 sénateurs sont issus des assemblées régionales.
Cette relation particulière entre la Chambre Haute et les régions est encore plus marquée en Allemagne, où tous les membres du Bundesrat font partie du gouvernement des 16 länder. Ce qui exclut, par ricochet, que les membres du Bundestag, la Chambre basse, puissent appartenir aux exécutifs régionaux ou d'arrondissement puisque l'on ne peut siéger à la fois dans les deux chambres fédérales. On peut en revanche être député et membre d'une assemblée régionale, d'arrondissement ou communale. Mais le cas est rare de même que le cumul député-maire, autorisé uniquement si la fonction est bénévole.
Les Pays-Bas présentent un régime encore plus drastique que l'Allemagne. Si l'on peut-être à la fois député ou sénateur et membre d'une assemblée provinciale ou communale, impossible d'être parlementaire et maire. Car aux Pays-Bas, les maires ou les présidents des exécutifs provinciaux sont des fonctionnaires nommés par la Reine et ne peuvent donc se présenter aux élections.
Enfin, le Royaume-Uni est un pays quelque peu singulier du point de vue du cumul des mandats. Sur le papier, peu de mandats locaux sont expressément interdits aux membres de la chambre des Communes ou de la Chambre des Lords, sauf les postes de chef de l'exécutif local (comté ou district). Mais l'on ne peut à la fois être parlementaire et maire que s'il s'agit d'un poste de maire élu, ce qui n'est pas le cas général. Dans la pratique, très peu de membres du Parlement ont des fonctions locales.
Article initialement paru le 9 avril 2013 et réactualisé après le vote de l’Assemblée nationale le mardi 9 juillet 2013.