Pour maintenir le cap sur le plan économique, la Grande-Bretagne a besoin de sept millions d’immigrés d'ici à 2050. Une nécessité propre aux pays d'Europe de l'ouest. En cause, le vieillissement de la population.
Les conservateurs anglais ne vont pas apprécier et le UKIP, le parti xénophobe, encore moins. D'après l'Office for budget and responsibility, le Royaume-Uni a besoin de sept millions d'immigrés supplémentaires au cours des 50 prochaines années. Pour l'organisme, les étrangers "ont un effet positif sur la réduction de la dette publique".
Les populations migrantes sont le plus souvent composées de personnes jeunes pouvant travailler. Or, les sujets de sa majesté vieillissent. Le nombre croissant de retraités devrait d'ailleurs imposer des économies de l'ordre de 17 milliards de livres (prés de 15 milliards d'euros) sur les dépenses publiques, ainsi qu'une hausse des impôts.
En Grande-Bretagne, 260 000 personnes immigrent tous les ans. Actuellement, la population est de 62,3 millions et devrait passer, en 2060, à 85,8 millions. Les personnes en âge de travailler (16-65 ans) seraient alors de 50,3 millions.
Mais si les flux de migration venaient à baisser, voire, à être ramenés à 0, la population s'élèverait à 64,1 millions d'habitants dont seulement 35 millions en âge de travailler. La croissance chuterait alors de 2% et la dette publique représenterait en 2050, près de 120% du PIB.
Une nouvelle catastrophique pour les conservateurs. Ces derniers militent pour que le nombre de migrants passe à "une dizaine de milliers" par an.
L’Europe fermée sur elle-même
Ce problème démographique atteint l'Europe entière. Comme l'explique un rapport de la Fondation Robert Schuman :
"Avec le vieillissement démographique des 15 prochaines années en Europe, le nombre des inactifs dépassera celui des actifs. Faute de migrations, la population d’âge actif commencera alors à décliner dans un contexte de demande accrue de biens et de services et, à l’horizon 2030, dans tous les pays européens, l’immigration sera le seul facteur de croissance de la population",
rappelle la fondation.
Le continent a pourtant tendance, la crise aidant, à fermer ses frontières. Seul l'accueil des non-Européens qualifiés est encore facilité. La "Blue card", par exemple, crée en 2007, permet la mise en place d'un cadre favorable aux étrangers diplômés en quête d'un emploi sur le sol européen.
Mais une grande méfiance persiste à l’encontre de tous les autres migrants. Les accords dit de Dublin II permettent aux États membres de renvoyer les immigrés en situation irrégulière dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE. La plupart des individus finissent alors sur les côtes italiennes ou en Grèce. Une situation qui fait le lit de l'extrême-droite.
Même chose pour l'agence européenne de surveillance des frontières Frontex, souvent pointée du doigt par les associations des droits de l'homme pour ses méthodes "musclées" de reconduite à la frontière. L'ONG Human Rights Watch avait même publié un rapport sur le sujet en 2011 au titre emblématique : "L'UE a les mains sales : Implication de Frontex dans les mauvais traitements des migrants détenus en Grèce".
Trop d'immigrés en France ?
Cette défiance vis-à-vis de l'étranger se retrouve dans de nombreux pays d'Europe comme la France. Dernier exemple en date, François Fillon lors de l'émission Des paroles et des actes sur France 2, affimant qu'il y a trop d'immigrés en France:
Un discours démagogique que les démographes peinent à briser. La plupart d'entre-eux, tel Hervé Le Bras, estiment, au contraire, que le nombre d'étrangers diminue en France.
N'en déplaise à Michel Rocard, non, la France n’accueille pas toute la misère du monde. Tous les ans, le pays reçoit près de 200 000 étrangers. Il se positionne ainsi encore loin derrière le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Sans oublier que chaque année, 100 000 immigrés quittent le territoire français.
Pourtant, comme ses voisins européens, le pays a besoin de l'immigration si elle veut croître, comme le souligne Valérie Rabaut, économiste et politicienne, dans une interview accordée à La Tribune :
L'idée est d'envisager plutôt un flux de 300.000 immigrés par an, soit 10 millions de personnes d'ici 2040 qui, selon nous, sont indispensables pour régénérer la population, permettre à notre économie de conserver sa capacité d'innovation et pérenniser notre système de protection sociale."
La pilule risque d'être difficile à avaler pour les Français. Selon une enquête Ipsos parue en janvier 2013, 70 % d'entre eux estiment, comme François Fillon, qu'il a trop d'étrangers en France, alors que ces derniers ne représentent que 10.7 % de la population.
Baromètre nouvelles fractures_def.pdf by Ipsos France
Espagne recherche un nouveau "boom"
L’Espagne en crise a-t-elle besoin d'immigration? Avec un taux de chômage global de la population à 26%, qui avoisine les 40% pour les travailleurs immigrés, une réponse négative semble s'imposer d'elle-même.
Pour autant, l'avenir de l'Espagne devrait, comme bon nombre de ses voisins, passer par les immigrés. Le vieillissement de la population espagnole s'accentue: en cause, un taux de natalité faible (autour de 1,3, l'un des plus faibles d'Europe), mais pas seulement. La crise a en effet dessiné de nouveaux contours de l'immigration: plus féminine, plus diplômée, mais aussi…plus âgée (les plus jeunes s'en vont, faute de travail). C'est l'une des constatations de l'étude "Immigration et crise, entre continuité et changement", de l'annuaire de l'immigration en Espagne.
Cette nouvelle pyramide démographique accentue les inquiétudes quant au dynamisme de l'économie et au système de pensions.
Pour Josep Oliver Alonso, professeur d'économie appliquée à l'université autonome de Barcelone, interrogé par l'Expansion.es:
"Quand le marché du travail sera reparti, l'on s'apercevra qu'il manque certains profils, étant donné que de nombreux jeunes immigrés sont partis. D'autant que la structure démographique propre à l'Espagne correspond à une population chaque année plus âgée."
Après la crise, la péninsule ibérique aura donc besoin d'un nouveau boom d'immigration. Ce n'est toutefois pas pour demain: les prévisions économiques publiées par la Commission à Bruxelles ne prévoient pas de retour de croissance avant 2015, comme d'ailleurs pour la plupart des pays européens.
Certains économistes estiment qu'il faudra une décennie pour retrouver les taux d'emploi comparable à la situation d'avant crise.
L'Allemagne en quête de travailleurs
Outre Rhin, le problème de l'immigration est pris avec le plus grand sérieux. L'Allemagne sait qu'elle a besoin d'immigrés si elle ne veut pas voir son peuple diminuer aux fils des ans. Le vieillissement de la population entraînerait, d'ici à 2035, une baisse de quatre millions du nombre d'habitants en 2035 et 12 millions d'ici à 2050.
Avec un indice de fécondité d'1,4 enfant par femme, le pays possède un taux inférieur à un tiers du seuil de renouvellement des générations. L'Allemagne enregistre ainsi une perte continue de sa population.
Le pays attend d'ailleurs près de 200 000 travailleurs étrangers supplémentaires. Le président de l'Agence fédérale pour l'emploi, Frank-Jürgen Weise l'a lui même signalé. Les secteurs à combler dans l'immédiat concerne la médecine, les aides soignants et les ingénieurs.
En 2014, des premières mesures de recrutement devraient aller en direction des pays de l'Est, tels que la Roumanie ou la Bulgarie. L'objectif à long terme étant d'ouvrir encore plus le pays aux Polonais, Hongrois et aux Baltes.