A la gare de Schwäbisch Gmünd, des demandeurs d'asile portaient depuis lundi les valises des passagers de la Deutsche Bahn, pour 1,05 euros de l'heure. Suite à de multiples plaintes dénonçant des pratiques proches du colonialisme, la municipalité les a renvoyés dans leur foyer d'accueil.
250 demandeurs d'asile sont installés à Schwäbisch Gmünd, petite ville allemande du Bade-Wurtemberg, dans un foyer d'hébergement collectif. Depuis des années, nombre d'entre eux mettent la main à la pâte en aidant les personnes handicapées ou en tant qu'aide-soignant pour les seniors.
Depuis lundi, la municipalité employait 9 demandeurs d'asile volontaires, venus du Nigeria, du Pakistan ou encore du Cameroun, pour porter les valises des passagers de la Deutsche Bahn. Le but affiché de l'opération était de faciliter leur intégration.
Problème: la loi allemande autorise la rémunération des demandeurs d'asile à 1,05 euros de l'heure au maximum. Une gratification de misère qui soulève l'indignation. Face à l'ampleur de l'affaire, la Deutsche Bahn a mis fin au projet.
"Facilitons leur intégration dans la vie de tous les jours"
La gare de Schwäbisch Gmünd est en travaux jusqu'en 2014. Pour accéder aux voies, pas d'autres choix que d'emprunter de grands escaliers de métal. Un vrai parcours du combattant pour les passagers les plus âgées ou les familles nombreuses. C'est pour remédier au problème que la ville et la compagnie ferroviaire allemande ont fait appel lundi à des demandeurs d'asile. Un projet qui faisait semble-t-il l'unanimité, puisque tous s'extasiaient de concert dans le journal local:
c'est une idée géniale".
Répartis en deux équipes, les demandeurs d'asile portaient les bagages des voyageurs de 6h15 du matin à 18h. En sus d'une gratification maximale de 1,05 euros de l'heure, le porte-parole de la ville, Markus Herrmann, avouait compter sur des pourboires généreux, donc sur le bon vouloir des passagers. Pour lui:
Il faut que le gouvernement fédéral donne la liberté aux communes d'augmenter leur salaires. Ça faciliterait leur intégration dans la vie de tous les jours."
Selon Hermann, la municipalité n'a donc rien à se reprocher puisqu'elle ne faisait qu'appliquer la loi. Selon le maire chrétien démocrate, "ces gens vivent chez nous et nous devons nous en occuper". D'ailleurs, preuve de la bonne volonté de la ville, le ticket du bus pour se rendre à la gare était pris en charge et, comble du luxe, les travailleurs avaient accès à des boissons fraîches et pouvaient même disposer des toilettes de la gare, selon le Spiegel.
"Dans le meilleur des cas du colonialisme, au pire de l'esclavage"
Dans les jours qui ont suivi, nombre de personnes ont commenté le site internet de la commune pour faire entendre leur mécontentement. "Personne ne se demande vraiment ce qui pousse 'volontairement' un homme à faire ce travail par 30 degrés?", interroge un internaute sur la page facebook de la ville. Une autre de dénoncer: "ça rappelle 'dans le meilleur des cas' le colonialisme, au pire la pratique de l'esclavage".
Le site de gauche Junge Welt parle d'
un nouveau degré de racisme et de dumping salarial".
Sans aller aussi loin, force est de constater que certaines images interpellent. Pour illustrer son article, die Zeit expose une photo où les travailleurs posent en souriant. Avec leur polo rouge et leur chapeau de paille en guise d'uniforme, on ne peut en effet s'empêcher de faire le lien avec la période coloniale, commente le quotidien allemand. A cela s'ajoute la construction d'une cabane improvisée sur le quai de la gare, afin de les protéger du soleil.
Face au tollé provoqué par l'affaire, un communiqué provenant des locaux de l'entreprise à Stuttgart a affirmé ne pas cautionner l'initiative.
La Deutsche Bahn vient seulement de prendre connaissances des conditions de travail [des demandeurs d'asile]"
a commenté mercredi la société ferroviaire allemande, avant de mettre fin au projet. Un volte face bien rapide, alors que le manager de la gare, Dieter Maier, était présent lundi au lancement de l'opération.
De son côté, le porte-parole de la ville, loin de se confondre en excuses, persiste et signe:
soutient-il. Selon lui, même le foyer d'accueil des demandeurs d'asile avait donné son aval. "La plupart des demandeurs d'asile avec qui je me suis entretenu ont déclaré que le pire c'était l'inactivité. J'ai beaucoup appris à leurs côtés, ils m'ont offert énormément". Là-dessus, on ne trouvera personne pour le contredire…