Bonne nouvelle pour Christiane Taubira qui défend face à Manuel Valls son projet de réforme pénale : le nombre de détenus est en légère diminution en France. Ailleurs en Europe, la surpopulation carcérale est un problème endémique dans les pays les plus répressifs, notamment l’Espagne.
La surpopulation carcérale est le cauchemar estival de tous les ministres de la Justice français. Impossible de prendre quelques jours de vacances sans qu’une révolte carcérale vienne perturber un repos ministériel sans nul doute bien mérité. Christiane Taubira n’y a pas échappé. La chaleur aoutienne dans les prisons surpeuplées engendre inexorablement des mutineries pour protester contre conditions d’incarcération.
Le 19 août, c’était la prison de Blois puis, le 21, celle Châteaudun qui étaient en ébullition. Depuis son arrivée à la Chancellerie, il y a plus d’un an, la Garde des Sceaux tente pourtant de mettre un terme à la politique du "tout-carcéral". Une politique qui commence timidement à porter ses fruits. Le nombre des détenus dans les prisons françaises est en léger repli : il était de 67 683 au 1er août, soit de 1,3% par rapport au 1er juillet dernier, où il avait atteint un record, avec 68 569 personnes incarcérées, selon les dernières statistiques mensuelles de l'Administration pénitentiaire.
Une baisse certes minime, mais on veut croire à la Chancellerie que la tendance à la baisse du nombre de détenus est amorcée. L’objectif étant d’avoir 10 000 détenus de moins dans les prisons françaises. La capacité totale d’accueil des centres pénitentiaires est de 57 238 places. Résultat, le taux d'occupation moyen des prisons est de 118%.
Valls à la peine face à Taubira
Pour limiter la surpopulation carcérale, Christiane Taubira plaide pour un recours plus systématique aux "aménagement de peine sous écrou" (bracelet électronique, placement à l'extérieur, semi-liberté…). Les réductions de peines sont également une solution efficace.
Encore faut-il que le premier ministre, en accord avec François Hollande, tranche en faveur de la ministre lors des derniers arbitrages qui doivent être rendus d'ici la fin de la semaine sur le projet de réforme pénale prévoyant notamment la suppression des "peines plancher" (peines minimales dans certains cas de récidive) et l'instauration d'une "peine de probation" hors de la prison. Quitte à désavouer Manuel Valls, son très populaire ministre de l’Intérieur qui n’a pas cessé de critiquer la politique jugée trop laxiste de sa collègue.
Il y a huit ans déjà, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil européen, Alvaro Gil-Roblès, n'avait pas hésité à dire qu'il n'avait jamais vu "pire que les prisons françaises, sauf en Moldavie". Et depuis 20 ans, les avertissements se succèdent pour dénoncer cette situation.
L'Etat français dépense, il est vrai, relativement peu pour financer ses prisons. Le budget alloué en France pour une journée de détention est de 77 €, contre 112 € en Belgique, 124 € au Royaume-Uni et même 149 € en Italie, soit deux fois plus !
L’Italie championne de la surpopulation
Mais c'est un peu la preuve que la hauteur des budgets n'est pas la seule clé du problème. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'Italie dispose d'un système sécuritaire très efficace et l'on ne s'échappe pratiquement jamais d'une prison italienne. En revanche, les conditions d'hébergements y sont déplorables et l'Italie est le pays d'Europe où la surpopulation carcérale est la plus élevée avec un taux d'occupation de 153% !
La situation n’est guère meilleure en Espagne, en Grèce et même en Belgique. En revanche, presque tous les pays du nord, y compris l'Allemagne et les Pays-Bas ont un taux d'occupation inférieur à 100 et même à 90. En d'autres termes, les prisons ne sont pas remplies.
Trop de détenus ou pas assez de prisons ?
C'est un peu l'histoire de la poule et l'œuf, mais cela veut-il dire qu'il y a davantage de prisons dans ces pays ou bien que les délinquants incarcérés y sont moins nombreux ? On peut néanmoins tenter de répondre à cette question en regardant le taux de population incarcérée par rapport à la population totale. C'est ce qu'a fait la commission européenne dans un livre vert publié en 2011.
Première constatation: les pays du nord qui ne connaissent pas de surpopulation carcérale sont également des pays très peu répressifs puisque leur taux carcéral est compris entre 60 et 95 prisonniers pour 100.000 habitants contre une moyenne de 137 en Europe.
L'Espagne, pays ultra-répressif
Il y a, à l'inverse, des pays très répressifs que l'on trouve principalement en Europe de l'Est – avec des taux supérieurs à 200 – mais aussi en Espagne (159) et en Angleterre (154). L'Angleterre ne connaissant qu'une faible surpopulation carcérale, on peut en conclure que les prisons y sont nombreuses. De fait, il s'en est beaucoup construit ces dernières années. En revanche, les prisons espagnoles sont bondées, ce qui prouve que la répression s'est fortement accrue ces dernières décennies.
Quant à la France, elle est un pays moyennement répressif avec un taux d'incarcération de 103 pour 100.000. Le fait que les prisons y soient bondées est sans doute une conséquence de la forte croissance démographique enregistrée depuis la fin de la guerre.
Mais aussi avec la politique résolument répressive du précédent gouvernement qui n'a pas arrangé les choses en faisant exploser le nombre de détenus: ils étaient 61.000 en 2010, 65.500 en mai 2011 et 67.600 en décembre dernier, soit quasiment le même nombre qu’aujourd’hui.
Certains suggèrent une corrélation entre l'importance de la population d'origine étrangère et le taux carcéral. A défaut de statistiques ethniques, on ne mesure que la population étrangère dans son ensemble. Elle est surreprésentée dans les prisons des pays à immigration récente. Ainsi, pour ne parler que des grands pays, il y a plus de 35% d'étrangers dans les prisons italiennes ou espagnoles.
Ce chiffre ne dépasse pas 19% en France, en déplaise à tous les démagogues xénophobes.