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En Europe, les mamans perdent leurs boulots

vendredi, 30 août, 2013 - 10:46

En Angleterre, près de 50 000 femmes sur 340 000 perdent leurs emplois ou se retrouvent déclassées chaque année après un congé maternité. Une pratique discriminante, mais pourtant très répandue dans bon nombre de pays européens. 

Les mamans mises au placard dans les entreprises. C'est le constat d'une étude menée par la House of Commons Library. 50 000 femmes sur 340 000 ayant un emploi perdent leurs postes à la suite d'un congé maternité. Pressions exercées par les supérieurs, déclassement voire licenciement, rien n'est épargné aux jeunes mamans promptes à reprendre le travail, révèle The Independent. Il faut dire que l'Angleterre est le pays d'Europe où le congé maternité est le plus long (52 semaines).

Pour celles qui conservent leur emploi, les perspectives d'obtenir une augmentation ou une promotion se réduisent. Les recours en justice sont difficiles à mettre en œuvre. Le quotidien souligne qu'une  plainte pour discrimination à l'embauche après un congé maternité peut coûter jusqu'à 1200 livres (près de 1400 euros).

Yvette Cooper, ministre du travail de l'ex-gouvernement travailliste de Gordon Brown, témoigne pour The Independent. Elle fut la première ministre en exercice à prendre un congé maternité au cours de son mandat.

Quand j'ai eu mon troisième enfant, mes collègues étaient hostiles à l'idée que je prenne un congé maternité. Mes relations de travail s'en sont trouvées détériorées. C'était plus difficile de garder contact avec eux durant mes absences ou de moduler mon emploi du temps […] Ce fut une vraie bataille."

Un manque flagrant d'information

D'après une enquête menée auprès de 1000 mères par le cabinet d'avocats Slater & Gordon, la moitié des mamans avouaient que leur rôle au sein de l'entreprise avait changé à leur retour. Un quart d’entre-elles ont vu leurs demandes d'aménagement horaire refusées.

Pour Yvette Cooper, cette situation est inacceptable dans une Angleterre où les mères représentent un cinquième de la main d’œuvre.

Les entreprises et l'économie dépendent du travail des femmes. Trop souvent, les jeunes mères sont mises de côté. Les employeurs estiment qu'ils peuvent ne pas prendre au sérieux les femmes revenues d'un congé maternité. Nous avons besoin d'une action nationale pour faire face à cette discrimination."

Pas de place pour les mères espagnoles

En Espagne aussi, post-maternité rime encore beaucoup avec précarité. Les grossesses continuent de peser lourdement sur les trajectoires professionnelles des femmes. La dernière enquête sérieuse disponible sur le sujet, menée en 2006 par le Centro de Investigaciones Sociológicas (CIS), en témoigne: faire des enfants "réduit l'activité professionnelle d'une femme sur trois, et limite l'accès à la promotion d'une femme sur quatre".

L’Espagne est l'un des pays européens où retrouver son emploi après une grossesse est le plus compliqué. Comme l'Italie ou l'Irlande, le degré d'insertion des mères sur le marché de l'emploi est faible et le taux d'emploi des femmes en général demeure l'un des plus bas: 51% en 2012.

En 2006, le CIS note qu'en Espagne une mère sur quatre abandonne définitivement le travail après avoir eu son enfant.

Comme la France ou les Pays-Bas, l'Espagne indemnise à taux plein 16 semaines de congé maternité, soit moins que la moyenne des pays de l'OCDE en 2011 (19 semaines). L'année dernière en Espagne, les congés maternités ont baissé de près de 8% par rapport à 2011.

Des Françaises mises à la porte

En France n'est guère plus reluisante. Il suffit de quelques clics pour tomber sur des forums où des milliers de femmes expriment leurs désarrois.

Ce fut le cas d’Élodie, qui témoigne sur le site du défenseur des droits. Après son retour de congé maternité en septembre 2009, la jeune femme ne retrouve aucune des fonctions qu'elles exerçaient auparavant. En décembre, son directeur lui propose de choisir entre une rupture conventionnelle, un licenciement pour faute grave ou un poste de commercial sans préciser ni son salaire ni les horaires et missions qui lui seront affectées. Élodie refuse et reçoit une lettre de licenciement au mois de mars.

En 2009, d'après une enquête menée par la Halde, 46% des Français estiment que la grossesse constitue un frein pour la carrière professionnelle.

Une réalité que confirme l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) en 2010. Une femme de plus de 39 ans n'ayant jamais interrompu sa carrière gagne jusqu’à 23% de plus que celles qui ont fait des pauses pour des raisons familiales. Et plus d’une femme sur quatre affirme s’être sentie discriminée au travail pendant sa grossesse alors que le droit français prévoit des mesures à l'encontre des entreprises.

Ainsi, un refus d'embauche, que se soit pour un poste de titulaire, stagiaire ou en formation, motivé par la grossesse d'une femme est interdit en France. Même chose pour la résiliation d'un contrat de travail durant la période d'essai. Cette législation s'applique au début de la grossesse et jusqu’à quatre semaines après la fin du congé maternité.

Monti à la rescousse des "mamas" italiennes

En Italie, selon l’Istat, l’Institut national des statistiques, une femme sur quatre soit 22,7% de la population féminine active, a perdu son emploi l’an dernier après un congé maternité. Seules 77,3% des mères conservent leurs emplois deux ans après l’accouchement contre 81,6% en 2006. Le pourcentage de licenciement frôlait la barre des 24% l’an dernier.

La réforme de l’emploi introduite en 2012 par le gouvernement technocrate de Mario Monti, prévoit que les démissions des salariées ou les "résolutions consensuelles d’un contrat de travail" signées durant les trois années suivant l’accouchement doivent être contresignées par le service de l’inspection du ministère du travail. Les patrons pris en flagrant délit sont passibles d’une amende de 5 à 30.000 euros.

Cette procédure a été introduite pour réduire le nombre de lettres de démissions en blanc, une pratique courante en Italie. De nombreux employeurs font signer une lettre non datée aux demandeuses d’emploi avant de les recruter afin qu'elles ne prennent pas de congé maternité.

Reste que, selon les syndicats, les cas de harcèlement, de changements de postes ou de  pressions pour pousser les salariées de retour d’un congé vers la sortie augmentent d’années en années. Mais la plupart des cas ne finissent jamais devant les tribunaux, d’où la difficulté d'obtenir des données statistiques pertinentes.




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