L'Allemagne a une des économies les plus puissantes et compétitives du monde. Mais le pays demeure un nain sur la scène politique internationale. Mali, Libye et aujourd'hui Syrie, sa politique étrangère est inexistante.
L'Allemagne est presque la championne du monde de l'économie",
titre le quotidien allemand die Welt alors que la bonne nouvelle vient de tomber. La République fédérale est le 4ème pays le plus compétitif du monde en 2013, selon le World Economic Forum. Encore et encore, nos voisins accumulent les bons points et affichent un bilan économique sans faille. Mais que reste-t-il de cette fulgurance quand vient le temps des conflits internationaux? Où est l'Allemagne lorsque les Syriens décimés sont contraints de s'exiler par millions?
Les 10 pays les plus compétitifs du monde selon le WEF
Source: die Welt
L'International, grand absent des débats électoraux
La politique étrangère outre-Rhin est quasi inexistante depuis plusieurs années déjà. Etat pacifiste s'il en est, l'Allemagne s'est toujours montrée frileuse quand il s'agit de s'engager dans un conflit armé. Que ce soit en Irak ou plus récemment au Mali ou en Libye, l'attentisme de nos voisins est d'une inébranlable constance. On comprend ces réticences: ce ne sont pas des décisions que l'on prend à la légère. Néanmoins, ce sont des décisions parfois nécessaires.
Thorsten Jungholt, journaliste au quotidien die Welt, revient sur les deux débats à la veille des élections législatives du 22 septembre, qui se sont succédés ces derniers jours sur les écrans de télévision allemands. Le premier a réuni les candidats à la Chancellerie des deux grands partis: Angela Merkel (CDU) et Peer Steinbrück, le leader du parti social-démocrate (SPD). Le second débat voyait s'affronter la candidate des verts, celui des libéraux (FDP) et celui de l'extrême gauche (Die Linke). Chacun s'est épanché sur les questions sociales, économiques, comme la très décisive prime à la casse pour les réfrigérateurs énergivores…
La politique extérieure a, elle, été à peine évoquée au cours de ces deux débats de 90 minutes.
A croire que ce qui se passe en dehors des frontières n'a aucune influence sur l'Allemagne et ses intérêts",
souligne le journaliste. Seule la question de savoir si un nouveau versement d'aide à la Grèce sera nécessaire a réveillé les candidats. De l'international décidément très empreint de préoccupations nationales.
L'Allemagne n'interviendra pas en Syrie
Le champion du monde de l'économie va donc rester un novice de la politique étrangère. C'est ce qu'a sous-entendu la chancelière en expliquant que l'Allemagne ne se joindrait pas aux Etats-Unis en cas d'intervention en Syrie. Quant à Steinbrück, il se dit prêt à intervenir mais seulement dans le cadre d'une mission de l'ONU, ce qui n'arrivera pas puisque la Russie fait le blocus au Conseil de sécurité.
"C'est tout à fait terrible, il faut faire quelque chose, mais nous ne sommes pas en position de le faire, donc on laisse ça à d'autres", résume le journaliste de Die Welt. Les dirigeants laissent en effet entendre que ce statu quo est avant tout une décision du peuple allemand, puisque les sondages d'opinion sont favorables à la non-intervention. "Une décision différente pourrait avoir de très mauvaises répercussions sur les résultats des élections" explique le journaliste.
Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères Zu Guttenberg (CDU),
la puissance économique du pays n'a d'égale que l'incapacité de ce dernier à devenir un membre responsable de la communauté internationale".
Pour l'ancien chef de la diplomatie germanique, le soutien affiché à la Russie dans l'intervention en Libye en 2011 a achevé de faire de l'Allemagne un "nain de la politique extérieure de sécurité", écrit-il dans sa tribune du New York Times.