Alexandra Swann était vice-présidente de la jeunesse du parti conservateur de David Cameron. Elle l’a quitté pour le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, anti-européen et xénophobe. Portrait et itinéraire.
Deuxième volet de notre série de portraits d'Européens votant pour la première fois à droite de la droite.
Tout sourire, dans son seyant jean bleu, Alexandra Swann s’en va distribuer des tracts dans les rues de sa ville de Farnham, située dans le Surrey, comté plutôt cossu et campagnard situé au sud-est de Londres. Titre du tract : "Menace sur nos services locaux". Et d’expliquer que
d’ici un an, 29 millions de Roumains et de Bulgares gagneront le droit de vivre, travailler et profiter des prestations sociales ici. Seul le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) prend au sérieux ces menaces énormes sur nos logements, écoles, et services de santé et municipales."
Que ce parti et ces idées aient pu convaincre une jeune femme de bonne famille d’une région paisible de l’Angleterre témoigne de sa progression et de sa normalisation dans toutes les couches de la société.
La jeune femme de 25 ans clame que son parti n’est pas raciste.
Contrairement à ce que disent les médias qui cherchent à nous dénigrer en permanence, nous ne sommes pas un parti anti-immigration car celle-ci est très importante pour le pays. Nous voulons juste une immigration régulée où ceux qui peuvent apporter leurs compétences à notre pays sont les bienvenus.
Elle assure d’ailleurs que son parti se veut "très sévère avec les racistes : un conseiller municipal qui faisait des déclarations antisémites a été expulsé, alors que lorsqu’un autre, membre du Parti national britannique (parti d’extrême-droite, Ndlr), a rejoint les travaillistes, personne n’en a parlé".
"Il faut réduire l'Etat à sa forme la plus infime"
Alexandra Swann a grandi dans l’admiration d’un père fervent partisan de Margaret Thatcher. Elle commence à s’intéresser à la politique et prend sa carte du parti conservateur. Elle monte vite les échelons et devient vice-présidente de la jeunesse du parti, en charge de la stratégie politique, ainsi que le poste d’assistante parlementaire à Westminster.
Jusqu’au début de l’année 2012, lorsqu’elle annonce à la surprise générale son ralliement au parti anti-européen de Nigel Farage.
J’ai quitté les conservateurs car ils n’écoutent pas les gens, ils ne s’intéressent même pas aux idées et aux problèmes de leur base"
poursuit celle qui se définit comme "une libertaire désirant un Etat réduit à sa forme la plus infime". Pour elle, le Premier Ministre David Cameron "n’est rien d’autres qu’un social-démocrate. Maintenir un impôt sur le revenu aussi élevé, notamment à 45% pour les plus riches et des contributions obligatoires trop importantes pour les entreprises".
L’UKIP attire ainsi des personnes âgées "comme de nombreux jeunes de moins de 30 ans et des femmes" assure-t-elle. Et surtout
c’est très rafraîchissant car on peut officiellement parler de ce que l’on veut, on peut s’exprimer. Chez les Tories, je recevais des indications de la part de la direction du parti qui me disaient : tu n’as pas le droit de parler ou d’écrire sur ça, ça et ça. C’est une machine composée de professionnels qui ne croient pas à ce qu’ils font et à ce qu’ils vivent. Ce n’est pas le cas ici. Nigel Farage (le chef de l'UKIP, Ndlr) ne dit pas ce qu’un homme politique est sensé dire, mais ce qu’il pense. Et les gens aiment ça, d’autant qu’il leur semble honnête. »
Autant d’atouts qui lui ont permis d’attirer d’anciens travaillistes "abandonnés par le New Labour (de Tony Blair, Ndlr) et de citoyens qui n’ont pas voté depuis longtemps, voire n’ont jamais voté car ils estimaient que les politiciens ne s’intéressaient pas à leurs préoccupations".
L'UKIP, premier parti britannique au Parlement européen ?
Bruxelles ne reste pas aveugle à l’attraction de Nigel Farage, sur Alexandra comme sur tous les partisans de l’UKIP. Le président de la Commission Européenne José Manuel Barroso s’est ainsi demandé mercredi soir si l’UKIP n’allait pas "devenir le premier parti britannique au Parlement européen l’an prochain. Car lorsqu’il s’agit d’être contre l’Europe, entre un original et une copie (David Cameron, Ndlr), les gens préfèrent voter pour l’original! ".
Pour Alexandra, aussi importante soit-elle, la question européenne se veut pourtant secondaire dans l’esprit des électeurs britanniques. "Nos nouveaux adeptes sont beaucoup moins intéressés par cette question que par celle de l’affaiblissement des services publics, notamment les écoles et la police, et de leurs difficultés financières quotidiennes" admet-elle volontiers, comme pour montrer l’élargissement de la base du parti.
Alexandra Swann pourrait néanmoins profiter de cette nouvelle échéance électorale : après avoir été battue de quelques voix à l’élection municipale de Farnham au mois de février par le candidat conservateur, elle pourrait être présente en position éligible sur la liste de son parti.