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Les petits Estoniens biberonnés au numérique

lundi, 14 octobre, 2013 - 12:47

En Estonie, les écrans ont déjà remplacé les tableaux noirs et les ondes wifi planent dans les salles de cours. Reportage dans un des pays les plus connectés du monde.
3ème volet de notre série Horizon: l'éducation pour tous.

Sur les remparts de la vieille ville de Tallinn, capitale de l’Estonie, le soleil de fin d'été joue les prolongations, éclaircissant les têtes déjà bien blondes des jeunes estoniens. Au collège-lycée Pelgulinna Gümnaasium de Tallinn, Petri, professeur d’informatique, rassemble ses ouailles: une petite vingtaine d’élèves, de 7 à 17 ans.

Ecole 2.0 hors les murs

Dans cet établissement public réputé de la capitale, la rentrée à peine effectuée, les élèves sont déjà dehors. Lors de notre visite, la journée démarre avec un cours hors les murs. Les enseignants ont concocté un jeu de piste mêlant cours d’histoire et d’éducation civique, façon 2.0. Les classes sont mélangées: les grands ados prennent en charge les petits. Les élèves ont été priés d’apporter leur smartphone. Une photo du groupe est envoyée au directeur par mail dans la foulée, elle sera bientôt en ligne sur le blog de l’école.

Premier arrêt: le Riigikogu, parlement estonien, sur la pittoresque colline de Tompea. Une adolescente hausse le ton et déclame l’énigme numéro 1. "Question: combien de députés compte le parlement estonien?"

Deux fillettes tapotent fébrilement sur leur téléphone portable avant de s’exclamer: "101". Bonne réponse. Le convoi s’ébranle vers l’intérieur des remparts de la ville haute pour la suite du parcours.


Jeu de piste à Tallinn. Crédit: Hélène Bienvenu

Pris dans la Toile

A l’heure où, en France, le numérique a envahi les cours de récré sans pour autant avoir franchi le seuil des salles de classe, l’Estonie s'est lancée dans une course effrénée aux technologies de l’information. Ce modeste pays aux confins du littoral balte – ses voisins directs sont la Russie et la Lettonie – a embrassé l’informatique à la suite de l’effondrement de l’URSS.

Redevenu indépendant alors que les PC pointaient le bout de leur clavier, le pays a décidé de développer son administration en ligne et s’est efforcé d’accrocher ses citoyens à la Toile. Le succès est au rendez-vous: aujourd’hui 95% des Estoniens payent leurs impôts en ligne.

Conjugaison…. et code html

L’éducation nationale n’est pas en reste. Depuis 2002, les écoles estoniennes se sont dotées d’une interface virtuelle dite "e-kool", un espace en ligne où enfants (et parents) disposent des données essentielles à leur scolarité: emploi du temps, classes suivies ou manquées, bulletins scolaires, devoirs… Finis les zéros pointés dissimulés aux parents.

C’est d’ailleurs ce que souligne malicieusement Kristi Kivilo, de la fondation Vaata Maailma Sihtasutus, responsable de la mise en place d’un programme de robotique dit "Smart Lab" pour les 10-19 ans.

Sur le plan du suivi scolaire, il est vrai qu’un tel système donne l’avantage aux parents!"

Après l’école, les écoliers peuvent non seulement choisir entre chant ou judo, mais aussi s'initier au langage informatique et robotique.

D’autres disposent déjà de cours de code au sein de leur école. L’Estonie a été le premier pays au monde à avoir introduit le "code" informatique en tant que discipline scolaire à la rentrée 2012. Aujourd’hui elle est enseignée dans 21 établissements pilotes à travers le pays. 

Cuisine et écrans

Le collège-lycée Pelgulinna, où enseigne Birgy Lorenz, professeur de technologie, est l'un d'eux. Cette trentenaire déborde d’enthousiasme, même quand le wifi a du mal transpercer les murs épais de son bureau!

Ici, toutes les salles de cours ont au moins un ordinateur, y compris la salle de travaux manuels. On espère que la salle de cuisine (les écoles estoniennes ont pour obligation d’enseigner la cuisine, ndlr) sera bientôt dotée d’un écran".

Seule notable exception: la bibliothèque.

Ça n’aurait pas de sens de la digitaliser, nous avons trop de livres!"

Sur Facebook, on 'like' la prof de maths

Si Birgy est une fan d’écrans connectés, elle ne veut pour autant rien imposer à ses collègues:

Ici, chacun fait comme il veut, si un professeur préfère utiliser le support traditionnel comme un livre, il peut le faire. Chacun est aussi libre d’être 'ami' avec ses élèves sur Facebook, le fait est que la plupart des professeurs utilisent Facebook pour partager des contenus scolaires avec leur classe".

Après la visite de la salle de basket, du terrain de sport et de la piscine aux multiples saunas, place à la salle informatique, en sous-sol. A priori rien ne distingue cette fameuse salle de classe d’une quelconque salle informatique. Sauf peut-être les panneaux sur les murs. Les élèves ont écrit et voté les règles de vie à respecter. Parmi celles-ci :

J’ai le droit de faire des erreurs et de les corriger"

ou encore:

Je ne partage pas d’information personnelle en ligne ni de photo".

Ici, on ne plaisante pas avec la sécurité en ligne. L’enseignante a même placardé le profil d'Anders Breivik: comme un rappel que le pire -comme le meilleur- est disponible sur les réseaux.

Une appli "anti-sèche"

Dans le cadre du programme de la fondation publique Tiigrihüpe, qui a fait bataille pour l'enseignement du code à l’école, certains établissements enseignent les bases de la programmation dès le CP (cours préparatoire). A Pelgulinna, c’est plutôt en fin de collège et au lycée que cela se passe.

Kevin, 17 ans, vient de démarrer les cours de robotique avec Birgy. L’an dernier, avec la professeur d'informatique, il a créé une application smartphone. Il a aussi codé un mini programme permettant à sa calculette de contenir des antisèches… En Estonie, les apprentis hackeurs ont sans doute de beaux jours devant eux!




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