Revue du web Robert Nielsen, chômeur et fier de l'être : ce Danois de 45 ans vit des allocations depuis 10 ans, et assume publiquement. "Robert le paresseux" est devenu un phénomène médiatique un brin provoc' dans un Danemark qui tente de réformer son Etat providence jugé peu viable.
C'est l'histoire d'un chômeur volontaire qui s'assume, dans un pays qui lui, assume un peu moins cet intrépide discours. Le chômeur, c'est Robert, alias "Robert le paresseux", ainsi qu'il a été surnommé par la presse. Et le pays, le Danemark.
"Garde ton boulot de merde"
Tout a commencé l'an dernier lors d'un débat télévisé. Un monsieur sacrément barbu intervient: il vit depuis 10 ans de l'aide sociale, ne cherche pas vraiment à travailler, et tout ça ne lui déplaît pas. En quelques minutes, Robert Nielsen, 45 ans, vient de mettre les pieds dans le plat du débat danois sur l'Etat providence et dans la célébrité.
Poussant un peu plus la provoc', Robert le chômeur barbu vend des pulls "Chômeur et fier de l'être" et des t-shirts "Garde ton boulot de merde" sur son site Internet. Un discours à contre courant, argumenté et assumé, un surnom et une 'gueule', il n'en fallait pas plus pour faire de Robert un très bon client des médias. Du quotidien danois Politiken au grand New York Times, en passant par l'AFP, "Robert le paresseux", après la télévision, a conquis la presse écrite.
Le message est limpide. "Je n’ai jamais adhéré à l’idée fausse qu’il faut avoir un emploi pour avoir une belle vie", dit-il à l'AFP. D'autant que les allocations prévues dans son pays lui apportent les fondamentaux. "Etre Danois est suffisant pour obtenir de la nourriture, un toit et de quoi se vêtir". Si ceux qui veulent davantage travaillent, c'est leur problème, suggère-t-il:
Après ça, 95% des gens se diront: j’aimerais vraiment aussi avoir une maison, une voiture, une résidence secondaire, et passer des vacances à Londres et Ibiza. C’est pour ça qu’ils prennent un emploi. Personne ne le fait pour le bien de la société."
En pleine réforme de l'Etat providence
De quoi intriguer et déranger au Danemark. Au point que la Première ministre, la social-démocrate Helle Thorning-Schmidt, s'est sentie obligée de lui répondre: "s’il y a des gens comme Robert le paresseux, nous allons exiger d’eux davantage", s'était-elle exprimée au lendemain de son apparition télévisée.
"Robert le paresseux", qui plaide pour un droit et non un devoir au travail, continue de chatouiller un Danemark en pleine réflexion sur son système de couverture sociale, attaqué par les libéraux qui le jugent trop généreux et démotivant pour les demandeurs d'emploi. Selon certains experts, la part des Danois qui ne contribuent pas sur le marché du travail, retraités et étudiants y compris, est devenue trop élevée.
Vieillissement de la population -environ 18% de la population a plus de 65 ans-, et crise économique ont précipité les choses: si rien n'est fait, le bel Etat providence danois est en péril. "Nous devons revenir à des droits et des devoirs. Nous devons tous contribuer", résumait ainsi Karen Haekkerup, ministre des affaires sociales.
Les réformes ont commencé. Les plans de retraite anticipée ont été écourtés, la durée maximale des prestations chômage est passée de quatre à deux ans. Le gouvernement se penche désormais sur les quelque 240.000 personnes (près de 9% de la main-d'œuvre potentielle) qui ont au Danemark le statut d'invalidité à vie et perçoivent des indemnités: les 33.500 invalides à vie de moins de 40 ans pourraient se voir privé de leur statut.
"Robert le paresseux", lui, a annoncé qu'il se lançait dans la politique, pour les municipales à Copenhague. Fort de son succès, il apparaît même dans des publicités. Résultat, il se met à gagner des sous… et gagne finalement moins que lorsqu'il vivait des allocs.