Pour vivre heureux, vivons cachés ? Faux ! C'est le message du salon des carrières homosexuelles de Berlin qui appelait, ce week-end, à la nécessaire reconnaissance de la diversité de genre au travail. Certaines entreprises l'ont compris plus vite que d'autres : BMW affrète son propre bus à la Gay pride allemande.
Dans les allées du 4ème salon des carrières homosexuelles qui s’est tenu samedi 26 octobre à Berlin, Andrea Kracht Koob se dit détendue et à l’aise.
Je suis ici avec ma partenaire, j’observe quelles sont les entreprises qui font des gestes en direction de notre communauté et j’en ai même trouvé quelques unes à qui je vais envoyer un CV. Je suis positivement surprise".
Conseillère en assurance, cette quadragénaire a fait le déplacement de Frankfort pour participer à cette foire qui, selon elle, montre que le monde – et notamment le monde du travail en Allemagne – change de regard sur la communauté gay.
Il est important pour moi de pouvoir raconter le lundi matin sur mon lieu de travail ce que j’ai fait avec ma partenaire durant le week-end. Il est important pour moi de savoir que je ne dois pas me cacher au travail. Les entreprises ont un rôle à jouer pour permettre aux gays de s’affirmer tels qu’ils sont",
estime Andrea Kracht Koob, par ailleurs engagée au sein du parti social démocrate (SPD).
La percée du diversity management en Allemagne
Ne vous cachez plus, voilà en effet le principal message lancé par les 62 entreprises présentes à ce salon des carrières, intitulé Sticks and Stones. Parmi elles, Ikea, Adidas, Volkswagen, Allianz ou Hugo Boss affichent leur ouverture d’esprit tout comme le cabinet d’avocats Freshfields Bruckhaus Deringer. "Nous sommes ici pour délivrer deux messages", explique l’un de ses représentants, Sergio Binkowski:
Nous voulons tout d’abord rencontrer des candidats motivés en leur disant qu’ils n’ont aucune raison de cacher leur orientation sexuelle, même dans un milieu réputé conservateur comme les professions juridiques. L’orientation sexuelle n’est pas un thème de débat pour nous. Nous ne demandons jamais si les candidats sont hétéro ou homosexuels, mais on leur fait savoir qu’ils peuvent en parler s’ils le veulent.
Ensuite, notre participation à ce salon est un message en direction de nos clients et de nos employés afin qu’ils sachent que nous sommes très ouverts sur la question".
Changer l’image de la compagnie et être en phase avec les changements sociétaux sont quelques uns des enjeux du management de la diversité (ou diversity management), concept central de ce salon des carrières homosexuelles. Trouver de nouveaux viviers de recrutement et s’adapter à la loi sur la lutte contre les discriminations en sont d’autres.
En Allemagne, le diversity management, destiné à gagner en compétitivité en capitalisant sur la diversité du personnel, a pris une véritable ampleur depuis les années 1990. Et si aux États-Unis ou au Royaume-Uni il inclut la notion de diversité raciale, en Allemagne, pays où s’est développé un fort courant féministe, il concerne beaucoup plus la notion de diversité de genre, à savoir une ouverture vers les femmes et les LGBT (lesbiennes, gays, bi et transgenres).
Un bus BMW à la Gay pride
Parmi les entreprises allemandes en pointe dans ce domaine se trouve la firme automobile BMW. Elle s’est lancée dans le diversity management il y a 12 ans, et participe depuis la première édition à cette foire berlinoise. "BMW a franchit un pas très important en sponsorisant il y a 12 ans la Christopher street day (la parade des fiertés berlinoise, ndlr)", explique jürgen Bittner, spécialisé dans le développement personnel au sein de la section finance du groupe. "C’était à l’époque un défi de taille", explique ce coach, également membre de l’association gay de l’entreprise:
Imaginez-vous employés comme moi dans la petite ville de Brauschweig. Lorsque la compagnie nous a appris qu’elle allait sponsoriser la Gay pride et que l’on pouvait y participer avec un bus aux couleurs de l’entreprise, nous avons été fiers. Nous étions vraiment heureux d’être reconnus. D’autant plus qu’il n’y a pas si longtemps encore, les homosexuels étaient envoyés en prison dans ce pays".
L’Allemagne ne s’est en effet débarrassée qu’en 1994 de l’article 175 de son code pénal qui pénalisait l’homosexualité masculine. Et si le mariage aux couples de même sexe n’existe pas de l‘autre coté du Rhin, il existe en revanche depuis 2001 une union civile destinée aux couples homos.
Homophobie en haut de la hiérarchie
De l’aveu de Jürgen Bittner, il demeure toutefois difficile de faire son coming out sur son lieu de travail, même si les entreprises s’affirment plus ouvertes envers leurs salariés homosexuels.
Cela reste un processus personnel très complexe. Réaliser que l’on fait partie d’une minorité sera toujours difficile car les pressions sont multiples, à commencer par celle de la famille".
L’organisateur de la foire, Stuart Cameron, confirme l’existence de discrimination sur le lieu de travail, notamment au plus haut de la hiérarchie.
On ne trouve pas beaucoup de trace manifeste d’homophobie, mais celle-ci se ressent de manière plus subtile. Par exemple, lors d’un diner d’affaire où il est évident pour un homme qu’il pourra venir avec sa femme mais pas avec son compagnon. Plus vous êtes haut placé dans la hiérarchie, plus cela devient compliqué.
Je connais quelques homosexuels, membres de conseils d’administration de sociétés cotées en bourse à Frankfort qui ne font pas leur coming out pour préserver leur carrière".
Toutefois, selon Stuart Cameron, les entreprises ont tout à gagner à valoriser leurs employés, notamment homosexuels:
Elles tirent toujours des avantages de leurs salariés motivés. Et ceux-ci le deviennent seulement lorsqu’existe une culture d’entreprise ouverte".
A ses yeux pas de doute, "les entreprises qui se basent sur la diversité sont plus créatives, plus innovantes et réussissent mieux". Et de prendre en exemple la Silicon Valley ou, preuve que l’Allemagne sait aussi y faire, "les start-up berlinoises où travaillent de nombreux homosexuels".