Le Premier ministre anglais aurait-il trouvé le bon filon? David Cameron annonce qu'il veut créer des bons au Trésor conformes à la loi islamique. De quoi attirer les investisseurs musulmans richissimes sur le marché britannique.
Le gouvernement britannique en pleine séance de séduction. Le Premier ministre, David Cameron, participe aujourd'hui au Forum économique islamique mondial qui se tient à Londres. L'occasion pour le Royaume-Uni de faire un pas de plus vers la finance islamique. Le Premier Ministre annoncera l'élaboration de bons du Trésor conformes à la charia et la création d'un indice boursier islamique pour le London Stock Exchange rapporte The Telegrah. Une initiative historique dans la mesure ou c'est la première fois qu'un Etat non musulman prévoit de se financer d'une telle façon.
Appelés Sukuk, ces "nouveaux bons" fonctionnent selon un code éthique propre à la loi islamique. Il n'y a pas d'acte de prêt ou de remboursement. Le porteur du Sukuk ne donne pas d'argent à l'emprunteur, mais finance une entreprise. Il possède ainsi un droit de jouissance sur cette dernière et est rémunéré en fonction des bénéfices de la société. Celui qui sollicite le Sukuk s'engage, lors de la signature du contrat, à racheter le versement du premier selon un prix fixé entre les deux parties.
Dans le cadre du Sukuk, les prêts à intérêt ainsi que l'usure sont interdits. Les bénéfices de l'entreprise ne doivent pas provenir de la spéculation ou des jeux de hasards. Enfin, l'argent du porteur ne peut être investi dans une société liée à la production de viande de porc, d'armes ou d'alcool. Sont également exclus l'industrie pornographique et certains domaines de l'industrie culturelle.
Dans le cas du financement d'un Etat, et en particulier du Royaume-Uni, il sera bien sûr très intéressant de voir le type d'actifs sur lesquels s'adosseront ses sukuks: entreprises publiques, administrations, programmes gouvernementaux… ?
Les premières obligations britanniques islamiques devraient atteindre les 200 millions de livres (233 millions d'euros) et seraient émises dès 2014. Un montant plutôt modeste puisque le marché total des Sukuk devrait atteindre 275 milliards de dollars en 2013, la Malaisie étant de loin le premier émetteur.
Une occasion en or
Difficile pour Londres de résister aux sommes colossales sur lesquelles sont assis les princes saoudiens et autres émirs du Qatar. Déjà la Tour Sharde, le building le plus haut d'Europe (310 mètres), sur les bords de la Tamise, avait été financée à 80% par quatre banques et fonds d'investissements Qataris. Coût des travaux : 1,8 milliard d'euros.
Le poids économique des musulmans en Grande-Bretagne est considérable. Ils détiennent près de 13 400 entreprises et sont responsables d'environ 70 000 employés. La communauté musulmane, forte de 2,8 millions d'individus, génère 31 milliards de livres (36 milliards d'euros) qui iront tout droit dans l'économie britannique.
De quoi soutenir le Royaume-Uni en période de crise selon David Cameron:
Londres est déjà la capitale de la finance islamique en dehors des pays du monde musulman. Notre ambition est d'aller encore plus loin. […] Je veux que Londres se tienne au côté de Dubaï et rayonne à travers le monde. Certains pays ferment leurs portes et refusent de voir le monde évoluer. La Grande-Bretagne ne fera pas cette erreur."
Gare au mirage…
Mais que le Premier Ministre mesure son enthousiasme. La Suisse, par exemple, s'est par le passé, elle aussi, engagée sur la voie de la finance islamique et en est revenue depuis. UBS et Crédit Suisse, pionnières du genre, avaient lancé les premiers fonds garantissant des investissements conformes à la charia.
Après un premier boom dans les années 2000, le système s'est progressivement affaibli. La plupart des fortunes musulmanes préfèrant se tourner vers des établissements locaux dans un premier temps, avant d'ouvrir un petit compte en Suisse peu fourni. La banque Sarasin est l'une des dernières à miser tout sur des offres de produits financiers islamiques.
Mais la Grande-Bretagne n'est pas prête d'arrêter de faire la cour au Moyen-Orient. Car le poids économique de la banque-assurance islamique (1.400 milliards d'euros actuellement, 1.870 milliards en 2015) est tel que les Britanniques ne sauraient s'en désintéresser.