La vidéosurveillance est-elle utile ? Jean-Vincent Placé en doute. Dans un rapport, le sénateur Europe Ecologie Les Verts (EELV) propose un moratoire sur les dépenses dans ce domaine afin de limiter l'hémorragie. Une idée dont devraient s'inspirer certains de nos voisins Européens
Attention! Big Brother is costing you. Un rapport d'information du Sénat, à l'initiative de Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, tire la sonnette d'alarme sur le coût exorbitant de la vidéosurveillance en France. Près de 133,6 millions d'euros ont été délivrés par l'Etat depuis 2007 pour équiper les villes de France, hors Paris. La capitale bénéficie d'un traitement de luxe. Le dernier plan de vidéoprotection, mis en œuvre en 2011, prévoit un dispositif de 1105 nouvelles caméras pour la modique somme de… 200 millions d'euros.
Le Sénateur dénonce le manque d'efficacité de ces caméras et propose, entre autres recommandations :
Un moratoire sur les investissements relatifs à la vidéosurveillance, dans l’attente d’une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité (en termes de taux d’élucidation, de lutte contre la délinquance, de prévention, de sentiment de sécurité, d’aspects psychosociaux, de suppression de la présence humaine, de garantie des libertés publiques…)."
Jean-Vincent Placé souhaite également la mise en place d'indicateurs de performance, afin de mesurer précisément le nombre d'affaires élucidées grâce à la vidéosurveillance.
Caméra : même pas peur!
Car à ce jour, en matière de résultat, l'Etat navigue à vue, voire fait carrément fausse route. Certaines formes de délinquances augmentent toujours. D'après une étude menée en 2012 par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), les affaires élucidées de dégradation et destruction sont passées de 94 191 en 2006 à 75 903 en 2011, hors zone de gendarmerie.
L'effet dissuasif des machines ne semble pas faire peur à beaucoup de délinquants. Dans son rapport pour 2013, l'ONDRP notent une progression des cambriolages de 12 % en zone contrôlée par la gendarmerie (soit 158 365 faits constatés) et de 8.8% en zone contrôlée par la police (soit 213.318 faits constatés).
Le Dernier rapport de la CNIL, daté de 2012, rappelle que près de 935 000 caméras de surveillance sont déployées sur le territoire français. Sur toutes ces caméras, seules 70 003 sont disposées sur la voie publique. Les autres se trouvent, en grande majorité dans les commerces.
Gabegie anglaise
Des chiffres dérisoires si on les compare à ceux de la Grande-Bretagne. Avec une superficie bien inférieure à celle de la France (242 821 km² contre 552 000 km²), la Grande-Bretagne compte près de 5,9 millions de caméras de vidéosurveillance selon un rapport publié par l'association britannique de l'industrie et de la sécurité.
La ville de Londres totalise à elle seule près de 500 000 caméras. Un véritable délire paranoïaque qui fait du Royaume-Uni le pays le plus surveillé du monde. Les premières installations massives remontent aux années 1990. L'IRA multiplie les attentas sur le sol anglais. La vidéosurveillance semble être le meilleur moyen de stopper les terroristes. Les attentats de Londres, en 2005, viendront ajouter une couche supplémentaire à la dérive sécuritaire.
Tous les modèles existent. La caméra dernier cri qui identifie le visage des passants, mais aussi la caméra parlante.
Merci la crise!
Les associations de protections des libertés ne cessent de monter au créneau, sans être entendues. Le porte-parole de Liberty, une association de défense des droits de l'homme déclare que
le ministère de l'intérieur a déjà consacré 78 % du budget de la prévention des crimes aux caméras de surveillance sans évaluer leur efficacité".
Mais dans l'univers anglo-saxon, la vidéosurveillance est assimilée à une réponse juste, face à un monde menaçant. Elle rassure les habitants, n'en déplaise à George Orwell.
Il faudra attendre la crise pour voir une inversion idéologique. Les coupes budgétaires affectent les villes et le nombre de caméras décroît, petit à petit. Les dépenses en matière de sécurité atteignaient des sommets. Récemment, le collectif Big Brother Watch publiait le coût de la vidéosurveillance en Grande-Bretagne. Entre 2007 et 2010, le pays aurait dépensé plus de 300 millions d'euros pour s'équiper en vidéosurveillance.
En Italie, on surveille même les morts
L'Italie s'est mise à la vidéosurveillance tardivement et tente de rattraper son retard. Seule une centaine de villes sont équipées. Certaines y ont mis les moyens comme Milan. Un drone, munis d'une caméra, survole les rues.
La ville de Solopaca vient également d'investir près de 576 milles euros pour se doter d'un système de vidéo surveillance.
D'autres, comme dans la province de Ferrera, opte pour des caméras dans les bus afin d'endiguer la violence dans les transports en commun. Un dispositif qui entre dans le cadre du projet Gim, un gigantesque plan d'aménagement des transports pour une meilleure mobilité. Les travaux qui coûtent près d'1,4 million d'euros répartis entre la municipalité et la province.
Les services de police veillent même sur les morts. Des habitants de la ville de Cantanzaro ont eu une drôle de surprise en ouvrant leur boite-aux-lettres. Une amende, pour avoir jeté des déchets dans un cimetière des environs. La caméra veille toujours.