L'impôt à la source, c'est pas toujours clair comme de l'eau de roche. Sauf l'Italie, nos voisins européens l'ont adopté mais pour en atténuer les conséquences sociales, certains l'ont rendu moins limpide.
Chronique sur RFI - L'impôt à la source
Jean-Marc Ayrault veut remettre à plat la fiscalité française. Ce grand chantier fiscal pourrait aboutir à un impôt unique, regroupant la CSG et l'impôt sur le revenu. Il serait prélevé à la source pour les salariés. Le salaire serait alors doublement net. De charges sociales et d'impôts. C'est plus simple et plus clair, du moins sur le principe. Nos voisins en Europe ont, pour la plupart, adopté depuis longtemps ces retenues à la source. Mais avec des systèmes de prélèvement profondément différents et souvent très compliqués.
Allemagne : à la source depuis 1808
En Allemagne, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu remonte à… 1808 en Prusse orientale. La Bavière a suivi ce modèle en 1814 et il a été généralisé à l’ensemble du pays en 1920.
Depuis, les employeurs sont chargés de prélever directement cet impôt sur le salaire de leurs employés avant de le reverser aux administrations fiscales des Länder. L'impôt sur les églises et la taxe de solidarité pour financer la réunification allemande sont aussi ponctionnés à la source. Pour les revenus du capital, c'est à l'organisme financier (banque, assurance…) de prélever l'impôt à la source et de le verser au fisc des États-région.
Les indépendants qui facturent en Allemagne doivent ouvrir leurs propres sociétés et payer les impôts tous les trois mois. Les freelance déclarent quant à eux au fisc les revenus encaissés l’année précédente et paient leurs impôts tous les trimestres.
Royaume-Uni : la famille, connaît pas
Pour les salariés britanniques, les impôts sur le revenu sont également déduits de leurs salaires. Conséquence de cette retenue à la source, les Britanniques sont taxés individuellement et non par foyer ou par couple, et avoir des enfants ne permet donc pas de diminuer les impôts. A l'inverse, le conjoint d’un millionnaire peut, lui, percevoir des allocations sociales pour peu que ses revenus personnels soient faibles ou même inexistants.
Les indépendants doivent de leur côté déclarer leurs revenus sur Internet ou sur papier. Ils disposent d’un an de battement pour payer leur dû: les salaires perçus entre avril 2012 et avril 2013 (l’année financière britannique débute au mois d’avril) seront, pour eux, taxés au début de l’année suivante. Enfin, tous les revenus hors salaires, comme les revenus locatifs ou les revenus de placements financiers, doivent être déclarés par les contribuables.
Actuellement, le taux d’imposition sur les revenus n’est pas aussi faible au Royaume-Uni que certains veulent bien le prétendre. Pour l’année 2012/2013 en cours, chaque résident britannique dont le salaire annuel est situé entre 8.105 et 42.475 livres (entre 9.726 et 50.970 euros, soit un salaire mensuel entre 810 euros et 4.247 euros) est imposé à 20%, puis 40% jusqu’à 158.105 livres (189.726 euros, soit 15.810 par mois) et enfin 50% au delà, un taux qui sera réduit à 45% à partir d’avril 2013.
Belgique : "précompte professionnel"
Les salariés belges payent leurs impôts sur leurs revenus salariaux à la source depuis plus d'un demi-siècle. Cette retenue sur salaire porte le doux nom de "précompte professionnel". Il est directement prélevé par l'employeur. Son montant est établi en fonction de la situation familiale du salarié et prend en compte tous les revenus, y compris ceux du capital.
Cette retenue est calculée en fonction des revenus de l'année antérieure. C'est au salarié de les déclarer et à l'employeur du contribuable de les prélever chaque mois sur la fiche de paie.
Pour les professions libérales et indépendantes, c'est l'inverse: les impôts sont perçus à l'avance: le contribuable non-salarié paye ses impôts chaque trimestre par anticipation sur la base des revenus attendus de son activité.
Italie : le contribuable calcule et paye
De l’autre coté des Alpes, les Italiens rédigent leurs déclarations au mois de juin. Chaque contribuable doit calculer le montant de ses impôts. Il a jusqu’au mois de juillet pour expédier ce document à l’administration fiscale et s'acquitter par virement de la totalité de ses impôts. Ceci sans attendre un avis d'imposition.
Les impôts sur les revenus, qu'ils soient du travail ou du capital, ne sont donc jamais prélevés à la source. En revanche, les entreprises payent leurs impôts en deux tranches. Les contribuables doivent aussi verser un acompte sur l’année en cours.
Pour calculer le montant qu’ils devront verser au fisc italien (Agenzia delle entrate), les contribuables s’adressent généralement à un fiscaliste. Une pratique qui leur permet normalement d’être à l’abri des erreurs.
Depuis l’an dernier, les contribuables peuvent aussi calculer ce qu'ils doivent au fisc en ligne. Mais le formulaire étant truffé de pièges, bien des Italiens préfèrent encore se retourner vers un expert.
Espagne : la vie privée confiée à l'employeur
En Espagne, l’impôt sur le revenu est prélevé à la source. Sur les salaires, la retenue est effectuée par l’employeur chaque mois. La somme perçue in fine par le salarié est donc nette de prélèvement et net d’impôt.
L’année suivante (n+1), au moment de la déclaration annuelle des revenus de l’année n, intervient une régularisation: le contribuable reçoit un solde à payer ou une demande de remboursement.
Les Espagnols déposent en principe leur déclaration au centre des impôts de leur localité, mais traditionnellement nombreux sont ceux qui la confient à leur banque, en vertu d’un accord entre celles-ci et l’administration fiscale. La déclaration est également possible sur Internet.
Particularité de ce système? Le salarié doit communiquer à son employeur des informations que d’aucuns jugeront personnelles. Parmi elles notamment, le nombre d’enfants ou l’hypothèque. Le salarié n’est toutefois pas obligé de s’exécuter: s’il veut garder pour lui des éléments de sa vie privée, il peut décider de recalculer lui-même ses impôts en fin d’année.
Les chefs d’entreprise et les indépendants paient, eux, leurs impôts sur le revenu sur un rythme trimestriel. De quoi, pour l’État espagnol, alimenter ses caisses au fur et à mesure.