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A Kiev, les pro-européens ukrainiens ne désarment pas

lundi, 9 décembre, 2013 - 15:42

Les pro-européens ukrainiens étaient plus nombreux que jamais dimanche, dans les rues de Kiev. Ils réclament désormais la démission du président Ianoukovitch. Pour survivre politiquement, il a accepté l'idée de pourparlers avec l'opposition. Reportage.

Dernière minute : coup de force et intimidation policière

Le pouvoir tente de reprendre la main face aux manifestants pro-européens. Les forces de l’ordre sont intervenu cette nuit pour circonscrire les protestations à la seule place de l’Indépendance et les éloigner du Parlement et du siège du gouvernement, aux abords desquels avaient fleuri les barricades ces derniers jours. L'opposition compte une dizaine de blessés. Hier soir, le siège du principal parti d’opposition a été perquisitionné sans ménagement : à coup de hache et d’explosif. Selon le parti de Ioulia Timochenko, l’ancienne chef du gouvernement emprisonnée, les forces de l’ordre ont emporté les serveurs informatiques. Au plan politique, la haute représentante de l’UE Catherine Ashton doit se rendre aujourd’hui à Kiev pour une "mission de conciliation".

On restera ici jusqu'au bout"

Bogdan a la trentaine. Depuis sa ville natale, pourtant lointaine de 500 km à l'ouest de Kiev, il vient chaque week-end pour prendre part aux manifestations, sur cette place de l'Indépendance devenue l'épicentre de la capitale ukrainienne et du mouvement de protestation depuis deux semaines.

Hier, dimanche, la clameur des manifestants est perceptible jusqu'à plusieurs kilomètres du point de rendez-vous.

Difficile de dire combien nous sommes aujourd'hui. Au moins autant que dimanche dernier. Mais le nombre exact n'est pas le plus important",

raconte-t-il comme les premières neiges tombent sur la ville.

"De toute façon, nous sommes Européens"

Si le propos initial de la contestation était la volte-face du président ukrainien vis-à-vis du rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne, la donne a changé: c'est aujourd'hui le gouvernement lui-même qui a perdu toute légitimité et dont les militants exigent la démission.

Lorsque l'on demande à Bogdan s'il croit encore à la signature d'un accord de coopération avec l'UE, indispensable à une intégration de l'Ukraine à l'Europe dans le futur:

De toute façon, nous sommes Européens. Et je ne crois pas que Ianoukovitch ait signé quoi que ce soit avec la Russie (ce que laissait à penser une rumeur circulant ce week-end après la visite du président ukrainien à Vladimir Poutine, ndlr). Tout ça n'est qu'un jeu. Il joue avec nous. Moi je pense qu'il a peur".

Le centre de Kiev insomniaque

Peur d'une mobilisation jusqu'au boutiste qui ne faiblit pas et même, qui s'amplifie chaque fin de semaine. Les manifestants kiéviens, quelques milliers deux semaines plus tôt, ont été multipliés par cent en l'espace d'une semaine rien qu'à Kiev. Ailleurs en Ukraine, dans les grandes villes de province, il faut également compter avec plusieurs dizaines de milliers de contestataires.

Méconnaissable, le centre-ville de Kiev appartient désormais aux opposants. Sur le Maïdan (autre nom de la place de l'Indépendance), une centaine de manifestants font le siège nuit et jour. Peu importe le froid glacial. L'hymne ukrainien et les braseros qui jouxtent les tentes des contestataires leur suffisent à garder le cap. Ce lundi 9 décembre, les militants montent plus que jamais la garde aux abords des barricades de fortune, bricolées à l'aide de morceaux de ferrailles ou de palettes de bois, et qui encerclent dorénavant la place de l'Indépendance.


Dans les rues de Kiev (Sergei Grits/AP/SIPA)

Dans l'impasse, Viktor Ianoukovitch a annoncé aujourd'hui qu'il se tenait prêt pour des pourparlers avec l'opposition. Mais il est sans doute trop tard pour le président ukrainien, déjà victime de la vindicte populaire en 2004, lorsque la Révolution orange avait contesté et fait annuler sa victoire au second tour d'une présidentielle. Son concurrent Viktor Iouchtchenko l'avait emporté lors d'un nouveau vote.

Pas besoin de révolution

Hier, Sergueï en était à son premier meeting parce que, "dimanche dernier, j'étais malade". Ce qui ne l'a pas empêché de suivre et de soutenir le mouvement de loin, sur Internet. Le jeune homme, originaire de Kiev, est optimiste:

Il n'y aura pas de violences policières cette fois. Des provocations ne sont plus possibles".

Pour lui aussi, Ianoukovitch "ne peut plus rester".

Tout comme pour Ivan et Tatiana. Le couple de quinquagénaires manifeste tous les jours depuis fin novembre. "Nous voulons vivre dans une démocratie", expliquent-ils. Tout comme une autre Tatiana, russe celle-ci, laquelle vit à Kiev depuis sept ans.

C'est un peu paradoxal. Je suis russe mais je vis en Ukraine et j'aime ce pays, sa population. Je viens les soutenir dans leur quête",

sourit-elle entourée de ses trois enfants. Quant à parler de "révolution" comme le scandaient de nombreux manifestants le dimanche précédent:

Non, pas besoin de révolution : nous voulons simplement le changement".




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