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Pollution de l’air: l’Ile de France en état d’alerte

jeudi, 12 décembre, 2013 - 16:18

Alerte maximum à Paris. Depuis lundi, le niveau de particules fines bat tous les records. La situation est d'autant plus inquiétante qu'une étude à l'échelle européenne révèle que les fumées toxiques émises par les diesels sont plus dangereuses que ce que l'on croyait.

Pour Airparif, l’organisme chargé de la qualité de l'air en Ile-de-France, le seuil d'alerte de 80 microgrammes de PM 10 (particules de diamètre inférieur à 10 microns) par mètre cube d'air a été dépassé ces derniers jours.

C'est le résultat de hautes pressions atmosphériques et d'un temps froid et sec, sans vent, qui plaquent au sol les gaz d'échappement. Ceci alors qu'une nouvelle étude néerlandaise confirme la dangerosité des fumées noires émises par les moteurs diesel -pourtant fiscalement favorisés en France comme dans bon nombre de pays européens.

Pour les chercheurs néerlandais, les seuils de dangerosité fixés par l'Union européenne sont bien trop élevés.

Nos résultats suggèrent que des effets néfastes importants sur la santé se produisent même avec des concentrations aux particules PM 2,5, bien inférieures à la limite fixée par l'UE pour la qualité de l'air, à savoir une concentration moyenne annuelle 25 microgrammes par mètre cube d'air",

explique l'auteur de cette étude, le néerlandais Rob Beelen, de l'Université d'Utrecht aux Pays-Bas.

Les PM 2,5 sont les plus fines des microparticules décelables, avec un diamètre inférieur à 2,5 microns, soit la taille d'une bactérie. Une taille microscopique qui leur permet de s'incruster plus profondément dans les bronches.

Cette étude a été financée par l'Union européenne et publiée lundi dernier par la revue médicale britannique The Lancet. Jamais une enquête n'avait été menée à si grande échelle. Elle a été réalisée dans 13 pays européens avec un suivi médical de 367.251 personnes sur près de 14 années en moyenne.

Les résultats sont donc d'autant plus inquiétants qu'ils sont très précis. On apprend notamment qu'il suffit d'une légère augmentation de la pollution par les PM 2,5 pour que le risque soit nettement accru pour la santé.

L'étude évalue que pour chaque hausse de 5 microgrammes par mètre cube de la concentration en PM 2,5 sur l'année, le risque de mourir d'une cause naturelle s'accroit de 7%",

explique The Lancet. Les décès par "cause naturelle" excluent les morts par accidents ou suicides pour lesquels la pollution ne peut être mise en cause.

Pour le professeur Beelen, cette différence de 5 microgrammes correspond à l'écart entre la pollution sur un boulevard et celle observée dans une rue moins fréquentée. 

Particules élémentaires

Pour le moment, les seules mesures prises en France pour réduire la pollution en zone urbaine sont rappelées par le ministère de l'écologie dans un communiqué: dans les régions concernées, "il est demandé notamment de ne pas utiliser les cheminées à bois", "de limiter l'usage des véhicules automobiles", "de réduire les vitesses" et "de respecter l'interdiction de brûlage de déchets verts".

En Allemagne, les mesures ne se limitent pas à de simples appels au civisme environnemental des citoyens. Près de 40 villes interdisent déjà les diesels les plus polluants. A l'exemple de Berlin, où depuis 2008 seuls les véhicules respectant les normes européennes anti-pollution et les diesels avec des filtres à particules sont autorisés à circuler dans le centre-ville. Une vignette "verte" doit être apposée sur le pare-brise. Elle est délivrée après vérification du niveau de pollution du véhicule. L’amende en cas d'infraction est de 40 €.

En France, les véhicules diesel ont longtemps été considérés comme moins polluants que les véhicules essence qui consomment plus et rejettent une quantité plus importante de CO2, gaz contribuant, on le sait, à l'effet de serre. Mais c'était sans compter les rejets de particules et d'oxydes d'azote.

Ce que tous les médecins savaient, en premier lieu les pneumologues qui voient leurs patients souffrir les jours de pics de pollution, a été confirmé par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Cette agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a classé les particules émises par le diesel (benzopyrènes) parmi les "cancérogènes certains".

Plus aucun doute ne subsiste donc depuis des années quant à la dangerosité de ce carburant. Selon le ministère de l’écologie, les particules émises notamment par les moteurs diesels seraient à l’origine chaque année de 42.000 décès. Outre le cancer du poumon, ces particules fines engendrent un risque accru de cancer de la vessie.

"Une erreur historique"

Les constructeurs automobiles avaient déjà été contraints d'installer des filtres à particules sur leurs véhicules diesel. Toutes les voitures diesel neuves sont aujourd'hui équipées de ce filtre. Problème: ces filtres ne sont efficaces qu'après avoir atteint une température importante. Ils sont donc inefficients pendant plusieurs kilomètres quand le moteur est froid.

Et même quand la bonne température de fonctionnement est atteinte, ils laisseraient passer 10% des microparticules les plus dangereuses. Plus elles sont fines, plus elles restent longtemps en suspension et plus leur taille leur permet de se nicher au plus profond des voies respiratoires. Résultat: l'espérance de vie moyenne en région parisienne serait amputée de six mois.

Or en France, 60% des véhicules roulent au diesel. 51% des ventes de véhicules neufs vendus en 2012 en Europe et 73% dans l’Hexagone sont des diesels. Le contraste est total avec la majorité des autres pays dans le monde où le diesel est souvent, comme aux Etats-Unis, marginal.

Il est vrai, qu'outre-Atlantique, ce carburant ne bénéficie pas de taxes réduites par rapport au "sans plomb". Un carburant beaucoup moins polluant depuis la généralisation des pots catalytiques bien avant le filtre à particules obligatoire sur les voitures neuves diesel depuis… février 2011.

Pour Europe écologie-Les Verts, c'est "un scandale sanitaire comparable à celui de l'amiante" et "une erreur historique de l'Etat français qui a toujours cherché à promouvoir le diesel par une fiscalité avantageuse".

Bruxelles favorable à une taxe minimale sur le diesel

Et ce n'est pas tout. Si les véhicules diesel émettent une quantité plus faible de CO2 que les véhicules essence, ils participent aussi au réchauffement climatique. Les moteurs diesel rejettent, plus que ceux à essence, des oxydes d'azote, qui sont doublement nocifs. A la fois irritants et gaz à effet de serre, ces oxydes d'azote sont nuisibles pour la santé mais aussi pour la planète.

Mais sous la pression des grands constructeurs hexagonaux, les gouvernements français, de droite comme de gauche, ont privilégié le diesel en taxant plus lourdement l'essence. Sur le long terme, la position est intenable.

La nouvelle norme européenne "Euro 6" va limiter le rejet de ces gaz par les véhicules. Elle entrera en vigueur en 2014 et prévoit une diminution "importante" des émissions d'oxydes d'azote par les diesels. Parallèlement, la Commission européenne veut aller plus loin. Elle souhaite dissuader, par un prix plus élevé à la pompe, les automobilistes tentés par le diesel.

L'écart de prix à la pompe entre le diesel et l'essence serait automatiquement réduit: l'exécutif européen proposerait l'instauration d'une taxe minimale unique sur le diesel au sein de l'UE. Au nom de l'harmonie fiscale contre le réchauffement climatique, la Commission espère ainsi rétablir l'équilibre entre le prix des différents carburants.

Combien de morts avant que Bruxelles et les gouvernements européens passent de la parole à l'acte?




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