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Une crise des subprimes menace les Grecs

lundi, 23 décembre, 2013 - 12:49

Sous la pression de l'Union européenne et du FMI, la saisie des maisons ou appartements des familles endettées devrait être autorisée avant le 1er janvier. Avec le risque d’une amplification de la crise immobilière de l'ampleur de celle des subprimes aux États-Unis.

Quand la police est arrivée sur place, dans la baie de Naupaktos (Lepante), l’homme était assis face à la mer et regardait sa maison brûler. Quelques instants auparavant, il avait jeté sa voiture par-dessus la falaise. Et ses premiers mots ont été, lorsqu’on l’a arrêté:

Comme cela, ils n’auront rien".

Ce drame risque de ne pas être le seul en Grèce si le gouvernement se plie au diktat de la Troïka (UE, BCE, FMI). Elle demande que soient levées les dernières protections qui préservent la propriété des ménages qui ne peuvent plus rembourser leurs crédits immobiliers. Jusqu’à aujourd’hui, grâce à la loi Katseli adoptée en 2010 au début de la crise, une personne,  même surendettée et insolvable, ne peut voir son habitation principale saisie.

Une nouvelle loi annulant cette protection doit entrer en vigueur le 1 janvier 2014. Elle fait trembler le pays.  Louka Katseli, l’ex-ministre PASOK, passée dans l’opposition, a demandé le maintien de la loi qui porte son nom, en prédisant des conséquences "terrifiantes pour la société". Pour lui, si la nouvelle loi passait "les seuls qui seront gagnants sont les charognards des marchés".

En clair, tous ceux qui vendent et achètent à bas prix aux enchères. Et sous le titre "Non au dégel des enchères", EKPOIZO, "l’Union des Consommateurs pour la qualité de vie", a lancé une pétition qui a déjà recueilli plus de 100 000 signatures. Même certains députés de la coalition gouvernementale droite-socialistes s'opposent à la levée de la mesure qui jouera contre "le petit propriétaire", et entraînera le "bradage" de l'immobilier "à des fonds étrangers".

Peuple ayant une longue histoire de réfugiés, et face à un état peu protecteur, les Grecs avaient pris l’habitude de se constituer une sorte d’assurance-vie et vieillesse en investissant dans l’immobilier. Ainsi 80% des Grecs sont propriétaires, le plus fort taux d’Europe.

Dernier amortisseur social

Ce phénomène était encouragé par le fait  que les propriétaires payaient peu d’impôts fonciers avant 2010. La période du "miracle grec" a amené une hyperconsommation, avec une spéculation immobilière débridée et des crédits immobiliers distribués à tout va.

La crise a fait éclater cette bulle et la politique de rigueur imposée par la Troïka a augmenté les impôts tous azimuts (taxe d’habitation, taxe  foncière, imposition sur les transmissions et les donations parentales). Mais la mise à bas de ce dernier amortisseur social, risque de faire exploser une société grecque déjà très fragilisée par une crise économique sans précédent.

Quelques chiffres révélés par une enquête effectuée dans 21 pays européens menée par l’agence de recouvrement Intrum Justitia et l’institut de recherche hollandais Trendox, permettent d'en mesure l'ampleur:

  • La Grèce à la dernière place des 21 pays  et les Grecs sont devenus la population la plus pauvre d’Europe
  • Les dépenses moyennes par famille ont baissé de 30 % depuis la crise (réduction des dépenses de santé, de chauffage, sur les vêtements, les distractions, la voiture, …),
  • Un foyer sur 4  (23% de la population, soit 2,5 million de citoyens) est désormais sous le seuil de pauvreté.
  • Le chômage atteint 27,5% des Grecs (59% des jeunes),
  • La majorité des chômeurs est sans emploi depuis plus de 12 mois, avec une allocation de 200 euros,
  • Plus d’un millions de travailleurs actifs ne sont pas payés,
  • 4 Grecs sur 10 empruntent pour vivre et payer les charges courantes, n’ayant pas de revenus suffisants,
  • Les factures d’électricité,  de fuel, de téléphone, d’eau et les amendes routières restent dans les tiroirs,
  • 60 % ont du mal à faire face à leurs obligations en fin de mois,
  • 1 Grec sur 3 est désormais sans couverture sociale,
  • Les causes de cette situation selon les Grecs: les licenciements, les coupes dans les salaires et les retraites, l’augmentation massive des  impôts et du prix du fuel,
  • 9 Grecs sur 10 pensent que le gouvernement n’a aucun pouvoir sur l’économie,
  • Les inégalités ont fortement augmenté (20 % des riches  Grecs sont maintenant 7 fois plus riches que les 20 % plus pauvres de la population. Avant la crise, l’écart était de 5).

Par crainte d’une crise politique et d’une explosion sociale, le projet de loi devrait être amendé, avec la proposition d’une période transitoire d’un an, où sera préservée l’habitation principale. Des critères sociaux et financiers seront pris en compte avant l'autorisation de la vente aux enchères des habitations afin de protéger "ceux qui ont vraiment besoin de soutien mais non pas ceux qui en profitent pour ne pas rembourser leurs dettes", selon le ministre des finances, qui défend la reprise des ventes aux enchères de maisons hypothéquées, en  mettant en garde contre un "écroulement des banques", étranglées par leurs créances douteuses.

Mais faire ce choix, au lieu de prendre exemple sur l’Islande qui vient d’annuler les dettes des ménages, c’est peut-être jouer à l’apprenti sorcier, avec risque de rajouter à la crise existante en Grèce, une crise ressemblant fort à celle des subprimes aux Etats-Unis, à l'origine de la grande dépression européenne.




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