Trois Britanniques sur quatre estiment que les médias encouragent la discrimination. Déclarations douteuses des politiciens et clichés racistes redoublent à la télé. La communauté pakistanaise estime être la plus stigmatisée.
Les médias britanniques alimentent-ils le racisme? C'est la question posée à 750 Britanniques par le groupe de réflexion Runnymede Truste et l'institut Focus ethnique pour le quotidien The Independent. Les réponses sont sans appel. 78% des interrogés estiment que les médias encouragent la discrimination envers les minorités.
Si les membres de la communauté indienne se sentent moins visés que la moyenne (seuls 68% d'entre eux trouvent que la télévision véhiculent un message discriminant), les Pakistanais britanniques sont quasi unanimes sur la question: 94% des sondés se sentent stigmatisés dans les médias. Dans leur foulée, les ressortissants des pays d'Europe centrale et d'Europe de l'est (89%).
La problématique préoccupe également la communauté blanche britannique. 76% de ses membres s'inquiètent du traitement réservé aux personnes issues des minorités à la télévision. Le chiffre est identique pour la communauté noire.
Les Roumains, cible privilégiés des écrans anglais
Cette méfiance n'est pas sans raison. Il suffit de voir le tout dernier programme imaginé par Channel 4. Depuis lundi, la chaîne propose au public une nouvelle série-documentaire intitulée "Benefit Street" (les bénéfices de la rue). Les reportages prennent le parti de suivre les membres des diasporas noires, indiennes, pakistanaises, bulgares ou encore roumaines pour montrer comment ces individus profiteraient du système.
L'émission a suscité un tollé chez les spectateurs. L'OFCOM (Autorité indépendante de régulation et de la concurrence les industries des communications au Royaume-Uni) s'est retrouvée inondée sous des milliers de lettres dénonçant ledit programme. L'émission est également accusée, par le public, d'attiser la haine envers les minorités. Dans l'une des séquences du reportage par exemple, un homme blanc s'égosille à l'encontre d'un groupe de Roumains et déclare:
Vous ne savez même pas parler anglais! Je vais aller chercher de l'essence pour vous brûler bande de salopards."
Dans le même registre, un homme noir nommé Dee rappelle, au cas où le spectateur ne l'aurait pas compris, que les Roumains sont tous de fieffés bandits, volant les vélos et scooters des enfants pour monter des entreprises spécialisées dans la revente de ferraille. Le sujet du prochain épisode s'annonce déjà brûlant: les tensions entre les différentes communautés ethniques dans les quartiers.
Un climat politique tendu
Les politiciens, de leur côté, ne font rien pour améliorer la situation. Ces dernières années, les positions du gouvernement britannique sur l'immigration se sont radicalisées. Difficile pour les membres d'une communauté, notamment pour celles issues d'Europe centrale, de ne pas se sentir stigmatisés. Le Premier ministre, David Cameron, n'a eu de cesse, ces derniers mois, de mettre en garde le pays contre l’invasion prochaine des Roumains et des Bulgares.
Depuis le 1er janvier 2014, les immigrés d'origine roumaine ou bulgare peuvent travailler dans les pays de l'Union européenne (UE) sans avoir besoin d'un permis spécifique ou d'oeuvrer en tant que travailleur indépendant. David Cameron a de son côté tout fait pour limiter l'entrée de ces populations en Grande-Bretagne tout en durcissant l'accès aux aides sociales pour les immigrés.
Le budget des différents organismes chargés de promouvoir l'égalité entre les citoyens britanniques a été réduit. Le gouvernement de coalition a supprimé les fonds affectés au service d'assistance téléphonique et au programme de subventions de la Commission pour l'égalité et les droits de l'Homme. Les deux services ont d'ailleurs disparu depuis. De quoi alerter les ONG comme le rapporte cette étude sur le racisme en Europe menée par l'ENAR (réseaux européen contre le racisme).