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Au Royaume-Uni, expulser les demandeurs d’asile, ça rapporte

mercredi, 15 janvier, 2014 - 10:27

Au Royaume-Uni, des primes et des bons d'achat incitent les fonctionnaires à débouter les demandeurs d'asile. Objectif: dépasser les 70% de refus. 

En France, il y a deux ans, diverses associations décernaient l'ironique "prix P.A.P.O.N" ("prix attribué pour obéissance notoire") à trois préfets et une fonctionnaire pour leur "zèle" dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Titillant le fameux point Godwin, la cérémonie pastiche avait provoqué l'indignation de l'Etat.

Au Royaume-Uni, l'humour anglais n'aurait certainement pas suffi pour apprécier davantage une telle initiative: outre-Manche, ce sont en effet des gratifications bien réelles qui récompensent l'application du staff ministériel. 

The Guardian révèle, documents officiels à l'appui, que le personnel de la direction de l'immigration est encouragé à débouter les demandeurs d'asile qui font appel contre une obligation de quitter le territoire. Des primes, des vacances supplémentaires et même des bons d'achat récompensent les fonctionnaires les plus 'appliqués'.

Objectif: dépasser 70% de demandes d'asile refusées. Interrogé par le quotidien, un porte-parole du ministère a refusé de donner une enveloppe globale des sommes ainsi perçues par le personnel de l'immigration.

"La vie des gens est en jeu"

Ces "primes à l'expulsion" n'ont pas manqué de provoquer l'indignation. Pour James Packer, avocat au sein d'un cabinet spécialisé en droit de l'immigration, il s'agit d'une "incitation claire à de mauvaises pratiques": 

Le Ministère de l'Intérieur attend de ses fonctionnaires qu'ils gagnent un certain nombre de recours et les récompense s'ils dépassent leur objectif (…) je suis consterné (…). Ces mesures incitatives sont illégales et immorales. le taux de réussite obligatoire de 70% s'applique à des demandes d'asile où la vie des gens est en jeu".

Son cabinet envisage d'attaquer en justice cette pratique, si elle n'était pas retirée très prochainement. Les associations de défense des droits de l'homme sont également montées au créneau. Emma Mlotshwa, coordinatrice de l'organisme Medical Justice, qui défend les droits des immigrés détenus, a fait part de "sa profonde inquiétude":

Il y a des personnes qui ont survécu à la torture, et dont les demandes d'asile ont ainsi été refusées. A leur arrivée dans leurs pays, ils ont été torturé à nouveau. Le fait que certains fonctionnaires ont reçu des récompenses pour favoriser la décision d'expulser ces personnes du Royaume-Uni est très préoccupant".

Crise de confiance

Le ministère se défend: le refus de demandes d'asile représente un critère d'évaluation seulement des performances du personnel, parmi beaucoup d'autres. Les équipes sont aussi jugées sur l'efficacité de leur présentations, la solidité de leurs argumentaires et leur conformité avec les directives officielles, précise un représentant officiel. Mais il en faudra davantage pour convaincre. 

Pour Sarah Teather, députée de l'opposition et ex ministre, ces pratiques incitatives "sapent complètement la confiance en un système juste, à l'écoute à ceux qui viennent au R.U. en quête d'un sanctuaire contre la guerre et la persecution".

Par le passé, nous avons déjà constaté que des incitations étaient données aux avocats du ministère de l'intérieur pour retarder les affaires qu'ils allaient perdre. Non seulement cela représentait un coût pour le contribuable (…), mais cela laissait aussi les demandeurs d'asile dans une dévastatrice incertitude."

Une accusation, également relayée par Duncan Lewis, rejetée en bloc par le ministère.




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