Au nom de l'égalité homme-femme, le gouvernement envisagerait de favoriser un meilleur partage du congé parental. La durée pour les mères serait réduite, mais si les pères s'occupent eux aussi de leur progéniture la durée totale serait maintenue. L'Allemagne a fait de même et ça marche ! Les hommes sont outre-Rhin de plus en plus nombreux à pouponner.
Avant même que la loi sur l'égalité hommes – femmes promulguée le 4 août dernier entre en vigueur, le gouvernement voudrait aller plus loin pour inciter les pères à prendre un congé parental. A partir du second enfant né ou adopté à compter du 1er janvier 2015, il envisagerait de plafonner à 18 mois la durée maximale du congé pour chaque parent, contre actuellement 30 mois avec 6 mois supplémentaires si les deux parents font valoir leurs droits.
Les associations familiales dénoncent un marché de dupes destiné à faire des économies budgétaires sous couvert de bonnes intentions égalitaires. Partant du principe que les pères ne lâcheront pas ou peu longtemps leur boulot pour s'occuper de leur petit dernier, cela revient à réduire de 40% le temps laissé à la maman pour s'occuper à plein temps de son enfant jusqu'à l'âge où il peut aller en créche.
Une parentalité plus harmonieuse
Pourtant l'objectif est de réduire l'éloignement des femmes du marché du travail et de lutter contre les discriminations de genre à l'emploi (1). Mais il s'agit aussi d'inciter les pères à prendre des congés parentaux, pour une parentalité plus harmonieuse entre les hommes et les femmes.
La législation antérieure permettait déjà aux papas, au même titre que les mamans, de prendre ce congé parental. Mais dans les faits, on était loin d'un partage équitable: en 2012, seuls 3,5% des congés parentaux ont été pris par des hommes. Autre chiffre éloquent: moins d’un père sur cent d’un enfant âgé de moins de trois ans a recours au congé parental, alors que ce dispositif concerne une mère sur quatre (2).
La France n'est pas la seule à mettre en oeuvre des mesures pour faciliter la conciliation entre vie de famille et obligations professionnelles, et de manière plus égalitaire entre les deux sexes. L'Union européenne tente aussi de favoriser cette évolution. Ainsi, en 2010, une directive communautaire a relevé de trois à quatre mois la durée du congé parental, avec une incitation à la prise du congé par les deux parents sous la forme d’un mois ni fractionnable ni transférable à l’autre parent.
Au Luxembourg, en Pologne, ou encore au Royaume-Uni, le congé parental payé a été prolongé. Au Danemark et à Malte, les parents exerçant une activité indépendante ont récemment obtenu les mêmes droits que les parents salariés au congé parental. L'Estonie et la Pologne ont également pris de nouvelles mesures visant à encourager les pères à prendre un congé de paternité. Mais malgré ces avancées, les pays européens les plus favorables à une implication des hommes dans le soin aux jeunes enfants restent la Suède, l'Allemagne, et le Portugal.
Les papas suédois et allemands au berceau
En Suède, les congés parentaux s’élèvent à 480 jours: 60 sont destinés au père, 60 à la mère. Les deux parents se partagent librement les 360 jours restants. Un congé long, et surtout bien payé: 80% du salaire (du père ou de la mère) est versé pendant 390 jours. Hier, comme aujourd'hui, le pays nordique montre le cap: c’est le premier Etat européen à avoir instauré un congé parental, dès 1974.
La Norvège, en bon voisin, n'est pas en reste: la part des pères qui profitent de leur "quota paternel", ces semaines de congés réservées aux pères, perdues s’ils ne les prennent pas, s'élève à 90%.
En Allemagne, les choses ont radicalement changé depuis la réforme de 2007: le congé parental est de 12 mois maximum (contre 24 mois précédemment), mais il est davantage payé qu'auparavant. Sur ces 12 mois, à l'instar du modèle suédois, deux sont exclusivement réservés au père: ici encore, ils sont perdus s'il ne les prend pas.
Le bâton… et la carotte: si les deux parents prennent au moins deux mois chacun, ils "gagnent" deux mois supplémentaires, et cumulent donc un total de 14 mois. Une prime à la parité, en quelque sorte. D'après un rapport de 2012 du ministère allemand de la Famille cité par TV5 Monde, le taux de recours des pères est passé de 3,5% en 2006 à 25% en 2010: la recette porte donc ses fruits. Le gouvernement français s'est inspiré de cet exemple allemand en rajoutant pour sa part 6 mois supplémentaires si le congé parental est partagé, mais les associations familliales françaises estiment sans doute que les père allemands sont de meilleurs papas…
Portugal: congé de paternité obligatoire
La législation portugaise favorise le partage de la parentalité: prendre la moitié de son congé de paternité (il est de 20 jours) est même obligatoire! Le dispositif du congé parental est aussi incitatif pour les papas:
- Le congé parental initial est de 120 à 150 jours, selon le mode de rémunération choisi (120 jours payés à 100 % du salaire de référence ou 150 jours payés à 80%). Il est prolongé d'un mois lorsque les deux parents le partagent.
- Le congé parental aditionnel, moins bien rémunéré (25% du salaire), est de trois mois par parent: il peut ainsi aller jusqu'à six mois si les deux parents y ont recours.
Dans la plupart des pays européens, la prise en compte des hommes dans la parentalité est plus modeste. Mais elle se généralise de plus en plus.
Espagne: bientôt quatre semaines
L’Espagne mène également une politique active en faveur des pères, mais qui a cependant bien du mal à se traduire dans les faits. En 2007, en effet, une ambitieuse "loi de l'égalité" est votée, sous le gouvernement du socialiste José Luis Rodríguez Zapatero. En plus des congés à prendre le jour de l’accouchement et le lendemain, les pères bénéficient de 13 jours supplémentaires, qui s'ajoutent aux deux jours qui étaient jusqu'alors accordés. Ces deux semaines seront portées à un mois grâce à une loi adoptée par le Sénat en septembre 2009. Mais ce texte n'est pas encore entré en vigueur… D'abord promis pour 2013, son application a été annoncée pour 2015!
Autre option pour les nouveaux papas, un congé parental d’une durée maximale de trois ans, qui peut être pris tant par les hommes que par les femmes. Long, mais non rémunéré! Du moins au niveau national: en région, certaines aides existent. Par ailleurs, les mères peuvent aussi leur transférer une partie de leurs 16 semaines de congés. Au maximum, cela représente 10 semaines (42 jours d’arrêt postnatal sont obligatoires).
Royaume-Uni: en avant les papas
Au Royaume-Uni, David Cameron a sans doute permis de faire évoluter les mentalités. Le Premier ministre s’est personnellement accordé une pause de deux semaines auprès de sa fille Florence Rose Endellion après sa naissance, en 2010. La question du partage de la parentalité est clé pour l'activité professionnelle des femmes au Royaume-Uni: 50.000 d'entre elles perdent leur emploi chaque année du fait de leur maternité.
Le congé paternité de base est réduit à deux semaines, qui doivent être prises par le père dans les huit semaines suivant la naissance. Il est financé à hauteur de 90% du salaire moyen ou d'un forfait de 165 euros par semaine (135 £).
Depuis 2011, innovation notable, une partie du congé maternité (jusqu'à 24 semaines sur les 52) peut être transférée aux pères si la mère décide de reprendre son activité professionnelle. Il s’agit là d’un congé paternité additionnel, indemnisé lui aussi. Dans les deux cas (congé paternité de base ou rallongée), l'emploi du père est garanti.
Belgique: 4 mois indemnisés
En Belgique, la durée du congé paternité est plutôt standard: 10 jours d'absence octroyés au père dans les 4 mois suivant la naissance. L'employeur continue alors de lui verser son salaire pendant trois jours, avant que la sécurité sociale ne prenne le relai pour les 7 suivants, à hauteur de 82% du salaire brut plafonné.
A noter que le dispositif a été récemment rendu accessible aux couples de femmes: la conjointe de la jeune maman (la "co-mère" dans le vocabulaire légal belge) peut donc elle-aussi prendre 10 jours de congé pour s'occuper du bébé.
A cela s'ajoute le congé parental, droit individuel et donc accessible au père autant qu'à la mère: 4 mois chacun si les deux le prennent. Si le père ne le prend pas, impossible de le transférer à la mère, afin justement d'inciter à l'égalité dans la parentalité. Côté calendrier, ces 4 mois peuvent être gérés selon trois options:
- s'arrêter de travailler totalement durant 4 mois, interruption fractionnable par mois,
- transformer son temps-plein en mi-temps, cette fois pendant 8 mois,
- travailler aux quatre cinquième sur une durée de 20 mois.
En Irlande, seule la maman y a droit
(1) Chaque année passée hors du marché du travail du fait de la prise d’un congé parental réduit le salaire futur de 3 à 15 % (in: Lequien L. (2012). Durée d’une interruption de carrière à la suite d’une naissance : impact sur les salaires, Politiques Sociales et Familiales, 108, pp. 59-72)
(2) CNAF, l’essentiel n. 131, janvier 2013 « les pères bénéficiaires du CLCA »