Les centres de détention italiens n'en finissent plus de scandaliser. Treize migrants marocains ont décidé de protester contre les mauvais traitements subis dans ces "prisons" en se cousant les lèvres.
Une révolte silencieuse. Treize migrants marocains ont décidé, ce week-end, de coudre leurs lèvres afin de dénoncer les mauvais traitements dont ils sont victimes en Italie. Cette pratique semble se populariser dans les centres de détention italien, peut-on lire dans le Corriere della Serra.
C'était le 21 décembre 2013. Dans l'établissement de Lampedusa, douze immigrés, las des conditions sordides dans lesquelles on les oblige à vivre décident d'extraire le fil des couvertures pour se coudre les lèvres. Ils suscitent ainsi l’intérêt des médias, comme en témoigne cette vidéo d'Euronews.
La protestation dure une semaine. Le ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano, promet de faire tout son possible pour que les dossiers de ces migrants soient traités au plus vite. Mais un mois après, rien n'est fait. La nouvelle se propage dans toute l'Italie, jusqu'à arriver aux oreilles de treize marocains du centre de détention de Ponte Galeria. Ces derniers, venus de Libye, entament une grève de la faim le 24 janvier au soir. Pour montrer leur détermination, ils décident, le jour d'après, de coudre eux aussi leurs lèvres.
La plupart d'entre eux sont prêts à quitter l'Italie pour le Maroc au plus vite. Ils bénéficient d'ailleurs du soutien du directeur de l'établissement, Vincenzo Lutrell:
"Je suis tout à fait d'accord avec leur protestation. Certains restent 18 mois, enfermés dans ces centres. C'est beaucoup trop."
L'adjoint au maire de Rome, Luigi Nieri, s'est également ému de la situation:
"On ne peut enfermer ainsi des gens qui n'ont commis aucun crime. Les centres de rétention sont délabrés. Ces personnes vivent dans des conditions insalubres. C'est une honte pour notre pays. Il faut corriger notre législation sur l'immigration de toute urgence."
Les camps de la honte
Le traitement des migrants en Italie revient régulièrement dans le débat public. Un mois plus tôt, ce sont les images volées d'un camp de rétention à Lampedusa qui ont indigné une large partie des Européens. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström, avait dénoncé des "traitements épouvantables" infligés aux migrants sur l'île italienne.
"Nous avons ouvert une enquête (…) dans beaucoup de centres de rétention, dont celui de Lampedusa, et nous n'hésiterons pas à lancer une procédure d'infraction"
avait elle martelé.
L'immigration en Italie est régie par la loi Bossi-Fini, votée en 2002. Le texte permet un durcissement des conditions d'accueil des migrants avec des quotas en fonction des besoins de main d'œuvre du pays.
Il est renforcé en 2009, avec l'introduction d'un délit d'immigration clandestine. Toute personne s'introduisant illégalement sur le territoire italien est immédiatement expulsée. Ceux apportant une aide quelconque aux migrants risquent, aujourd'hui encore, des poursuites judiciaires pour "complicité". Ce délit de clandestinité devrait cependant être prochainement supprimé: les sénateurs italiens ont récemment voté en faveur de son abrogation.