Pour contrer les sénateurs opposés à l'interdiction de la culture du maïs transgénique de Monsanto, une nouvelle loi anti-OGM soutenue par le gouvernement est présentée à l'Assemblée. En Europe, une majorité des pays reste opposée au maïs du semencier américain.
Cela fait des années que les gouvernements, de droite comme de gauche, tentent en vain d'interdire la culture du maïs transgénique. Mais en France, ils se heurtent à chaque fois au Conseil d'Etat qui a annulé à deux reprises les arrêtés pris par les ministres du précédent gouvernement Fillon.
Car l'Union européenne a autorisé le maïs OGM de Monsanto "MON 810". Pour l'interdire au niveau national, il faut pouvoir prouver que cette culture transgénique engendre "un risque important" pour la santé de l'homme, des animaux, et pour l'environnement. Et c'est là que le bât blesse: les rares études indépendantes, comme celle de Gilles-Éric Séralini, professeur à l’université de Caen, sont contestées car jugées insuffisamment fiables.
Après ce torpillage du projet de loi par le Sénat où la gauche a pourtant la majorité, le ministre de l'Écologie Philippe Martin, a réaffirmé la "détermination" du gouvernement à interdire ce maïs transgénique, en souhaitant qu'une "nouvelle proposition de loi puisse être examinée à l'Assemblée nationale probablement au début avril ou à la mi-avril, en tout cas avant les semis". Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a dans la foulée annoncé qu'il avait déposé cette proposition de loi (PPL) avec le texte joint:
La PPL maïs #OGM est déposée. Discussion le plus rapidement possible. pic.twitter.com/S5uAy6T5xL
— Bruno Le Roux (@BrunoLeRoux) 18 Février 2014
Mais profitant d'une météo particulièrement clémente, le maïs OGM sera probablement semé avant la fin mars, la loi n'étant pas votée d'ici là.
Pour parer au plus pressé, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll promet donc un nouvel arrêté contre la culture du maïs MON 810 "d'ici la mi-mars". Mais, cette fois encore, il devrait logiquement être retoqué par le Conseil d'Etat, en l'absence de nouvelles études concluantes.
En février dernier, dix-neuf pays de l'Union européenne, dont la France, se sont opposés à l'introduction en Europe d'un autre maïs transgénique, le TC1507 de Pioneer, l'autre semencier américain.
Seules l'Espagne et le Royaume-Uni se sont prononcés pour, l'Allemagne s'étant, pour sa part, abstenue.
L’Espagne, championne européenne des OGM
On retrouve le traditionnel clivage entre les pays anti et pro-OGM. La France, la Hongrie, le Luxembourg, la Grèce, l’Allemagne, l’Autriche et la Bulgarie, rejoints par la Pologne en avril dernier, ont décrété un moratoire. Selon l’organisation suisse Stop OGM, quelque 260 régions et plus de 4500 communes en Europe se sont aussi autoproclamées "sans OGM".
A l’opposé, l’Espagne, championne européenne, cultive 116.000 hectares de maïs OGM. D'auters pays autorisent également la culture de maïs OGM. Le Portugal cultive 930 hectares, la République tchèque 3000 hectares, la Roumanie 217 hectare et la Slovaquie seulement 189 hectares.
Derrière ces chiffres plane cependant des zones d’ombre. Ainsi, selon Stop OGM, du colza transgénique de Monsanto pousse en Suisse sur deux sites de l’enceinte portuaire de Bâle et une station ferroviaire du canton, malgré leur interdiction. Déjà, cette fois en Allemagne, les autorités avaient ordonné en 2007 l'arrachage de plants de colza OGM non-autorisés dans l’Union européenne et de colza traditionnel contaminé poussant à proximité.
Manque de transparence
Reste que si les surfaces concernées par les OGM sont réduites, de nombreux doutes subsistent également sur la présence de ces variétés dans les assiettes… De nombreuses sortes d’OGM pouvent, en effet, être importées à des fins alimentaires dans l’Union européenne (soja, maïs, colza et dans une moindre mesure pomme de terre et betterave), provenant essentiellement des Etats-Unis, d’Argentine, du Brésil ou de Chine où la culture de plantes OGM est autorisée et pratiquée à grande échelle.
Destinés à l’alimentation animale – 80% des 4, 5 millions de tonnes de soja importé chaque année du Brésil pour nourrir les porcs et volailles est transgénique, selon Greenpeace – ou à la fabrication d’ingrédients pour l’industrie agroalimentaire, les OGM ne peuvent pas toujours être décelés par les consommateurs en dépit de la réglementation : depuis 2004, Bruxelles oblige les fabricants de produits alimentaires contenant plus de 0,9% d’ingrédients génétiquement modifiés à les signaler par une étiquette.
Mais l’affaire se complique avec les produits issus d’animaux nourris avec de l’alimentation OGM. Les viandes et les aliments provenant d’animaux, comme les œufs ou le lait, et leurs dérivés (yaourts, biscuits…) ne sont soumis à aucune obligation d’étiquetage même si, depuis le 1er juillet, les producteurs peuvent, en France, bénéficier du label "nourris sans OGM" garantissant qu’ils contiennent moins de 0,1 % d’OGM.
Avant la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie pratiquaient déjà cet étiquetage spécifique. De quoi rassurer les consommateurs inquiets qui étaient en 2010 à 71% opposés aux OGM dans leurs assiettes, selon un sondage Eurobaromètre réalisé par la Commission Européenne? C'est peu probable.