Ce mercredi, le smog recouvre Londres et une partie de l'Angleterre. Le péage urbain installé dans la capitale attend toujours de faire ses preuves... Ailleurs en Europe, d'autres mesures anti-pollution de l'air sont adoptées, avec des succès inégaux.
Londres et certaines régions d'Angleterre (au Sud et à l'Est) sont aujourd'hui recouvertes d'un épais smog, comme en réplique à l'épisode d'alerte à la pollution qu'ont connu plusieurs pays d'Europe le mois dernier. Le pic de pollution devrait durer jusqu'à vendredi. De quoi mettre en doute l'utilité des péages urbains, dont la capitale britannique est pionnière. Ou du moins pointer leur insuffisance.
Royaume-Uni, pionnier des péages urbains
Dès 2003, Londres a instauré le premier grand péage urbain d'Europe, à l'entrée de son centre-ville. Avec un certain succès (70.000 voitures en moins dans la capitale, chaque jour), mais pas sans coût: comptez de 10 à 12 livres (de 12 à 14 euros) pour entrer dans la capitale (sauf la nuit et le week-end).
Si la mesure a un effet réel sur la décongestion du centre-ville, les effets sur la qualité de l'air sont incertains. Parmi les raisons avancées: le péage urbain ne concerne que 3,5% de la circulation du grand Londres; taxis et bus, plus souvent diesel que les voitures individuelles, ont investi le centre ville.
Le pic de pollution actuel en apporte une nouvelle preuve, bien que ses causes dépassent largement les émissions locales, selon le ministère de l'environnement, et donc la portée d'un péage. La pollution industrielle venue du continent européen et la poussière du sable du Sahara, apportée par les vents soufflant du sud-est, sont notamment mises en cause. A cela s'ajoute des températures clémentes.
Cette alerte à la pollution intervient alors que la commission européenne a déjà mis en demeure, en février, le Royaume-Uni. En cause: le non-respect de la directive du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant. Au-delà des particules fines, la pollution atmosphérique au dioxyde d'azote (NO2) dépasse de manière récurrente, notamment dans la capitale, les seuils limites.
Au-delà de l'Angleterre, tout le continent est concerné. L'industrie, la circulation routière et le chauffage domestique sont particulièrement émettrices.
Entre 2009 et 2011, jusqu’à 96% des citadins ont été exposés à des niveaux de concentrations en particules fines (PM2.5) (1) supérieurs aux seuils définis par l’OMS",
estime l’Agence européenne pour l’environnement. Tout comme l'ozone, elles peuvent, à forte dose, provoquer de l'asthme, des problèmes cardiovasculaires, des cancers du poumon.
Face à cette situation, certains Etats privilégient des mesures structurelles, comme au Royaume-Uni, avec plus ou moins de succès. D'autres adoptent des batteries de mesures ponctuelles quand le pic de pollution est déjà là. C'est ce qu'on observe à Paris, à Bruxelles et dans une certaine mesure, en Italie.
France: des mesures ponctuelles
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles? Courant mars, plus de trente départements ont été touchés, ponctuellement, par des alertes à la pollution aux particules. A Paris, le 12 avril, après plusieurs jours consécutifs d'alerte, la mairie a annoncé qu'elle offrait la location de vélib et d'autolib. La mesure, anecdotique, a fait sourire -jaune. D'autant que, concernant le service de location automobile, elle ne s'adressait qu'à ses seuls abonnés!
Il faudra attendre deux jours de plus pour que les autorités mettent en place la gratuité des transports en commun en Ile de France. Les villes de Caen, Rouen, Boulogne-sur-Mer, Grenoble, Le Mans, Tours, Reims, Nancy, Metz, Dijon, Lyon et Bordeaux, ont aussi sauté le pas. Dans plusieurs régions, dont l'Ile de France, la vitesse autorisée a également était limitée.
A Paris, ce n'est que l'alerte majeure passée, le 17 mars, que la circulation alternée a été mise en place. La mesure concerne également 22 communes en Seine-Saint-Denis, dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne. Seuls les numéros impairs sont autorisés à circuler. Ce n'est pas inédit, mais il faut remonter aux années 90 pour en voir la dernière application. Après un pic de pollution atmosphérique, le gouvernement a imposé, à l'automne 1997, une restriction de la circulation automobile dans plus de vingt villes d'Ile-de-France. La mesure a diminué de 20% le trafic: elle est considérée comme un succès. Quelque 20 ans plus tard, elle prouve encore une fois son efficacité ponctuelle.
Ces mesures ont une effectivité limitée, surtout dans des agglomérations comme celle-ci ou celle de Londres, avec un trafic intense. Temporairement, elles peuvent avoir un certain effet, mais c'est insuffisant pour apporter une solution au problème, qui est structurel. L'aspect positif est qu'elles favorisent une prise de conscience du citoyen, et donnent l'image d'une administration qui réagit",
relativise José María Baldasano, professeur d'ingénierie de l'environnement à l'Université Polytechnique de Catalogne.
Italie: péage urbain et circulation alternée
En Italie, à Milan notamment, un péage urbain a également été mis en place. Mais c'est surtout la circulation alternée qui est régulièrement utilisée dans les grandes villes comme Rome, Milan ou Naples, quand (et seulement quand) il y a des pics de pollution. L'idée n'est pas nouvelle: elle est mise en oeuvre dès les années 70, dans un contexte de crise pétrolière et de volonté de réduction des importations d'hydrocarbures.
Un temps abandonnée, elle réapparait dans les années 90, d'abord pour lutter contre les gaz polluants, et plus récemment contre les particules. Lorsqu'un certain seuil d'émissions polluantes est atteint, les mairies ont le droit de se saisir de ce dispositif, basé, comme en France, sur l'alternance pair/impair.
Autre mesure adoptée dans la plupart des grandes villes italiennes: la "journée sans voiture". Elle impose, souvent le dimanche, une interdiction totale de circuler à certaines heures dans une zone. Véhicules électriques et hybrides peuvent faire l'objet de dérogations.
Enfin, il existe aussi dans une quarantaine de centres historiques des "zones à trafic limité". Pour y rentrer, un permis spécial est requis (payant, et sous condition de critères écologiques du véhicule).
La Belgique ralentit l'allure
La Belgique partage avec la France le handicap du diesel: les deux pays ont un taux élevé de propriétaires de voitures diesel, plus polluantes que les autres véhicules. Comme dans l'Hexagone, le mois de mars a été marqué par des alertes au pic de pollution. Une limitation de vitesse à 90km/h (au lieu de 120) a été mise en place sur certains axes routiers et autoroutiers dans les trois régions belges. A l'intérieur de Bruxelles, elle a été limitée à 50km/h, au lieu de 70. Près de 14.500 automobilistes ont été verbalisés, sur les deux journées d’"alerte smog". Ces mesures sont également accompagnées d'une gratuité des transports en commun wallons, ponctuelle elle aussi.
Cela ne règle pas le problème fondamental",
a regretté, comme beaucoup d'autres, Danny Smagghe, porte-parole de Touring, entreprise d'assurance automobile. La Commission européenne a récemment adressé à la Belgique un avis motivé. Elle considère qu'elle n'a pas adopté les mesures nécessaires pour protéger ses citoyens contre les pollutions aux particules fines. Les habitants de Bruxelles, de la zone portuaire de Gand, d'Anvers, de Flandre et de Liège sont particulièrement concernés. Sans réaction de la part de la Belgique, la Commission pourra saisir la Cour de justice de l'Union européenne.
Allemagne: des zones environnementales
Depuis 2007, les zones à faibles émissions (ou Low Emission Zones, LEZ) sont plébiscitées outre-Rhin. Historiquement lancées en Suède, dès les années 90, elles séduisent aujourd'hui plus de 200 villes européennes, dont 50 allemandes, notamment dans le sud du pays et dans la Ruhr. Les véhicules sont classés en fonction de leurs émissions. Les plus polluants sont interdits d'accès au centre. Les pénalités peuvent atteindre 40 euros, avec retrait d'un point sur le permis de conduire.
Les résultats sont là: Berlin arrive en tête des grandes villes européennes pour sa qualité de l'air.
Athènes: 314€ par infraction
- Le célèbre néfos athénien
Athènes, dans le passé, en particulier dans les années 80, était célèbre pour son néfos. Un nuage de couleur brun-jaune plombant la ville, ou smog, contenant des oxydes d'azote provenant essentiellement des moteurs à combustion. Les mesures comme la conduite alternée avaient amélioré la situation.
De plus, suite à la crise, et avec la réduction du trafic routier, l'amélioration de la qualité de l'air a été significative. Mais la hausse des prix des combustibles fossiles (fuel, pétrole, essence) a également ses revers: elle a provoqué une utilisation accrue du chauffage domestique au bois et de la biomasse.
Les niveaux de pollution de l'air en Grèce sont généralement au-dessus de la moyenne des 28 pays-membres de l'Union européenne",
souligne Konstantinos Samara, professeur de l’Université Aristote de Thessalonique. Cette pollution concerne les particules PM10 et PM2.5, mais aussi pour l'ozone et le dioxyde d'azote.
- Circulation alternée et surveillance
La législation sur la circulation alternée dans le centre-ville d'Athènes est toujours en vigueur, même si dans les faits elle n’est plus appliquée (sauf lors des journées de départ et de retour massif en été). En théorie, elle reste valable les jours de la semaine, de 7h à 20h. Elle est off les jours fériés et les jours de grève dans les transports publics. L'infraction est passible d'une amende administrative de 314€, accompagnée de la suppression du permis de conduire pour un mois. Dissuasif! Ces jours-ci, devant la pollution grandissante, le maire de Thessalonique a évoqué la possibilité d’instaurer à son tour la circulation alternée.
Cet hiver, il y a eu des épisodes de forte pollution aux particules dans la plupart des villes grecques.
Les coûts sociaux de l'exposition chronique de la population grecque aux polluants dans l'air risquent d'être très élevés",
a observé M. Samaras, qui a évoqué la probabilité de traduire la Grèce devant la Cour européenne pour violation des valeurs limites de la qualité de l'air. Parmi les suggestions faites pour remédier à la situation:
- Un retour fiscal pour encourager la consommation de fuel domestique, pour remédier à la grave erreur que fut la décision d’augmenter de 100% le prix du fuel.
- L’amélioration de l'isolation thermique des bâtiments publics et privés
- L’encouragement à utiliser le gaz naturel comme moyen de chauffage.
A Budapest, des stickers pour les voitures
A Budapest, le système de circulation alternée lors des pics de pollution a été introduit début janvier 2009 par la mairie pour être définitivement abandonné à l’été 2010. Le maire de l'époque (Gabor Demszky) avait expliqué qu’en pratique la réglementation était très peu appliquée puisqu’aucune sanction n’a jamais été prévue pour les contrevenants. L’édile avait aussi argué que la circulation alternée avait des effets contre-productifs, obligeant les familles à avoir recours à leur voiture plus polluante… au bon numéro de plaque!
Le conseil municipal a alors préféré en rester aux indicateurs fournis lors des contrôles techniques. Un système de signalisation par stickers placés sur la plaque d’immatriculation divise actuellement les voitures en quatre catégories en Hongrie, selon leur niveau de pollution (noir, rouge, bleu et vert, correspondant aux catégories européennes en vigueur dans le domaine).
Lorsque les taux de pollution dépassent les seuils, les voitures disposant d’un sticker noir ou rouge, les plus polluantes, sont priées de rester au garage. Elles encourent une amende allant jusqu’à 15000 Ft soit 500 euros. Par ailleurs, la mairie se réserve le droit d’imposer des restrictions de vitesse.
La pollution aux particules fines prend en compte le taux de concentration dans l'air de particules PM10 et celui des particules PM2,5. Ces particules tiennent leur nom de leur taille, moins de 10 microns et moins de 2,5 microns. Un micron est égal à un millionième de mètre.