En Allemagne, conservateurs et sociaux-démocrates fêtent leurs 100 premiers jours de coalition. Cette Groko ('Grande coalition') a débuté dans la douleur et a accouché de quelques mesures très symboliques… Au seul profit de la chancelière allemande Angela Merkel. Premier bilan point par point.
1. Des débuts chaotiques :
La chancelière Angela Merkel a bataillé dur pour arracher un accord de grande coalition avec ses partenaires sociaux démocrates. Les négociations ont duré près de trois mois entre ces deux mouvements, pas très enthousiastes à l'idée de travailler ensemble. Et voilà qu'à peine le contrat de coalition signé, à la mi-décembre, patatras: Angela Merkel fait une chute en ski de fond…
La chancelière se voit contrainte de diriger, en béquilles, une équipe à l’équilibre lui aussi précaire. Poussifs, les débuts de cette Groko -le surnom donné en Allemagne à cette "grande coalition"- ont ensuite débouchés sur d'inévitables petits couacs et de moins prévisibles gros accidents, à l'image de la démission en février du nouveau ministre de l’agriculture et ex-ministre de l’intérieur, Hans-Peter Friedrich (photo). Ce poids lourd du parti chrétien démocrate bavarois a reconnu avoir enfreint son devoir de réserve en informant à l'automne les sociaux-démocrates d'une enquête internationale visant l'un des leurs, dans le cadre d'un réseau de pédopornographie. Cette première grosse crise semble toutefois déjà oubliée…
2. Des avancées sociales :
Malgré les quelques faux-pas, le nouveau gouvernement allemand a agi avec rapidité sur plusieurs dossiers d’origine sociale démocrate, à commencer par la très symbolique instauration d’un salaire minimum généralisé.
Approuvé le 2 avril dernier par le conseil des ministres, le texte devrait être voté par le Bundestag d’ici le mois de juillet, ce qui permettra une entrée en vigueur au 1er janvier 2015. Ce salaire minimum de 8,5€ brut de l’heure ne s’appliquera toutefois pas aux étudiants de moins de 18 ans en cours de formation, et, durant 6 mois, aux chômeurs de longue durée percevant une allocation.
Parmi les autres projets phares des sociaux démocrates se trouvent la retraite à 63 ans pour les salariés ayant cotisé 45 ans, l’instauration d’un encadrement des loyers dans les villes où la pression foncière se fait de plus en plus forte, et la mise en place de quotas de femmes dans les conseils d’administrations des entreprises publiques. Bientôt, ce sera au tour du projet de double nationalité d’être débattu.
3. La nouvelle diplomatie allemande mise à l’épreuve :
La nouvelle diplomatie bicéphale, pilotée par la chancelière Angela Merkel et par le social démocrate Frank-Walter Steinmeier (photo), n’a pas eu le temps de souffler. A peine installée, le nouveau ministre allemand des affaires étrangères a donné des preuves d’un engagement plus actif de son pays dans les crises mondiales, via l’envoi de troupes allemandes au Mali et une participation à l’intervention en Centrafrique.
Frank-Walter Steinmeier, déjà chef de la diplomatie de 2005 à 2009, l’affirme haut et fort: il ne veut plus d’une Allemagne effacée. Et Angela Merkel approuve. L'insurrection en ukrainienne et l'annexion de la Crimée qu’il qualifie de "pire crise (européenne) depuis la chute du mur de Berlin" marque un test grandeur nature pour cette nouvelle diplomatie allemande. Tandis que la chancelière multiplie les coups de téléphone à Moscou et Washington, son ministre se déplace sur le terrain avec un objectif: jouer plus que jamais les intermédiaires entre Moscou et Kiev, quitte à se faire critiquer parfois sur le manque de fermeté face à la Russie, un partenaire économique de premier ordre.
4. SPD : tout ca pour ca ?
Si les 100 premiers jours de la Groko ont montré une prise d’initiative forte des sociaux démocrates, au final, c’est Angela Merkel qui tire la couverture à elle. Les enquêtes d’opinion sont formelles: seuls 55% des Allemands se disent satisfaits voire très satisfaits par la Groko. 30% se disent pas du tout satisfaits. S’ils devaient y avoir des élections, plus de 40% des électeurs allemands voteraient CDU-CSU (le parti d'Angela Merkel), contre 23% pour le SPD. Triste score pour les sociaux démocrates qui ont obtenu 25,7% en septembre dernier !
Et cela ne présage rien de très bon pour les élections européennes de mai prochain. Par ailleurs, la personnalité préférée des Allemands reste Angela Merkel, suivie de Frank-Walter Steinmeier, selon un palmarès réalisé par la chaine de télévision ZDF. La chancelière tire donc les fruits d’une politique sociale qu’elle a eu du mal à accepter et à faire accepter à son propre parti !
La suite des quatre années de coalition risque d’être longue pour le SPD qui, comme l’écrit le magazine Spiegel, a joué ses plus gros atouts en début de mandat, avec le salaire minimum, la retraite à 63 ans et la double nationalité.