Alcoolisme: la France a encore la gueule de bois
Au Royaume-Uni le nombre d'actes violents engendrés par l'alcoolisme est en recul. En Europe, l'Etat suèdois a le monopole de la vente des alcools. En Allemagne la prévention commence à l'école, boisson en bouche. La France, elle, se dégrise lentement.
Stop à l'alcoolisme! La Grande-Bretagne s'est saisie de la question et voit, depuis cinq ans, le nombre d'actes violents diminuer. L'année dernière, la violence du fait de l'alcoolisme a reculé de 15%. Une chute due à la politique anti-alcool menée depuis 2008.
Depuis la crise, le royaume a décidé d'augmenter le prix des bouteilles d'alcool. L'effet fût immédiat comme le confirme Jonathan Shepherd, coordinateur de l'étude sur la violence et l'alcool de l'Université de Cardiff :
L'alcoolisation massive est devenue moins fréquente et le nombre de jeunes qui ne boivent pas a augmenté nettement."
Le "binge drinking" à l'anglaise vivrait-il ses dernières heures ? Pas sûr pour autant. Car si les chiffres sont encourageants (le pays est passé de 13,4 litres d'alcool en moyenne par an et par habitant selon un rapport de l'OMS de 2010 à 10 litres aujourd'hui selon l'Université de Cardiff) l'ampleur des pathologies liées à l'alcool reste important ainsi que la dépendance chez les adultes.
Les Français reviennent de loin
Cette stratégie de hausse des prix, l'addictologue William Lowenstein aimerait la voir appliquée en France. La dernière hausse de 4% des taxes sur les bouteilles en 2012 ne semble pas satisfaisante à son goût. C'est contre toute une mentalité, une "culture de l'alcool" qu'il faut lutter selon ce médecin, comme il l'exposait avec véhémence ce matin à Europe1 :
L'alcool en France c'est un peu comme les armes à feu aux Etats-Unis (…) c'est la seule drogue que les parents font boire à leurs enfants (…) et pourquoi pas aussi une petite ligne et un joint pour qu'ils participent à la fête."
Un cri de colère qu'il faut nuancer. La France revient de loin. La consommation moyenne par habitant en un an était de 26 litres en 1961. Aujourd'hui, selon un rapport de l'OMS de 2010, le pays se rapproche des 12 litres. Pour l'organisme alcool info service :
Cette baisse est principalement imputable à la diminution de la consommation de vin, qui reste néanmoins la boisson alcoolique la plus consommée. Cette diminution s'est notablement ralentie depuis 2008. Elle s’accompagne d’un changement des modes de consommation. L’alcool passe de l’univers des repas à celui des loisirs. Le vin régresse comme boisson quotidienne, mais il accède de plus en plus à un statut festif. Ces constats sont confirmés par les données de l’Insee : les Français se tournent désormais vers les vins de qualité au détriment des vins de consommation courante."
La France reste cependant un des pays européens où l'on boit avec le plus d'excès. La moitié des jeunes de 17 ans ont déjà pratiqué le "binge drinking" au cours des trente derniers jours. Le phénomène continue d'augmenter selon un rapport de Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
L'école trinque en Allemagne
Avec une moyenne de 12,8 litres par personne et par an en 2010 selon l'OMS, l'Allemagne avait également des progrès à faire. Et parmi toutes les méthodes employées pour sensibiliser les jeunes aux dangers de l'alcool, une seule fait débat. Celle de faire boire les ados. Certaines écoles du Brandebourg ont choisi d'initier les plus jeunes à la consommation responsable en leur servant un verre dans les établissements scolaires.
Les jeunes à qui nous nous adressons ont entre 15 et 17 ans. Ils ont déjà bu de l’alcool et beaucoup d’entre eux ont même déjà été vraiment saouls. Si je leur dis simplement à quel point l’alcool est dangereux, cela ne va pas les effrayer",
nous racontait à l'époque Johannes Lindenmeyer à l'initiative de ce programme.
La première phase du programme consiste en un questionnaire. Chaque élève doit écrire ce qu’il a déjà bu, à quelle dose, dans quelles conditions, etc…"
Les jeunes sont ensuite invités à boire entre une et quatre bières. Puis, ils effectuent un test de concentration. L'objectif : mesurer les effets de la boisson sur ses capacités intellectuelles. Un programme encore très contesté dans les autres Länders du pays.
Une affaire d'Etat en Suède
La Suède, en pointe dans le combat contre l'alcoolisme a mis en place le Systembolaget (littéralement : entreprise du système), des boutiques appartenant à l'Etat. Elles détiennent le monopole de la vente d'alcool dans le pays. Les bouteilles coûtent en moyenne 60% plus cher qu'en France en raison de lourdes taxes. Compter 15 euros la bouteille de vin rouge.
Grâce à ce système la Suède fait partie des pays européens qui consomment le moins d'alcool. 10,3 litres en moyenne par personne et par an selon l'OMS en 2010. Depuis 15 ans, le pays a beaucoup investi dans la prévention. Des coordinateurs travaillent sur le terrain, dans les écoles et avec les parents pour informer les jeunes sur les risques liés à l'alcool. Et les résultats sont là. La Suède est l'un des rares pays du continent où la consommation diminue chez les ados.
Il n'est cependant par rare de voir les jeunes contourner le problème en allant faire leurs courses… du côté de Tallinn, la capitale de l'Estonie, l'un des trois gros consommateurs d'alcool en Europe (15,3 litres en moyenne par personne et par an selon l'OMS). Il faudra cependant être patient. La durée du trajet Stockholm-Tallinn peut atteindre plus de… 16 heures.