Antisémite, négationniste, islamophobe... le parti néonazi Aube dorée s'est installé dans le quotidien des Grecs. Crédités de 15 à 20% dans les sondages, ils pourraient bien, cette fois, accéder au Parlement européen lors des prochaines élections.
Le parti Aube dorée, "Chryssi Avgi"en grec, a été fondé en 1981 et réactivé en 2007 par Nikos Michaloliakos, ancien des jeunesses fascistes de la dictature des colonels (1967-1984). Son socle idéologique est ouvertement néonazi: drapeau avec emblème noir sur fond rouge évoquant explicitement la drapeau du Parti national-socialiste et la croix gammée, saluts fascistes, publications et sites internet comportant de nombreux articles et photographies se référant au 3ème Reich.
L'Aube dorée est xénophobe, nationaliste, irrédentiste (Epire du Nord, Chypre, Macédoine, conflit de la mer Egée, …) europhobe, nataliste, partisan du droit du sang, misogyne, homophobe, antisémite, négationniste, islamophobe…
Des débuts semi-clandestins
Longtemps groupuscule semi-clandestin, le score d'Aube dorée aux élections européennes de 2009 est marginal avec 0,45 % des voix. Aux élections législatives de la même année, il plafonne à 0,29 %. La percée arrive en 2012. Le parti réalise un score de 6,92 % aux élections législatives. Il entre alors au Parlement avec 18 députés et devient le cinquième parti de Grèce.
Avec le slogan "La Grèce aux Grecs", il multiplie les actions "sociales" sur le terrain, comme la distribution de nourriture aux familles grecques de souche, l'accompagnement des personnes âgées ou encore les rondes de sécurité dans les quartiers. Des initiatives visibles et médiatisées qui, dans un pays traumatisé par la crise économique et ses conséquences dramatiques pour bon nombre de Grecs, lui permet de se positionner comme le seul vrai défenseur d'un peuple sacrifié et abandonné par l'Europe.
Une organisation militaire
Mais la réalité d'Aube dorée est tout autre : organisé de façon militaire (avec la complicité active ou implicite de la police, de l’armée et de l’Eglise), le parti a infiltré toutes les strates de la société. Il embrigade les élèves et étudiants, interdit les jardins publics aux enfants étrangers, fait le coup de poing contre les grévistes et organise de véritables sections d’assaut dirigées contre les immigrés (voir la vidéo). En 2013, plus de 166 attaques racistes ont été recensées en Grèce… et ce en toute impunité.
Il a fallu attendre l’assassinat près d'Athènes d’un rappeur antifasciste grec (écoutez ci-dessous), Pavlos Fyssas, poignardé en septembre 2013 par un membre du parti, pour pousser la justice et le gouvernement à agir. Neuf députés, dont Nikos Michaloliakos le chef du parti, ont été inculpés depuis le mois d’octobre dernier pour leur appartenance à une "organisation criminelle". Mais malgré les charges qui pèsent contre elle, le mouvement néonazi reste la troisième formation politique du pays (de 15 à 20 % dans les sondages).
La justice se réveille enfin
Les premiers, et pendant très longtemps les seules organisations mobilisées pour contrer Aube dorée, ont été les associations de défense des migrants. Mais elles étaient démunies face à une formation entretenant des liaisons dangereuses avec une partie de la classe politique dirigeante. Pour preuve, la reconduction au poste de déléguée officielle de la Grèce à la commission sur l’égalité et la non-discrimination du Conseil de l’Europe de la femme du leader d’Aube dorée, la députée européenne, Eleni Zaroulia. Cette dernière avait traité les migrants de"sous-hommes" et de "cafards".
La justice grecque, régulièrement taxée de désinvolture vis-à-vis à des infractions imputées au parti néonazi, a pour la première fois condamné le 15 avril dernier à la perpétuité les deux auteurs du meurtre d’un Pakistanais à Athènes, en janvier 2013. Petros Konstantinou, coordinateur du mouvement antifasciste qui avait fait de ce procès un symbole, a qualifié cette décision de justice de "message à la société" qui a permis "de lever le voile sur la réalité du racisme et le fonctionnement d’Aube dorée qui s’est servi de la mécanique de l’Etat pour commettre ses crimes".
FOCUS : De l’invective à l’agression physique
Dès leur élection au Parlement (avec les toutes les facilités financières que cela induit, émoluments et subventions), Aube dorée s’est autoproclamée dépositaire de la loi, dans l’indifférence, si ce n’est la connivence, des autorités. Lors d'un fête locale à Missolonghi en septembre 2012, des militants, députés en tête, demandaient les cartes d’identité des forains en dévastant les stands tenus par des étrangers. Ou en instrumentalisant l’histoire, par des commémorations en l’honneur de dignitaires de la dictature ou de collaborateurs de l'occupation allemande.
Souvent invités sur les plateaux télé, ils ont imposé très vite leur style provocateur, allant jusqu’à l’agression physique, comme la fois où leur porte-parole a attaqué à coups de poing en direct lors d’un débat télévisé deux femmes députées femmes de l’opposition de gauche (voir la vidéo ci-dessous).
Après l’arrestation de ses chefs, malgré l’opprobre dont ils font l’objet, les responsables d’Aube dorée ne désarment pas. Le jour du procès, devant la prison, la femme du dirigeant emprisonné, députée comme lui, crache au visage d’un journaliste présent. Ilias Kasidiaris, le porte-parole du parti, sous contrôle judiciaire mais toujours titulaire de son mandat de député et candidat à la mairie d’Athènes traite face caméra les juges de "vendus".
Autre député également poursuivi, Ilias Panagiotaros. Dans une interview à une chaîne australienne, le politicien a qualifié Hitler de "grande personnalité, comme Staline, qui a fait le sale boulot nécessaire". Il a également estimé que l’homosexualité était une "maladie".