Cela fait plus de dix ans que l'extrême-droite a le vent en poupe au Danemark. Portées par le Parti du peuple danois, les idées xénophobes infiltrent l'ensemble de la société.
Le refus d’une société multiethnique. C’est l’idéologie de base du Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti ou DF) fondé en 1995 par Pia Kjærsgaard et présidé depuis septembre 2012 par Kristian Thulesen Dahl. Une idéologie issue de l’extrême droite française et inspirée du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE) d’Alain de Benoist.
Le DF milite en effet pour une exclusion des étrangers fondée non sur la race, mais sur une incompatibilité supposée entre les cultures et les civilisations. Ne considérant pas le Danemark comme un "pays naturel d'immigration", le DF refuse qu'il "devienne une société multiethnique" et propose de réduire drastiquement l'accueil des immigrés afin de s'opposer à "l'islamisation de la société danoise" comme le montrait déjà nos confrères de France 3 (voir la vidéo ci-dessous).
En raison de son appui à la coalition libérale conservatrice (2001-2011), le DF a pu faire passer dans la loi plusieurs de ses idées, comme le rétablissement de postes-frontières avec l'Allemagne et la Suède. Une transgression des traités européens signés par le Danemark.
Il réclame aussi des peines aggravées pour les immigrés coupables de viol, d'agression, etc. En politique étrangère, le parti est europhobe, prône le maintien de la couronne danoise et s'oppose à l'intégration de la Turquie dans l'UE.
Un national populisme aux accents sociaux
Mais le DF cultive l'ambiguïté. Il mêle allègrement valeurs de gauche – égalité de l'homme et de la femme, défense des homosexuels et transgenres, sécurité sociale renforcée – et principes de droite – promotion de la libre entreprise, refus de la société multiculturelle, rassemblement autour de l'église danoise… A cela vient s’ajouter une bonne dose d'islamophobie, Pia Kjærsgaard n'hésitant pas à déclarer publiquement que
les musulmans sont des gens qui mentent, trichent et abusent."
Dès sa création, le DF connaît le succès en raflant 7% aux élections municipales de 1997, menaçant même les socio-démocrates dans leurs fiefs traditionnels. Lors des élections législatives de 2001, il remporte 12% des votes et 22 sièges sur les 179 que compte le Folketing (parlement monocaméral danois).
L’alliance avec les partis "respectables"
C'est alors que Pia Kjærsgaard met au point la stratégie qui lui réussira si bien. La même que celle employée par le PVV au Pays-Bas. Ne pas entrer au gouvernement avec la coalition minoritaire libérale-conservatrice, mais offrir un soutien parlementaire à un cabinet minoritaire.
Cette stratégie se révélera payante puisque l'entente va durer dix ans. De 2001 à 2011, la coalition libérale-conservatrice régnera quasi sans partage sur le pays, agissant profondément sur sa législation, notamment à l'égard des étrangers.
Aux élections législatives de 2011, ce sont les socio-démocrates qui reviennent en force avec 24,8% des voix, reléguant loin derrière (à 12,3%) le DF. Mais un sondage de MetroXpress, du 13 mars 2013 montrait que l'opinion s'était déjà retournée et qu'en cas d'élections, le DF l'emporterait avec 17,8% tandis qu'une coalition de centre-gauche ne décrocherait que 16,5% des suffrages. Une véritable gifle pour la Première ministre Helle Thorning-Schmidt qui avait déclaré durant la campagne que
tout résultat en dessous de 30% serait un fiasco."
Depuis, la gauche au pouvoir s'est déchirée sur diverses affaires. Une situation qui risque de renforcer l'attrait pour les populistes.
Des positions pas faciles à contrer
Il n’est pas simple de lutter contre un parti qui incarne un double rôle. Celui de l'influenceur en imprègnant la politique gouvernementale de ses idées. Mais aussi celui de l'outsider en soufflant le chaud de l'encouragement ou le froid des reproches selon les circonstances.
C’est ainsi que les critiques de la politique d’immigration inspirée par le DF sont surtout venues de l’extérieur, notamment de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe (ECRI). Cette dernière s'est émue des atteintes aux droits de l'homme engendrée par cette politique concernant, notamment, la politique de regroupement familial. Dans un récent rapport, elle fustige le traitement réservé aux populations immigrées, comme on peut le lire dans l'extrait ci-dessous :
Lors de l'épisode des caricatures danoises de Mahomet par le journal danois Jyllands-Posten, le 30 septembre 2005, les antiracistes ont eu du mal à contrer le discours de "défense de la liberté d'expression comme valeur fondamentale danoise" brandi par les membres du DF…
Les résistances les plus fortes au Parti du Peuple sont venues des villes danoises désormais largement compétentes (depuis 2007) en matière d'éducation, de protection sociale, de santé, d'urbanisme, d'emploi et de développement économique local.
C'est le cas de Copenhague, dirigée par une coalition de gauche. Elle a suivi une direction diamétralement opposée à celle de la majorité nationale de 2001 à 2011. La ville a lancé deux initiatives comparables à Wij Amsterdammers aux Pays-Bas : VI KBH’R’ (Nous, habitants de Copenhague) et Engage in the City. Des actions destinées à "renforcer l’inclusion et le dialogue entre les citoyens de la ville et à célébrer sa diversité" et qui s’opposent frontalement à la doxa de DF.
FOCUS : Quand le DF se désiste en faveur du porc
Au Danemark, les conseils municipaux sont souvent composés de coalitions de partis aux tendances et aux objectifs divers. Aucune des 98 municipalités danoises n'est gérée uniquement par le Parti du Peuple Danois. Toutefois, comme avec le gouvernement, le DF impose ses idées dans certaines municipalités, y compris parfois quand il ne siège pas au Conseil.
C'est le cas de la petite ville de Hvidovre, à dix kilomètres de Copenhague, où le candidat DF a abandonné son siège aux sociaux-démocrates contre la promesse de servir du porc à la cantine de l'école.
Des choses comme des tartines, de la viande hachée, du rôti de porc et des boulettes de viande… La règle c'est qu'il faut servir de la nourriture danoise traditionnelle",
a-t-il déclaré après une intense journée de négociations.
Une initiative qui n'est pas sans rappeler les "apéros pinard-saucisson" proposés par des mouvements nationalistes en France (voir la vidéo ci-dessous).
Moins qu'une prise de pouvoir effective, c'est d'une diffusion des idées du parti populiste par contagion ou par capillarité dans toutes les strates de la société qu'il s'agit. Le Danemark est devenu le pays européen ou les lois sur l'asile et l'immigration sont devenues les plus dures.