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Ségolène, qu’as-tu fait de la fiscalité verte?

jeudi, 19 juin, 2014 - 14:33

La loi sur la transition énergétique fait l'impasse sur la fiscalité verte. Ségolène Royal n'a pas tenu compte des recommandations de la Commission européenne qui y voit un moyen de réduire les charges pesant sur le travail. 

Pour la  Commission, c'est clair : les prélèvements fiscaux et sociaux sur le travail doivent baisser. Une fiscalité verte pourrait compenser ce manque à gagner pour l'Etat et les organismes sociaux… Une idée pourtant absente de la loi sur la transition énergétique de Ségolène Royal.

Réponses aux quatre questions clés, en France comme en Europe, sur les impôts, les charges pesant sur le travail et la fiscalité verte :

La France a-t-elle une fiscalité plus élevée que ses voisins européens ?

Oui et non. En réalité, il faut distinguer le niveau de pression fiscale global de celui par types d'imposition. L'ensemble des prélèvements obligatoires représente en France, selon les derniers chiffres d'Eurostat de 2012, 45% du PIB.

Ce qui plaçait déjà la France en 3e position derrière le Danemark (48,1%) et la Belgique (45,4%). Mais en 2013, selon les chiffres de l'administration fiscale, les prélèvements obligatoires en France devraient s'établir à 46,3%.

Ces prélèvements servent à 54% à financer la solidarité sociale (santé, allocations familiales, retraites…). L'Etat n'en récupère que 33% et les collectivités locales moins de 13%.

La moyenne dans l'Union européenne s'établissait en 2012 à 39,4%, et 40,4% dans la zone euro. Mais si on entre dans les détails, la France n'est pas forcément la championne de l'impôt.

Ainsi, le travail était imposé en 2012 à hauteur de 39,5%. La France arrive alors à la 6e place derrière la Belgique (42,8%), l'Italie (42,8%), l'Autriche (41,5%), la Finlande (40,1%) et la Hongrie (39,8%).

Quant aux taxes sur la consommation, c'est à dire essentiellement la TVA, la France, avec un taux moyen de 19,8% n'est plus qu'en 15e position, exactement au même niveau que l'Allemagne.

C'est en réalité le capital qui est particulièrement taxé dans l'Hexagone avec un taux global de 46,9%. Là, la France prend non seulement la tête dans l'Union, mais même la première place mondiale.

Le rapport Eurostat permet surtout de mesurer la forte augmentation depuis quelques années des niveaux de fiscalité partout en Europe. Et cela ne va pas pas s'arranger. Depuis deux ans la tendance à l'inflation fiscale s'est même brutalement accentuée dans certains pays comme la Grèce, l'Italie, la Hongrie, la Belgique et la France.

Qui paye quoi ?

Dans 24 des 28 pays européens, l'effort pèse essentiellement sur la fiscalité du travail (sauf en Bulgarie, Roumanie, Croatie et à Malte). Sur ce point, la France est donc loin d'être isolée.

En France, les charges sur le travail correspondent à 52,3% des prélèvements obligatoires. En Allemagne ce chiffre grimpe à 56,6%, monte jusqu'à 57% en Autriche et aux Pays-Bas et atteint presque 59% en Suède. A noter que, selon les pays, ces charges sont plutôt supportées par les salariés ou par les employeurs. En France, ce sont surtout les employeurs.

C'est justement cette forte pression fiscale sur le travail qui inquiète la Commission européenne. Lundi dernier, lors de la présentation du rapport, le commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, a ainsi rappelé que,

dans ses récentes recommandations aux États membres, la Commission a souligné la nécessité de diminuer la fiscalité du travail afin de créer des emplois en Europe. Le rapport d'aujourd'hui confirme les préoccupations de la Commission. La taxation sur le travail est toujours trop élevée."

Dans cette optique, certains gouvernements se sont engagés dans une baisse des charges sur le travail. C'est le cas de la France qui a choisi de baisser les charges patronales, plutôt que salariales, dans l'espoir de relancer l'économie et surtout les embauches. Une politique qui peine à produire des résultats et provoque de sérieux remous dans la majorité socialiste.

Et si la fiscalité environnementale était la solution ?

C'est ce que semble envisager la Commission. Dans son rapport, elle estime que la fiscalité verte est

un instrument pour accroître les recettes de manière bénéfique – en améliorant la qualité de l'environnement – tout en ouvrant la possibilité à des réductions sur la fiscalité du travail et ainsi contribuer à stimuler l'emploi."

La Commission rappelle ainsi que les recettes découlant d'une fiscalité environnementale ne représentent que 2,4% du PIB des pays de l'Union européenne.

Et dans ce domaine, la France est plutôt en queue de peloton puisqu'elle a l'une des fiscalités environnementales les moins élevées des 28 pays de l'Union européenne (elle ne représente que 1,8% du PIB).

Seuls 4,4% des prélèvements obligatoires français sont liés à des taxes vertes. Une part qui a même eu tendance à baisser ces dernières années. Seules la Roumanie, la Lituanie et l'Espagne font moins bien que nous. Et l'essentiel de cette fiscalité verte à la française provient de la taxe sur les produits pétroliers. Autrement dit, les taxes vertes sur les transports, ou les émissions de pollutions, sont quasi inexistantes. Conclusion : la fiscalité environnementale est supportée essentiellement par les consommateurs, et non les producteurs.

Dans ses recommandations concernant le programme national de réforme de la France pour 2014, le Conseil européen souligne que,

malgré certaines avancées dans le domaine de la fiscalité environnementale (par exemple l'introduction progressive d'une taxe carbone ou "contribution climat énergie"), la part de la fiscalité environnementale dans le PIB reste faible".

Et le Conseil de plaider en faveur d'une suppression progressive des subventions néfastes pour l'environnement. Car non seulement la France est à la traîne en matière de fiscalité verte, mais en plus, elle conserve ce qu'on appelle des niches grises, permettant une fiscalité réduite sur des produits particulièrement nocifs comme le diesel.

La France compte-elle mettre en place une vraie fiscalité verte ?

Un Comité pour la fiscalité écologique, mis en place fin 2012 planche sur ces questions. Mais l'annulation de son assemblée plénière du 5 juin pose question. C'est un "très mauvais signal" pour la Fondation Nicolas Hulot. Le gouvernement ne semble plus enclin à instaurer une fiscalité verte, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal affirmant régulièrement son opposition à une fiscalité qu'elle juge punitive.

Et c'est tout le problème de cet impôt. Ses défenseurs plaident en faveur d'une fiscalité qui serait présentée comme incitative et bénéfique pour l'environnement. Mais la fiscalité verte sert surtout à combler les caisses de l'Etat, plutôt qu'à financer des mesures environnementales.

Des taxes vertes présenteraient alors l'avantage d'engendrer un double dividende : bonnes pour l'environnement et permettant à l'Etat de réduire les prélèvements et donc le coût du travail. Mais les récentes tentatives du gouvernement de légiférer dans ce sens se sont heurtées à de multiples blocages : manifestations contre l'écotaxe, rejet de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel…

Pourtant, à 500 jours de la grande conférence internationale sur le climat qui se tiendra à Paris, la France ne peut plus se permettre d'être l'un des plus mauvais élèves de l'Europe en la matière. Le projet de loi sur la transition énergétique présenté par Ségolène Royal en Conseil des ministres le 18 juin est, sur certains points, novateur. Mais en ne voulant fâcher et imposer personne, il renonce à un "verdissement" réel de la fiscalité.

Celle-ci devait pourtant financer à hauteur de 3 milliards d'euros le crédit impôt compétitivité et emploi (CICE) voulu par François Hollande. Quelles sont les autres pistes ? La baisse des dépenses est difficile à tenir, et une hausse conséquente de la TVA est écartée. La fiscalité verte semble pourtant être la seule à pouvoir donner au gouvernement une marge de manœuvre pour continuer sa politique de l'offre.




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