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En Catalogne aussi l’extrême droite se veut respectable

vendredi, 20 juin, 2014 - 11:37

En Catalogne un petit parti xénophobe, se définit comme "le miroir" ibérique du Front National. Il veut "rendre l'Espagne aux Espagnols". Comme Jean-Marie Le Pen son fondateur a été écarté pour propos "portant préjudice au parti".   

Près d’un mois après le résultat des élections européennes, nombreux sont ceux qui ont parlé de l’Espagne en évoquant la surprise du parti Podemos. Tous soulignaient alors l’absence de formation xenophobe dans la péninsule Ibérique. Il est vrai qu’aucun parti assimilable au Front National français n’existe en Espagne. Bien qu'on retrouve des personnalités défendant des idées proches de l'extrême droite au sein du Parti Populaire au pouvoir.

Mais la Catalogne fait exception avec le parti xénophobe Plataforma per Catalunya (PxC, Plateforme pour la Catalogne). Cette formation politique véhicule haut et fort depuis sa création en 2002 les idées emblématiques des populistes en Europe: préférence nationale, défense de la culture et des traditions hispaniques…

Le ton est donné dès les premières lignes de présentation du parti sur son site officiel : "il y en a assez, les gens de chez nous d'abord et non pas les immigrés". Pour PxC, l’immigration, vue comme une "menace", est responsable de la délinquance, du chômage et de la gabegie dans les dépenses sociales.

Une collecte d’aliments polémique

Le parti défend ces idées dans toutes ses actions. La plus polémique : une collecte d’aliments redistribués exclusivement aux Espagnols de "souche". En guise de remerciement, les donateurs reçoivent… du jambon. Lors de la dernière collecte du parti, dans les rues de la commune d’Igualada, la fondation Atlas a manifesté son opposition à une action clairement xénophobe. Silvia Romeu, présidente de la fondation raconte :

Nous voulions faire quelque chose de totalement pacifique. Nous sommes une entité éducative qui luttons contre les stéréotypes sociaux. Nous avons créé et collé des étiquettes où l'on peut lire "Canvia el xip !" (Changeons les mentalités) sur les denrées que nous allions leur offrir"

Il n’aura fallu à Silvia et aux autres membres de la fondation que deux heures pour monter leur action. Le résultat ? Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux qui a eu une grande répercussion médiatique (plus de 138.000 vues) et un message simple pour lutter contre le racisme : "Moi aussi je suis d’Igualada."

Dans cette vidéo, on y voit le secrétaire général du parti PxC, Robert Hernando, en chemise blanche, proposer du jambon aux femmes voilées qui déposent les aliments dans les caisses prévues à cet effet. Pour Silvia, ce geste est clairement islamophobe. Qui plus est "le jambon n’est pas un aliment bon marché". Interrogé sur le sujet, Hernando se défend :

À tous ceux qui s’approchent, nous offrons du jambon et nous l’avons également fait avec ces femmes. C’est un produit typique de la Catalogne. Il n’y a rien de mal à cela ! Nous n’allions pas égorger un mouton en regardant vers la Mecque seulement pour elles, non !?"

Toute publicité est bonne à prendre

Suite à la publication de la vidéo, de nombreux médias se sont fait l'écho du mouvement et ont dénoncé la xénophobie du parti. Pour la présidente de la fondation multiculturelle, c’était inespéré :

Nous sommes ravis et fiers du soutien reçu. Parfois, nous pensons que nous sommes seuls mais ce n’est pas le cas. Je me plais à dire que j’aime les daltoniens. Ces personnes ne distinguent pas les couleurs… Je suis un peu pareil, métaphoriquement, et c’est un plaisir de voir qu’autant de personnes le sont !"

Mais Robert Hernando affirme, lui, que cette vidéo a aidé le PxC à diffuser son message. Une aubaine pour ce parti qui ne compte que 67 élus municipaux en Catalogne mais qui rêve de grandeur :

Grâce à cette vidéo, nous avons reçu beaucoup de soutiens. Pour ce qui est des articles dans les médias, ils me semblent absurdes mais cela m’est égal qu’ils soient publiés. S’ils doivent m’appeler raciste parce que je collecte des aliments pour mes compatriotes, alors d’accord, je suis raciste."

"Nous nous identifions au FN"

Ces idées ne sont pas sans en rappeler d'autres, très populaires de l’autre côté des Pyrénées. Fièrement, Hernando revendique être un admirateur de Marine Le Pen :

Nous nous identifions au Front National et nous voulons apprendre d’eux. Nous avons d’ailleurs assisté à un de leur dernier meeting. Ce parti est notre miroir."

Et d’ajouter :

Nous considérons qu’ils transmettent le message que nous voulons donner ici. Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche. D’ailleurs, nous sommes pour des politiques plus sociales que le PSOE (parti socialiste espagnol) mais également plus à droite que le PP (parti conservateur), surtout au sujet de l’immigration."

L’immigration. Un sujet omniprésent dans la bouche de ce jeune secrétaire de parti de 39 ans qui, cinq ans auparavant, n’était encore qu’un ultra du foot sans engagement politique. Pourtant, il se défend d’être raciste ou xénophobe, argumentant que "lui aussi" a voyagé en Afrique plusieurs fois. Mais chassez le naturel, il revient au galop :

La victoire du FN est une avancée dans ce que doit être l’Europe. Au final, ils finiront tous par ouvrir les yeux et défendre ce qui est à chacun. Nous ne voulons pas que l’Europe s’islamise."

Stratégie de dédiabolisation

La chasse aux musulmans est une bataille que son parti mène depuis sa création bien qu’aujourd’hui, en prenant exemple sur son voisin, le PxC opte pour une stratégie de dédiabolisation. Tout commence avec une crise interne. Le fondateur du parti, Josep Anglada, s’est vu écarté pour ses "sorties de tons qui portaient préjudice à l’image du parti."

Par là, Hernando veut parler notamment du tweet polémique d’Anglada publié en début d’année sur lequel apparaissait un enfant de couleur portant le drapeau catalan que le politique décrivait ainsi "Si ceux-là sont les nouveaux Catalans, je préfère partir ! Ceux de la maison, d'abord."

Consulté sur les similitudes entre la récente crise père-fille chez les Le Pen, et celle vécue entre le fondateur évincé quelques jours après ce tweet, Hernando confirme leur nouvelle stratégie :

Plus qu’un changement, ce que nous voulons c'est donner une image plus respectueuse du parti. Les débordements d’Anglada ne nous profitaient pas. Nous pouvons être plus ou moins d’accord avec lui mais avec plus de respect, c’est mieux."

Dédiabolisation donc, mais il semble qu’il reste encore beaucoup à apprendre de la fille Le Pen qui a réussi pour le moment à rendre une image plus présentable de son parti, au vu de son score aux Européennes. Pour le moment, le secrétaire général du PxC continue d’affirmer :

Je ne déteste pas l’islam mais je préfère ne pas l’avoir tout près. Je ne veux pas que l’Espagne ou l’Europe aient des mosquées. L'islam est un des grands problèmes de l’Europe actuellement… Je pense que cette religion est nocive pour le futur du continent. Je considère que l’Europe est meilleure telle qu’elle est c'est-à-dire avec des catholiques et non pas des musulmans."

Aujourd’hui, le parti d’Hernando n’a qu’une représentation politique territoriale, avec 67 élus en Catalogne. Un parti minoritaire mais qui n’en demeure pas moins dangereux, surtout depuis la crise. Après tout, qui aurait cru il y a une vingtaine d'années que le parti de Jean-Marie Le Pen devancerait le PS en 2002 et l'UMP en 2014 ?




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