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Coupe du monde 2014: pourquoi les Européens sont en petite forme

vendredi, 27 juin, 2014 - 11:12

La phase de poule du Mondial 2014 de football au Brésil est enfin terminée. L'occasion de revenir avec Alban Lepoivre, journaliste sportif à Europe 1 et présentateur du multiplex de la station, sur ce début de compétition pour les équipes européennes. Interview.

L'Italie, l'Espagne, l'Angleterre et le Portugal sont éliminés. Comment expliquez-vous l'échec de ces grandes nations du football en Europe ?

Globalement je pense que les équipes européennes ont fait preuve de suffisance à l'égard des sud-américains. En bons Européens, nous sommes partis au Brésil avec en tête l'idée que nous avions les meilleurs championnats du monde et donc les meilleurs joueurs du monde.

On le voit notamment avec l'Italie. La Squadra Azzura s'est vue trop belle après sa victoire contre l'Angleterre 2-1. Mais elle a sous-estimé le Costa-Rica qui l'a emporté 1-0. L'équipe de Gianluigi Buffon s'est ensuite effondrée sur le même score contre l'Uruguay. L'Italie a voulu jouer le 0-0 et n'a eu aucune occasion de but. La défense italienne a fini par craquer à la 81e minute.
 
Pour l'Espagne c'est un peu différent. Je faisais partie de ceux qui ne voyaient pas la Roja aller bien loin, mais je ne m'attendais pas à une telle déconfiture. Le problème de cette équipe, c'est son jeu. Il n'a pas évolué et est toujours fondé sur la possession de balle. Les joueurs attendent que des espaces se libèrent pour foncer. Mais ça ne fonctionne plus, les autres équipes ont trouvé la parade à cette tactique depuis longtemps. Qui plus est, il est difficile de retrouver la motivation lorsqu'on vient de tout gagner (champion du monde 2010, champion d'Europe 2012).

Quant au Portugal, son problème, et tout le monde le sait, c'est qu'elle est "Cristiano Ronaldo dépendante". Les Portugais ont été dominés tout le long du match contre les U.S.A. Ils me font beaucoup penser à la Côte d'Ivoire. On a quelques individualités, Ronaldo, Joao Moutinho, Raul Meireles, mais collectivement il ne se passe rien. Le Portugal d'aujourd'hui est plutôt à ranger du côté des équipes moyennes. On est loin de la génération talentueuse des années 2000.

Existe-t-il, selon vous, un football européen ? Une façon de jouer qui caractérise les équipes du Vieux Continent ?

Non. Il n'y a pas d’uniformisation du football en Europe. La France, par exemple, possède un milieu de terrain solide. Elle est moins focalisée sur la possession de balle, contrairement à l'Espagne. Son jeu est plus technique. L'Italie mise tout sur son catenaccio avec une solide base défensive. La Squadra Azzura prend peu de risques offensifs. Elle se concentre sur la consolidation de sa charnière centrale.

Le football européen est plus contrasté qu'en Amérique latine où là, on identifie clairement une patte commune à toutes les équipes. Ils sont plus techniques en attaque et se projettent vers l'avant comme on le voit avec le Brésil, l'Uruguay ou encore la Colombie. L'Argentine est la seule à se distinguer. Les Argentins jouent un peu comme des Italiens : une solide défense et on laisse Messi faire la différence. Lui, Higuain et Di Maria sont là pour faire le boulot offensif. Chacun conserve son poste. C'est moins souple que dans les autres équipes d’Amérique du Sud.

 

Les Bleus ont bluffé tout le monde dans cette phase de poule. En tant que spécialiste, vous-attendiez vous à de tels résultats de la part de l’équipe de France ?

C'était une demi-surprise. La rencontre contre l'Ukraine du 19 novembre 2013 (3-0 pour la France) a marqué un tournant. Les matchs de préparation se sont bien déroulés. Surtout la victoire contre la Jamaïque (8-0). Beaucoup disaient qu'il ne fallait pas trop se réjouir car la Jamaïque est une petite équipe. Mais je tiens à rappeler qu'ils n'ont perdu qu'un but à zéro contre la Suisse. De plus, la formation jamaïquaine n'a rien à voir avec des équipes d'amateurs comme celle des Îles Féroé. La France a joué contre des professionnels, des sportifs qui évoluent dans des clubs anglais ou américains. Pas contre le boucher du coin ou le bûcheron d'à côté! J'avoue cependant que je ne m'attendais pas à ce que nous l'emporterions 5-2 contre la Suisse… L'équipe de France est sur la pente ascendante depuis que Didier Deschamps a trouvé son onze de départ. 

L’absence de Franck Ribéry jouerait-elle sur les performances des Bleus ?

(Rires gênés). Est-ce qu'ils jouent mieux sans Ribéry ? (Hésitation). Je ne sais pas… oui, je crois. J'ai l'impression que l’équipe est délestée d'un poids. Pourtant, j'adore Franck Ribéry. C'est un super joueur. Peut-être le meilleur en France actuellement. Mais c'est quand même un mec qui a souvent déclaré qu'il préférait jouer à gauche et ne voulait pas changer de position. On a bien vu ce qui se passe, avec le Portugal, quand toute une équipe tourne autour d'un seul homme…

Aujourd'hui, le collectif reprend le dessus chez les Bleus. Les footballeurs jouent en osmose qu'il s'agisse de Giroud, Benzema ou Valbuena. Mais cela n'enlève rien aux qualités de Franck Ribéry. On est pas titulaire du Bayern de Munich, champion d'Allemagne et taulier de l'équipe de France par hasard.

Jusqu'où l'équipe de France ira dans ce mondial selon-vous ?

Si je devais sortir ma boule de cristal je dirais au moins jusqu'en demi-finale. Je les vois battre le Nigeria et l'emporter contre l'Allemagne en quart de finale. Mais il faudra faire attention. Certains joueurs montrent encore quelques signes d'immaturité. Dans le match contre l’Équateur, Mamadou Sakho et Olivier Giroud ont porté quelques coups de coude pour se défaire du marquage serré des Equatoriens. Je peux comprendre leur agacement, mais un geste pareil, en phase finale d'une coupe du Monde ça ne pardonne pas. L'arbitre peut sortir un carton rouge s'il vous voit. Et ce n'est pas en se faisant expulser du terrain qu'on aide son équipe à gagner.

Quelles sont les équipes européennes qui vous ont le plus impressionné durant cette phase de poule ?

La France et les Pays-Bas. Ma préférence va aux Bleus, non pas parce que je suis Français, mais parce que l’équipe a fait preuve de constance. On a beaucoup critiqué le match contre l'Equateur. Certains l'ont trouvé ennuyeux. Pas moi. Il y a quand même eu 13 tirs cadrés. La France a rarement été en difficulté. Ce qu'il a manqué aux Bleus ce soir-là, c'est la réussite pour finaliser une action sur un but. Les Néerlandais, eux, ont montré de gros signes de faiblesses contre l’Australie qui, comme tout le monde le sait, est loin d'être une grande équipe.

Les commentateurs sportifs parlent souvent d'un "effet Coupe du monde" pour expliquer les bons résultats des équipes sud-américaines. Ce n'est pas une peu de la mauvaise foi à l'européenne ?

Je ne serai pas si tranché. Certains confrères ont l'air surpris de voir les équipes d’Amérique latine gagner des matchs. Mais je tiens à rappeler qu'en 2010, toutes les équipes sud-américaines (six au total en 2010 contre cinq cette année) étaient qualifiées en phase finale et cela n'avait étonné personne. Leurs supporters sont plus présents que les nôtres, mais ça ne fait pas tout.

Le véritable avantage c'est le climat. Actuellement, c'est le début de l'hiver au Brésil. Même si les températures sont chaudes le taux d'humidité a considérablement augmenté. L’organisme a plus de mal à récupérer surtout s'il est très sollicité. Les joueurs d'Amérique latine ont tous un jour évolué dans des clubs locaux et font régulièrement des matchs en équipe nationale. Ils ont l'habitude de ce type de climat. Les Européens un peu moins. C'est un détail, mais dans les grandes compétitions, les détails peuvent tout changer. 

Dimanche 13 juillet. Rio de Janeiro. Le stade du Maracana est plein à craquer. Quelle serait votre affiche rêvée pour cette finale ?

Sans surprise, si c'était possible un Brésil-France. Si les Bleus pouvaient réitérer l'exploit des Uruguayens de 1950 en battant le Brésil à domicile, ce serait une magnifique.




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