Les centres des impôts incendiés ces derniers temps témoigneraient d'un "ras-le-bol fiscal" et des Français. Les impôts sur le revenu, notamment pour les revenus modestes, sont pourtant peu élevés en France. Mais les prélèvements sur les salaires sont, eux, très importants.
Chronique sur RFI - Les impôts
Manuel Valls et Pierre Moscovici, sont-ils masos ? Le chef du gouvernement a annoncé à la mi-septembre la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu en réponse au "haut-le-cœur fiscal" des Français. Un an plus tôt l'ex-ministre des finances faisait état d'un "ras-le-bol fiscal". Pourtant ni l'un ni l'autre n'ont tenté d'expliquer que les contribuables français payent très peu d'impôts sur le revenu comparé à leurs voisins européens. Notamment les ménages modestes qui ont déjà bénéficié d'une réduction des impôts pour les ménages modestes en juillet.
Malgré les hausses des impôts directs ces dernières années, la France n’est donc pas un enfer fiscal. Du moins pour les seuls impôts sur le revenu. Mais si l’on ajoute à la fiscalité directe les cotisations sociales et autres prélèvements sur les salaires, ce n'est vraiment pas le paradis.
Myeurop repris et actualisé une étude sur la fiscalité en Europe réalisée il y a quelques semaines par le cabinet international d'audit et de conseil, BDO.
Matraquage fiscal en Espagne
Prenons ainsi l'exemple d'un couple avec deux enfants imposé en France disposant de 35 000 euros de revenus annuels net. Il a payé l'année dernière 741 euros d'impôts soit à peine plus de 2% du revenu. Mieux, cette année, il n'a rien payé à la suite des dégrèvements décidés en juillet dernier pour les revenus modestes.
Dans le même temps un couple imposé en Allemagne disposant des mêmes revenus aura payé 11% d'impôts, soit 3 850 euros; un couple britannique 15%, soit 5 250 euros; un couple espagnol 19%, soit 6 650 euros !
Et même pour des revenus plus élevés, les différences restent importantes. En gardant l'exemple d'une famille avec deux enfants, mais cette fois avec des 100 000 euros de revenus, le couple français paye 12 778 euros d'impôts. Mais un couple allemand avec les mêmes revenus paye 22 000 euros de plus ; un couple britannique 28 000 euros et son homologue espagnol 31 000 euros.
Mais si on ajoute aux impôts payés par ce couple français les cotisations salariales et patronales qui pèsent sur ses salaires, l'ensemble de ces prélèvements s'élève à 30 079 euros. Soit 85% de ce qu’il touche effectivement ! C'est 16% de plus qu’en Allemagne, 17% de plus qu’en Italie, 27% de plus qu’en Espagne, 68% de plus qu’en Suisse et 77% de plus qu’en Grande Bretagne.
Et avoir des enfants à charge accentue les différences. N'en déplaise aux associations familiales, en France, l'incidence du nombre de parts fiscales – avec une demie part par enfant et une part à partir du 3ème enfant- reste importante malgré les nouveaux plafonnements. Ainsi, pour un célibataire cette fois, touchant également 35 000 euros net, les impôts et prélèvements sur ses revenus s'élèvent à 41 215 euros. C’est 10% de plus qu’en Italie, 17% de plus qu’en Allemagne, 34% de plus qu’en Espagne et 129% de plus qu’aux Pays-Bas et, tenez vous bien, 143% de plus qu’en Grande Bretagne!
Peu d'impôts directs tuent l'emploi
Sont mis dans la balance l'ensemble des cotisations sur le salaire, que ce soit celles payées par notre célibataire ou l'entreprise qui l'emploie. En d’autres termes, un salarié célibataire qui empoche 35.000 € engendre avec son entreprise un reversement à la collectivité de 41.000 €.
Mais les syndicats en France vous diront à juste titre que les cotisations sociales ne vont pas dans les caisses de l'Etat et qu'elles sont destinées à financer essentiellement les retraites, la maladie, la famille et le chômage. C'est donc pour la CGT, FO et la CFDT, du salaire différé puisque nous en profitons tous un jour ou l'autre.
Cette approche très anglo-saxonne a au moins le mérite de poser le problème du poids et de la ventilation des prélèvements fiscaux et des charges sur les salaires. Si avec le CICE, le "Crédit d'impôt compétitivité emploi" permettant une réduction des cotisations patronales, ces dernières sont passées de 42% à 38% du salaire brut en 2013 et à 36% cette année, elles restent nettement plus élevées que les 19% prélevés en Allemagne où les 11% en Grande-Bretagne. Même en Italie ou en Espagne, elles plafonnent à respectivement 29 et 26%.
C'est évidemment un handicap important pour la compétitivité des entreprises françaises. Mais c’est fondamentalement une affaire de choix de société qui dépasse les clivages politiques. Faut-il faire payer la protection sociale par les salariés et les entreprises ou par les contribuables via l’impôt ?