L'Europe s'est fixé la semaine dernière des objectifs précis pour faire face au réchauffement climatique. Mais sont-ils suffisants et seront-ils atteint dans les délais prévus? Rien n'est moins sûr.
Chronique sur RFI - Le réchauffement climatique
Les dirigeants européens se sont mis d'accord vendredi dernier pour lutter contre le réchauffement climatique en se fixant des objectifs qui se veulent ambitieux et exemplaires pour les autres continents. Ils concernent:
- La réduction les émissions de gaz à effet de serre;
- La part des énergies renouvelables;
- Les économies d'énergie.
Pour les Amis de la Terre, ces objectifs sont, en fait, bien en deçà de ce qui devrait être fait par l'Europe pour combattre le changement climatique.
Néanmoins, comparé au reste de la planète, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne montrent indéniablement l'exemple avec cet accord.
Car au niveau international rien n'avance vraiment. Le bilan est dramatique. Le dernier sommet de la Terre à Rio de Janeiro, il y a deux ans, a été un échec patent, notamment pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui, selon les experts, devraient doubler d’ici à 2050 si on ne réagit pas rapidement.
La France à la traine
Face à cette urgence climatique, les dirigeants européens ont donc le mérite de vouloir diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% en 2030 par rapport au niveau de 1990. Dans le même temps, la part des énergies renouvelables devra elle, être portée à 27 % du mix énergétique et la consommation d'énergie devra être réduite de 27%.
En 2007, les pays de l'Union européenne s'étaient déjà fixés des objectifs qualifiés de "3 fois 20". D'ici à 2020, l'Europe s'était engagée à 20% d'économies d'énergie, à 20% de réduction des émissions de Co2, le principal gaz à effet de serre, et à porter à 20% la part des énergies renouvelables.
Où en est-on aujourd'hui à bientôt cinq ans de l'échéance?
- Concernant les économies d'énergies, cet objectif ne sera probablement pas atteint. En France, c'est pourtant une des priorités de la récente loi sur la transition énergétique de Ségolène Royal. Mais faire des économies d'énergie coûte cher et partout en Europe, les gouvernements rechignent à accorder de nouveaux avantages fiscaux vraiment incitatifs, notamment pour mettre aux normes l'isolation des bâtiments.
- Concernant les émissions de Co2 par habitant, on avance à petits pas… Ainsi, pour l'ensemble de l'Union européenne, on est passé de 8,5 tonnes en 2000 par habitant, à 7,2 tonnes aujourd'hui. Sur une plus longue durée on s'aperçoit que si certains pays ont fait de réels efforts, d'autres ont continué à augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi, de 1990 à 2012, selon les chiffres de l’Agence européenne de l’environnement, les trois pays Baltes sont, de loin, les pays les plus vertueux avec une réduction comprise entre 53 et 58% de leurs émissions. Mais ils reviennent de loin, avec des usines héritées de l'époque communiste extrêmement polluantes. En Europe occidentale, c’est le Royaume-Uni et l'Allemagne qui progressent le plus avec une baisse de 25%. Mais la France et l'Italie n’ont réduit leurs émissions que de 11% et les Pays-Bas de seulement 9%. Et il y a bien pire: les émissions de Co2 ont augmenté de 14% au Portugal et de 22% en Espagne sur la même période.
- Pour les énergies renouvelables les résultats se font moins attendre. L'énergie solaire, l'énergie éolienne et la biomasse se sont développées relativement rapidement ces dernières années en Europe. Ainsi entre 2004 et 2012, la part des énergies renouvelables par rapport à la consommation totale, a augmenté fortement en Suède où elle est passée de 39 à 51 %, au Danemark (de 14 à 26 %) et en Autriche (de 23 à 32 %). En France, la prédominance du nucléaire a été un frein majeur au développement de l'énergie verte, qui n’est passé dans le même temps que de 9,3 à 13,4 %.
A ce train là, pourra-t-on atteindre 20% d'énergies renouvelables en Europe en 2020 ? Cela dépend des pays. Ces 20% sont une moyenne pour l'ensemble des pays d'Europe. L'Union européenne, qui se dit convaincue qu'elle tiendra son engagement, a fixé des objectifs différents selon les pays en fonction de leur capacité de les atteindre. La France doit, elle, mettre les bouchées doubles car son objectif a été fixé à 23 % en 2020 et il sera très difficile à tenir.
Convaincre Pekin et Washington
Mais, heureusement, les pays ayant déjà une part importante d'énergies renouvelables dans le mix énergétique ont déjà dépassé leurs objectifs: celui de la Suède avait ainsi été fixé à … 49%, un objectif qu'elle a, comme nous venons de le voir, déjà dépassé !
L'Allemagne a, elle aussi, fait des efforts considérables. La part du renouvelable est passée de 6 % à 13% en 8 ans. Cependant, le pays des grosses et puissantes berlines freine sur les normes anti-pollution. De plus, si l'Allemagne a mis le paquet pour l'énergie solaire et, dans une moindre mesure, pour l'énergie éolienne, sa consommation énergétique reste élevée. Par ailleurs, depuis l’abandon programmé du nucléaire outre-Rhin, les émissions de C02 dues au charbon augmentent de nouveau.
Mais avec ces objectifs pour 2020 et 2030, l'Europe peut, au moins, arriver le front haut à la conférence internationale sur le climat, qui se tiendra à Paris l'année prochaine. N'ayant pas trop à rougir de ses efforts, elle doit convaincre la Chine et les Etats-Unis notamment, de l'impérieuse nécessité de prendre à leur tour des mesures réellement à la hauteur de ce défi mondial du changement climatique.
Nous sommes à un point de non retour. C'est l’urgence mondiale. Cela donne à l'Europe et plus particulièrement à la France une responsabilité encore plus grande. Un nouvel échec à Paris en 2015 serait dramatique pour la planète Terre.