Après avoir fait plier les médias allemands, Google vient de fermer Google news en Espagne. En France, il a acheté la paix avec les éditeurs. Seuls les éditeurs belges ont obtenu de vraies compensations. Ailleurs en Europe, c'est la "Duralex Google".
Chronique sur RFI - Les Européens face à Google
Google a mis sa menace à exécution en Espagne. Son site d'actualité Google noticias, version espagnole de Google news, a été fermé hier. Une réponse radicale à la nouvelle législation imposant au géant de l'internet de rémunérer les médias dont il reproduisait en partie les articles.
Le couperet était tombé à la suite du vote d'une loi obligeant les moteurs de recherche à payer les éditeurs de presse quand ils reprennent tout ou partie de leurs contenus. Or Google s'y est toujours refusé.
C'est la première fois que Google ferme un de ses services d'info en Europe. Cette fermeture de Google Noticias, n'est pas vraiment une surprise. Google avait brandi la menace à maintes reprises en faisant le pari que les médias avaient plus à perdre qu'à y gagner, Google News leur permettant d'augmenter leur audience sur internet.
Ce chantage avait ainsi été efficace ailleurs en Europe. Mais les députés espagnols ont refusé de plier et Google a été contraint de mettre sa menace à exécution.
Google affirme avoir pris cette décision la mort dans l'âme tout en affirmant ne pas gagner d'argent avec ses sites d'actualité.
C'est sans doute vrai d'un strict point de vue comptable, mais c'est un marché de dupe. Google ne gagne pas d'argent à proprement parler, mais il gagne une audience considérable et l'audience c'est de l'argent, surtout pour Google.
Clics en or
La fortune de Google, c'est le clic sur son moteur de recherche et sur sa déclinaison Google news. Des centaines de millions de personnes dans le monde se connectent chaque jour sur Google et Google News et à chaque fois qu'ils font une recherche, que ce soit pour s'informer ou pour acheter une paire de chaussure, cela permet à Google de recueillir des infos sur les internautes.
Au fil des clics, Google finit ainsi par tout savoir sur les internautes. Vous aimez le foot, vous avez des enfants, une voiture, un vélo, un four micro-ondes que vous avez acheté sur internet via Google… Dès lors les publicités correspondant à votre profil s'afficheront sur votre ordinateur.
Et ce sont ces pubs sur mesure qui remplissent par milliards les caisses de Google. Vu sous cet angle, Google News c'est très rentable, quoi qu'en dise Google.
Ailleurs en Europe, 12 ans après le lancement de Google news, les éditeurs de presse qui accusent Google de pillage n'ont fait, au mieux qu'écorner les règles du jeu édictées par la firme de Palo Alto.
En Allemagne une loi est entrée en vigueur l'été dernier. Elle oblige Google à payer une redevance aux éditeurs mais concède que "de petits morceaux de textes " peuvent être utilisés gratuitement.
Une notion plutôt floue. Springer, le géant des médias allemands, s'était néanmoins engouffré dans la brèche en demandant à la justice de trancher.
Mais sans attendre que les tribunaux se prononcent, Google avait unilatéralement annoncé en octobre qu’il ne reprenait désormais plus que les titres des articles de presse sans photo. Cela s’est avéré efficace : un mois plus tard, à la surprise générale, le, le groupe Springer, a finalement rendu les armes en acceptant que ses contenus soient repris gratuitement par Google.
La paix pour 60 millions
En France, les éditeurs de presse, plus fragiles financièrement, ont préféré la création d’un fonds d'aide aux médias financé par le groupe américain. En contrepartie, ils ont renoncé à monnayer leurs contenus. Un choix très critiqué par les groupes de presse des autres pays européens. Ils estiment que le deal piloté par l'Elysée est déséquilibré.
Le Fonds Google, doté de 60 millions d'euros sur 3 ans, est en effet bien maigre. Car si Google déclare moins de 200 millions de chiffres d'affaires en France, son chiffre d'affaires réel serait de l'ordre de 1,5 milliard. Autrement dit, le groupe américain a acheté la paix avec les éditeurs de presse pour une bouchée de pain.
Autre exemple, en Belgique les éditeurs de presse ont porté plainte dès 2007 contre Google pour non-paiement des droits d'auteur. En 2011, les juges ont donné raison aux éditeurs.
En réaction Google News a retiré les liens et contenus des médias belges. Finalement, en décembre 2012, les deux parties ont enterré la hache de guerre et ont signé un accord secret, le groupe américain ne souhaitant pas que ce compromis fasse boule-de-neige en Europe. Le compromis est aujourd'hui connu. Google ne paye pas de redevance, mais a accepté une indemnisation qui serait de l'ordre de 2% à 3% du chiffre d'affaires de la presse belge. C'est nettement mieux que ce qu'ont obtenu les médias français.
Chacun pour soi et Google pour tous
Dans les autres pays européens, on tergiverse. Ainsi en Italie, le précédent gouvernement d'Enrico Letta était favorable à une "taxe Google". De plus, Google aurait été contraint de faire appel à des entreprises italiennes pour commercialiser ses espaces publicitaires. Mais depuis, Matteo Renzi qui a succédé à Enrico Letta, semble peu pressé de partir en croisade.
Et même en Grande-Bretagne, le magazine The Economist se demande si on ne devait pas mettre fin à la domination outrancière de Google sur internet. Mais n'est-il pas trop tard pour se poser la question, alors que plus de 90% des internautes sont accros à Google ?
Le Parlement européen dénonce lui aussi ce quasi-monopole. Les eurodéputés ont ainsi adopté le mois dernier à une très large majorité une résolution, proposant de démanteler Google pour séparer ses activités de moteur de recherche et ses autres services. Mais, à la Commission européenne on ne semble pas vraiment prêt à croiser le fer avec Google alors que les médias européens n'ont jamais eu de position commune.