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Tiers payant pour les médecins, une idée venue d’Europe

mardi, 6 janvier, 2015 - 15:29

Cabinets fermés, grève de la carte Vitale, les médecins ne désarment pas. Ils refusent le tiers payant prévu dans le projet de loi santé de Marisol Touraine au nom de l'accès aux soins pour tous. Ailleurs en Europe, rares sont les pays où l'on paye encore les consultations.

 

Chronique sur RFI - Le tiers payant 

 

Pharmaciens, infirmiers, kinés, laboratoires d'analyses médicales… ont, bon gré mal gré, adopté le tiers payant. Le système fonctionne et cela facilite l'accès aux soins. Pourtant, du fait de l'absence de ce tiers payant pour les médecins, un malade sur trois renonce au moins une fois par an à aller chez le médecin ou d'avoir recours aux urgences gratuites à l'hôpital. Pour Marisol Touraine, il faut donc imposer aux médecins ce système permettant au patient de ne pas avoir à avancer les frais d'une consultation.

Mais les médecins refusent ce tiers payant pour des raisons de fond et de forme. Sur le fond, les médecins de ville, très attachés en France à leur statut libéral, sont opposés à une "fonctionnarisation" de leur profession engendrée par "l'étatisation du système de santé. Et plus concrètement, ils redoutent une surcharge de travail administratif.

Il est vrai que la France est la championne des assurances complémentaires, avec plus de 400 mutuelles, une bonne centaine d'assurances santé et 35 assurances de prévoyance. Cela ne facilite évidemment pas le règlement des honoraires des médecins. De plus, les délais de remboursement de la sécu sont très aléatoires, certaines caisses étant en surcharge permanente. Et les médecins ne seront sans nul doute pas remboursés plus vite que leurs patients.

Le tiers payant à toutes les sauces

Le tiers payant pour les consultations médicales est le système adopté dans 24 des 28 pays de l'Union européenne. 

En Belgique et au Luxembourg, le patient paye comme en France la consultation quel que soit son montant avant de se faire, en partie ou totalement, rembourser par les assurances santé publiques ou privées.

En Suède le patient se fait rembourser ultérieurement la consultation par sa caisse d'assurance-maladie si les honoraires du médecin ne dépassent pas 90 euros. Au dessus, il n'a pas à avancer les frais. C'est exactement le contraire de la France où les dépassements d'honoraires ne sont jamais pris en charge par la sécurité sociale et jusqu'à des montants variables par les mutuelles complémentaires.

En Allemagne où le tiers payant est la norme, le système de remboursement des médecins est très particulier. Les caisses d'assurance maladie paient des associations régionales de médecins qui paient ensuite individuellement les médecins. Cela peut paraître très complexe, mais cela permet de ménager les susceptibilités professionnelles, les médecins n'étant pas payés par des organismes parapublics mais par leurs confrères.

En Autriche et aux Pays-Bas également, le tiers payant est aussi la règle à laquelle sont soumis tous les médecins. Mais, comme en Allemagne, cela ne concerne pas les éventuels dépassements d'honoraires non pris en charge par les assurances maladies publiques et privées du patient.

Service national obligatoire et gratuit

Au Royaume-Uni les patients doivent impérativement consulter un médecin généraliste imposé et payé par le Service national de santé, le National Health Service (NHS) en fonction du lieu d'habitation. Il bénéficie en contrepartie de consultations et de soins totalement gratuits. De plus les délais d'attente sont réduits en fonction de la gravité de la pathologie.

A l'inverse, si le généraliste vous aiguille vers un spécialiste, les délais d'attente pour avoir un rendez-vous pour consulter un spécialiste peuvent être interminables. A tel point qu'il est souvent contraint de faire appel à un médecin dans le privé, même si la consultation est alors entièrement à sa charge. Et ce n'est pas donné: il faut alors compter entre 100 et 140 euros pour un médecin généraliste et plus encore pour un spécialiste.

Les Danois doivent, eux aussi, choisir un médecin généraliste sur une liste qui leur est proposée en fonction de leur lieu de domicile pour bénéficier du tiers payant. Ce système de médecin référant s'est d'ailleurs imposé avec plus ou moins de souplesse dans la majorité de pays européens.

Le "tiers garant", solution helvétique

Les Suisses ont quant à eux inventé le "tiers garant" ! Le système est on ne peut plus simple: le patient ne paie pas le médecin lors de la consultation mais un mois plus tard. Un délai suffisant pour se faire rembourser d'ici là par son assurance maladie.

En Croatie on ne paye pas le généraliste mais s'acquitte d'une franchise d'environ 2 euros à chaque consultation. C'est symbolique, mais cela permet de prendre conscience que l'on ne va pas voir un médecin pour n'importe quoi. 

Chacun a donc sa solution pour préserver plus ou moins bien le droit au soins pour tous. Cela prouve encore une fois qu'une étude objective des avantages et inconvénients des solutions mises en œuvre chez nos voisins aurait pu être une bonne base de négociation entre les médecins et l'Etat. Mais au lieu de cela, on s'est contenté de quelques généralités caricaturales de part et d'autre sur le tiers payant en Europe. Dommage.




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