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Islamophobes et europhobes font de Charlie leur prophète

mardi, 20 janvier, 2015 - 15:33

En Europe, les partis nationaux-populistes font l'amalgame entre terrorisme, Islam et immigrés, en prétextant avoir prévenu depuis longtemps du danger islamiste. 

 

Chronique sur RFI - Islamophobie et europhobie 

 

Les attentats à Charlie Hebdo et à l'Hyper Cacher ont mis, dans un premier temps du moins, le Front National en porte à faux. Il ne pouvait décemment pas dénoncer comme à son habitude l'Etat UMPS alors que des millions de personnes étaient dans la rue pour Charlie et pour l'union nationale.

Après avoir adopté en vain la posture de victime pour ne pas avoir été, disait-elle, "invitée" à la marche républicaine, Marine Le Pen a participé dans l'indifférence générale à un rassemblement très peu suivie à Beaucaire, un fief FN. Cette initiative à contretemps n'a fait alors que la marginaliser.

Par la suite, elle a été d'une grande prudence en évitant les amalgames entre islamistes et musulmans. Sans éviter pour autant le double discours, en rappelant qu'elle était pour "la suppression du droit du sol" pour obtenir la nationalité française tout en désavouant ceux qui au sein du FN avaient totalement dérapé. Notamment Jean-Marie Le Pen, pour qui "l'exécution de Charlie Hebdo porte la signature d'une opération des services secrets". Des "théories conspirationnistes fumeuses et dangereuses", lui a répondu sèchement sa fille.

Elle a également tenté de désamorcer les propos de son ancien conseiller aux affaires internationales, Aymeric Chauprade. Selon lui, "la France est en guerre avec les Musulmans" et cette guerre est "un conflit de civilisation". Il faut dire que le "choc des civilisation" est la marotte de cet eurodéputé FN.

Mais une fois l'émotion populaire passée, il est certain que Marine Le Pen compte bien mettre à profit le climat anxiogène actuel pour dénoncer de nouveau "une immigration qui engendre le communautarisme" comme elle l'a réaffirmé lundi sur France Inter.

Xénophobie, islamophobie et théorie du complot

Les autres partis nationaux-populistes en Europe tentent, eux aussi, tirer profit des attentats de Paris.

En Allemagne, le Pegida, le mouvement des "patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident", explique ainsi avoir prévenu du danger depuis des semaines en manifestant régulièrement, notamment à Dresde. Ils défilent contre "l'islamisation" de l'Europe et les "demandeurs d'asile criminels" et font des émules en Flandre, en Suède, en Autriche et en Suisse.

Leur manifestation hebdomadaire du lundi soir à Dresde a été interdite hier en raison d'un "risque terroriste" pesant sur l'un des leaders du mouvement, mais 20 000 personnes sont quand même descendus dans la rue en Allemagne.

Plus étonnant, Alexander Gauland. le vice-président d'Alternative pour l'Allemagne, un parti essentiellement anti-euro et souverainiste créé par des économistes et des universitaires, estime que "ceux qui jusqu'à présent  méprisaient les préoccupations de la population concernant le danger imminent de l'islamisme ont été mis à mal par ce geste sanglant" à Charlie Hebdo. Bernd Lucke, figure la plus connue de l'AFD, a tenté de rectifier le tir en expliquant "qu’on ne doit pas faire peser sur toute une communauté religieuse des actes de violence commis par deux extrémistes".

En Grande-Bretagne, Nigel Farage le leader de l'UKIP, parti souverainiste et europhobe arrivé en tête aux élections européennes, estime, quant à lui, que ces attentat sont l'œuvre d'une "cinquième colonne de gens qui habitent les sociétés occidentales, mais qui nous détestent".

Et aux Pays-Bas, l'islamophobe Geert Wilders a été à la hauteur de son islamophobie. Le chef du PVV (Parti pour la liberté) dénonce 'les élites qui par lâcheté refusent de voir que l’islam est le problème". Il réclame également "des mesures fortes" pour "désislamiser" son pays, avec l’arrêt de toute immigration en provenance de pays musulmans, l’expulsion définitive de personnes qui auraient combattu avec les djihadistes.

Peur identitaire et déni de réalité

En Italie, le populiste Beppe Grillo a été lui aussi fidèle à ses habitudes. Il ne s'est pas exprimé personnellement. Mais le fondateur du Mouvement 5 étoiles a publié sur son blog un post d'un universitaire qui explique que, comme Jean-Marie Le Pen, l'attentat à Charlie est probablement un complot comme pour l'assassinat de Kennedy, l’assassinat d’Olaf Palme, et, bien évidemment, le 11-Septembre…

Quant à Matteo Salvini, le nouveau leader de la Ligue du Nord, parti allié au FN au parlement européen,  "c’est une vraie guerre qui est en cours". Pour lui "y répondre avec la tolérance et des bons sentiments serait un suicide". Il demande donc au pape François de ne plus "dialoguer avec l’Islam".

En faisant associant islam et islamistes ces partis nationaux-populiste misent tous, non pas  tellement sur la peur du terrorisme, mais surtout sur celle plus profonde du "grand remplacement" agitée aujourd'hui par Eric Zemmour. C'est un terreau électoral fertile pour tous ces promoteurs d'une idéologie d'exclusion, de rejet d'une société multiculturelle ouverte sur le monde.

Ils savent qu'il est d'autant plus facile de jouer sur cette peur identitaire que la perception de la réalité sociale et religieuse est déjà considérablement déformée après le traumatisme collectif des attentats. Ainsi, si on demande aux Français, comme l'a fait l'institut IPSOS, quelle part de la population est de religion musulmane, ils l'évaluent à 31%, alors qu'elle est de 8%. Les Belges l'estiment, eux, à 29% alors qu'il y a 6% de musulmans outre-Quiévrain. Les Britanniques à 16% et non à 5% comme c'est le cas et les Allemands à 1%, contre 6% en réalité.


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